comment

Je ne sais pas comment font les autres.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 47.

David Farreny, 19 nov. 2006
problèmes

Un des gros problèmes que j’ai c’est avec les films étirables.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 7.

David Farreny, 9 juin 2008
locataire

Un père m’eût lesté de quelques obstinations durables ; faisant de ses humeurs mes principes, de son ignorance mon savoir, de ses rancœurs mon orgueil, de ses manies ma loi, il m’eût habité ; ce respectable locataire m’eût donné du respect pour moi-même. Sur le respect j’eusse fondé mon droit de vivre. Mon géniteur eût décidé de mon avenir : polytechnicien de naissance, j’eusse été rassuré pour toujours. Mais si jamais Jean-Baptiste Sartre avait connu ma destination, il en avait emporté le secret ; ma mère se rappelait seulement qu’il avait dit : « Mon fils n’entrera pas dans la Marine. » Faute de renseignements plus précis, personne, à commencer par moi, ne savait ce que j’étais venu foutre sur terre.

Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, p. 75.

David Farreny, 31 déc. 2008
monolithe

L’école du respect ignore superbement les distinctions fondatrices du respect de l’école. La réalité humaine qu’elle prend en charge est tout d’une pièce. La culture dont elle est occupée n’est plus une ascèse personnelle et une destination commune, c’est une origine particulière et un intouchable prédicat. Ce n’est plus un cheminement ou un arrachement, c’est un monolithe. Ce n’est plus le soin de l’âme — car l’âme a rendu l’âme — c’est une déclaration d’identité. Alors même qu’il est confronté à la violence de l’être brut notre monde abandonne la culture de l’être pour l’apologie culturaliste de l’être-soi.

Alain Finkielkraut, « Sauve qui peut le respect », L’imparfait du présent, Gallimard, pp. 252-253.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
accepter

C’est dès qu’on respire qu’on est sommé d’agir, exposé à pâtir. Aussi un accès infaillible, fulgurant nous est-il ménagé sur l’endroit précis où les heures d’or, les nôtres attendent notre venue pour commencer leur ronde. J’ai su où était ma place quand je n’avais pas le premier mot pour l’expliquer. Ç’aurait été sans importance si j’avais pu m’y établir. Je le cherche parce que ce qui est arrivé n’est pas ce qui aurait dû et qu’on peut toujours, à défaut, s’efforcer de comprendre, d’accepter.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 20.

Élisabeth Mazeron, 7 mai 2010
disposé

Confiné dans cette pure attente d’un destin que je ferais mien, j’étais mieux que quiconque disposé à ressentir ce manque qui n’expliquait pas seulement ma faillite personnelle mais celle de toute l’expérience humaine vouée à l’échec ou à la catastrophe. Les autres hommes ne pouvaient l’éprouver si vivement, pris au piège d’une vie bornée, leurs espoirs se limitaient à la réalisation d’objectifs à court terme inscrits dans la logique des menus gestes près du corps dont ils faisaient naïvement dépendre leur bonheur.

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 122.

Cécile Carret, 18 fév. 2011
lieu

La difficulté, que je pouvais pressentir, mais qui a surgi d’un coup avec une force renversante, poignante, c’est le sentiment de solitude absolue. J’ai beau me raisonner, me rappeler tous les propos que j’ai pu tenir aux uns et aux autres sur le plaisir réel que j’éprouvais à me sentir seul, je dois bien me rendre à l’évidence du mouvement de panique qui m’a traversé le corps, lundi soir, quand j’ai compris que je n’avais plus de lieu auquel me raccrocher, que j’avais rompu les amarres et ne pouvais en parler à personne, que je dérivais au hasard, balloté par des courants inconnus, entre livres d’occasion et objets perdus. La perte du lieu, c’est comme la perte d’un autre, du dernier autre, du fantôme qui vous accueille chez vous lorsque vous rentrez seul. Mardi et mercredi, j’ai eu des comportements erratiques. Mardi, j’ai couru place Saint-Sulpice voir les anciens collègues.

Marc Augé, Journal d’un S.D.F. Ethnofiction, Seuil, p. 45.

Cécile Carret, 27 fév. 2011
bénévolement

Alors, Raban eut l’impression qu’il surmonterait encore cette longue et pénible épreuve des deux prochaines semaines. Car ce ne sont que deux semaines, c’est-à-dire un temps limité, et si les contrariétés ne cessent de grandir, le temps n’en diminue pas moins pendant lequel il faut les supporter. C’est pour cela, sans aucun doute, que le courage augmente. « Tous ceux qui veulent me faire souffrir et qui ont maintenant occupé entièrement l’espace qui m’entoure, tous ceux-là seront peu à peu refoulés par ces jours qui expirent bénévolement, sans que j’aie le moins du monde à leur venir en aide. Et je puis être faible et silencieux, comme il m’arrivera naturellement de l’être, je puis les laisser faire de moi tout ce qu’ils veulent, les choses s’arrangeront quand même, grâce à ces seuls jours qui passent. »

Franz Kafka, « Préparatifs de noce à la campagne », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 83.

David Farreny, 19 nov. 2011
exil

Cela signifie que la vie de la majorité des gens n’est plus faite que d’animus – contrainte, effort, mise à disposition de son être. L’anima, cette marge de quant-à-soi, cette puissance de récupération, de repos, de latence, indispensable à l’équilibre du psychisme humain, a été bannie de nos existences.

Si le rêve est bien ce mouvement par lequel on confirme et approfondit sa propre participation au monde, encore faut-il, pour l’accomplir, pouvoir accéder librement et à soi, et au monde. Pour la plupart des gens, ce n’est aujourd’hui pas le cas. Et, en effet, à y bien réfléchir, ce qui nous maintient dans un exil qui serre le cœur a toujours à voir avec le travail – ou alors avec son absence, ou avec la peur de le perdre.

Mona Chollet, La tyrannie de la réalité, Calmann-Lévy, p. 47.

Cécile Carret, 1er mai 2012
illusions

Au cours de la route mon compagnon B. me prône une décevante philosophie de l’immobilité, de l’indifférence et de l’échec ; il est intéressant et je le crois absolument sincère. Il prétend que j’ai des illusions, c’est bien le cas. J’en ai beaucoup qui n’attendent que moi pour les rendre réelles ; je crains pour lui qu’il n’ait renoncé aux siennes un peu trop tôt. Il prétend que la joie n’existe pas. Je lui accorde qu’elle est disparue quand on croit la tenir, mais comme la contrebasse d’un orchestre on la devine quand elle nous manque.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 35.

Cécile Carret, 17 juin 2012
andropause

J’andropause en majesté sur mon trône vermoulu, contemplant d’un œil mort mes sujettes à caution.

Éric Chevillard, « mardi 17 octobre 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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