cible

Fini de rire

le temps ne nous ratera pas

la cible

est bien trop grosse

Le givre a pris place

sous le ciel étoilé

il a tout cadenassé

l’air gît pétrifié dans les poumons

l’homme en pyjama appelle

vainement dans la nuit

une bête domestique

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 56.

Élisabeth Mazeron, 23 juin 2006
fantassins

Une section de fantassins se repose dans un espace vide entre deux maisons. Les uns sont couchés, dorment. Les autres, debout, contemplent avec indifférence la caravane morcelée dans le village. Je m’approche. Ils ont fait la Somme. J’attends d’eux quelque clarté, quelque espoir. Mais je n’ai devant moi que les soldats mystérieux, les soldats résignés. Je cherche en eux l’âme, le fond, le choix, le désir. Ils ne me livrent pas leur secret. Ils parlent soldat. Ils sont las. Je n’obtiens d’eux que quelques : « Il ne faut pas s’en faire… »

Léon Werth, 33 jours, Viviane Hamy, p. 19.

Cécile Carret, 11 mars 2007
consumais

J’entendais contre les vitres, derrière le rideau, descendre la pluie mêlée de neige. Je me consumais dans une chambre d’hôtel comme un miracle dont personne n’est témoin.

Henri Thomas, Le précepteur, Gallimard, p. 19.

David Farreny, 3 mars 2008
cris

Chacun pousse son petit cri, mais il y a des petits cris de plus en plus sophistiqués.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 8.

David Farreny, 9 juin 2008
ou

Mon orgueil et mon délaissement étaient tels, à l’époque, que je souhaitais être mort ou requis par toute la terre.

Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, p. 141.

David Farreny, 4 janv. 2009
moral

Il faut profiter, pour respirer une dernière fois, du jeu entre les nations, de la maladresse des administrations, pour lesquelles des frontières existent encore. Bientôt, ce sera le règne des ordinateurs interchangeables, un immense réseau moral d’interpolices.

Paul Morand, « 24 janvier 1969 », Journal inutile (1), Gallimard, p. 137.

David Farreny, 25 mai 2009
inexistant

Dans mon rêve, cette ascèse du lieu se voyait largement dépassée : aucune image d’aucune chose, aucune impression de compacité ou de relief n’intervenaient pour rassurer le rêveur et lui fournir au moins le sentiment d’une consistance matérielle sur laquelle ses déplacements eussent pu prendre appui et constituer une progression clairement orientée. Quant au silence qui régnait absolument, il n’était pas fait de l’atténuation des rumeurs de la vie et ne se remplissait d’aucun déploiement organique. Il n’avait ni densité ni tension ni profondeur. Aucune qualité sensible ne permettait de le définir. Il n’était pas seulement l’absence des sons mais l’inconcevabilité même de toute production sonore — en sorte que mes appels ou mes cris, à l’adresse de l’inexistant, ne franchissaient pas le seuil de ma bouche et que, le vide des mots confirmant le vide de l’espace, je n’étais plus rien que le corps de mon angoisse.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, p. 30.

Élisabeth Mazeron, 6 mars 2010
dans

Attends, a-t-il dit, il faut que je te montre la maison, et, même si je n’avais pas très envie d’une visite guidée, je me suis senti bien dans sa phrase.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 101.

Cécile Carret, 30 sept. 2011
remontés

D’ailleurs à Java : partout ces grands coqs dégingandés qui courent entre les jambes, les charrettes, comme des jouets trop remontés avec leur plumage superbe.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 125.

Cécile Carret, 28 juin 2012
ou

J’avais espéré satisfaire un peu mon amour pour elle en lui donnant mon bouquet, c’était complètement inutile. Cela n’est possible que par la littérature ou le coït. Je n’écris pas cela parce que je l’ignorais, mais parce qu’il est peut-être bon de mettre fréquemment les avertissements par écrit.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 147.

David Farreny, 13 oct. 2012
corrélations

Un rêve bref, au cours d’un sommeil bref et crispé auquel je m’accrochais convulsivement dans un bonheur immense. Un rêve aux ramifications multiples contenant mille corrélations qui, d’un seul coup, s’éclairaient en même temps. Ce qui m’en est resté est à peine le souvenir du sentiment qui formait le fond.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 513.

David Farreny, 9 nov. 2012
us

Selon l’us, le fœtus fait son os dans l’utérus puis s’en défausse dans l’humus de la fosse.

Éric Chevillard, « lundi 12 janvier 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 12 janv. 2015

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