hydraulique

Elle roucoulait, gargarisante, la salive chuintée, et s’enfilait enfin, doucement, doucement, se poignardait au ventre, droite, par degrés, sans un mot, sans un cri, hagarde, défaite, vous coiffait de sa vulve excentrique, chapeau molletonné, descendait tout au long, depuis le vit, s’alourdissait, sans heurt, se pénétrait, ascenseur hydraulique surchauffé d’un immeuble insonore.

Louis Calaferte, Septentrion, Denoël, p. 65.

David Farreny, 21 mars 2002
surtout

En fait d’être humain, décidément, j’étais injustifiable ; surtout je m’agitais inutilement.

Georges Bataille, Le bleu du ciel, Gallimard, p. 138.

David Farreny, 15 juin 2004
pris

Nous sommes pris, coincés entre deux abîmes : finir et ne pas finir.

Paul Morand, « 10 juillet 1970 », Journal inutile (1), Gallimard, p. 413.

David Farreny, 25 mai 2009
sauf

Le public, au fond, c’est comme le peuple dans la démocratie, un « grand animal » difficile à manœuvrer ; il faut s’y prendre tantôt par la ruse, tantôt par la force ; exercer sur lui ce que la vieille rhétorique appelait captation benevolentiae, « l’effort pour se concilier la bienveillance ». Le Castor y répugne, par droiture, par honnêteté, et aussi parce que sa conviction profonde est que la vérité n’a pas à être acceptée ou refusée : la vérité s’impose d’elle-même, et impose par sa nature propre l’adhésion — sauf évidemment à ceux qui sont de « mauvaise volonté » ou de « mauvaise foi ».

Danièle Sallenave, Castor de guerre, Gallimard, p. 484.

Élisabeth Mazeron, 9 juin 2009
vieillir

Vieillir n’y fait rien ; même si on est plus faible, on ne s’habitue pas davantage aux choses. Simplement on ne les découvre plus, on s’y attend avec une sorte de résignation à chaque fois balayée par un sursaut de « non ». Encore plus âgé, peut-être qu’on finit par se taire et marmonner un « c’est comme c’est » vaseux.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 15.

Cécile Carret, 4 mars 2010
égoïsme

Hélène aura toussé pendant plus de quinze ans. Force du thorax. Huit années à appeler la mort…

« Donne-moi ta petite main… » Le besoin profond de tenir ma main pour vivre, pour se ramasser. Beaucoup plus qu’un geste d’amour ; sous un dehors léger, amical, un impératif.

Comme dans les derniers mois, doucement, elle battait l’air de ses mains, de bas en haut, comme, pour surnager, font les jeunes chiens.

Cette nuit, après avoir sangloté, j’ai eu un mot digne de Jules Renard : « Ça va me faire bien dormir. » (L’égoïsme pur.)

Paul Morand, « 18 mars 1975 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 471.

David Farreny, 2 sept. 2010
livré

Mais, quand on peut bien dormir en train, comme c’est mon cas — Samuel passe toute la nuit les yeux ouverts, à ce qu’il prétend —, il faudrait aussi pouvoir ne s’éveiller qu’à l’instant de l’arrivée, pour ne pas, au moment où l’on sort d’un bon sommeil, se retrouver le visage gras, le corps mouillé, les cheveux plaqués et en désordre, dans du linge et des vêtements qui sont restés vingt-quatre heures dans la poussière du chemin de fer sans être nettoyés ni aérés, accroupi dans un coin du compartiment, et devoir continuer à rouler de la sorte. Si on en avait la force, on maudirait le sommeil ; mais on se contente d’envier en silence les gens qui, comme Samuel, n’ont sans doute dormi que de courts instants, mais qui, par compensation, ont pu mieux veiller sur eux-mêmes, qui ont pu faire presque tout le voyage en pleine conscience et qui, en réprimant un sommeil auquel ils auraient fort bien pu s’abandonner eux aussi, sont restés sans cesse l’esprit clair. Le matin, j’étais comme livré à Samuel.

Franz Kafka, « Le premier grand voyage en chemin de fer », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 167.

David Farreny, 27 nov. 2011
contre

Il y a quelque chose de spirituel qui peut être dit pour et contre toute chose. Un homme d’esprit pourrait, bien sûr, prendre le contre-pied de cette affirmation, et saurait même me la faire regretter.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 290.

David Farreny, 13 janv. 2015
ensuite

52 ans aujourd’hui. J’ai donc survécu à Molière, Balzac, Rilke, Proust et Artaud. C’est intéressant car ainsi nous allons savoir ce qu’ils auraient donné ensuite.

Éric Chevillard, « samedi 18 juin 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 juin 2016

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