démantelaient

Les repas aussi me démantelaient, que je prenais avec eux.

Henri Thomas, Le précepteur, Gallimard, p. 11.

David Farreny, 20 mars 2002
mort

Or, la mort ne nous empêche même pas d’aller au cinéma.

Witold Gombrowicz, Journal (1), Gallimard, p. 91.

David Farreny, 22 mars 2002
orientation

Celui qui a cru être ne fut qu’une orientation. Dans une autre perspective sa vie est nulle.

Henri Michaux, « Poteaux d’angle », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1064.

David Farreny, 7 août 2006
contournent

Sophie demanda, effrayée : « Tu n’aimes pas ton enfance, Gerhard ? » Le malade la regarda gravement : « L’aimer ? Oh si. Je l’aime comme on aime un mensonge qui rend heureux, ou un rêve dans lequel on était, ou une bonté qui fait de vous un esclave. J’aime ces pièces qu’elle a habitées, et ta voix qui était sa nostalgie. J’aime tous les chemins où tu m’as conduit, ces chemins discrets, silencieux qui contournent la vie pour mener à ton Dieu. »

Sophie eut un mouvement qui fit tomber la cuillère d’un coup sec sur la soucoupe.

Puis elle dit froidement : « Je t’ai élevé dans la piété. »

Gerhard sourit légèrement : « Qu’est-ce que la piété ? Le plaisir qu’on prend à des églises sombres et à des arbres de Noël illuminés, la gratitude que l’on éprouve pour un quotidien tranquille que ne vient troubler aucune tempête, l’amour qui a perdu son chemin et qui cherche, qui tâtonne dans l’infini sans rivages. Et une nostalgie qui joint les mains au lieu de déployer ses ailes. »

Rainer Maria Rilke, Au fil de la vie, Gallimard, p. 129.

Élisabeth Mazeron, 17 janv. 2008
tordre

Il lui arrivait maintenant de pousser de petits rires, de se tordre littéralement ou bien de frapper dans le bois du lit et de répondre « entrez » sur des tons différents pendant des heures, sans jamais se lasser. De temps en temps il descendait de son lit, montait sur l’armoire et se mettait à ranger les vieilleries pleines de rouille et de poussière.

Bruno Schulz, « La visitation », Les boutiques de canelle, Denoël, p. 55.

Cécile Carret, 6 déc. 2009
structure

Dans l’incident, ce n’est pas la cause qui me retient et retentit en moi, c’est la structure. Toute la structure de la relation vient à moi comme on tirer une nappe : ses redents, ses pièges, ses images […]. Je ne récrimine pas, je ne suspecte pas, je ne cherche pas les causes ; je vois avec effroi l’ampleur de la situation dans laquelle je suis pris ; je ne suis pas l’homme du ressentiment, mais celui de la fatalité.

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 84.

Élisabeth Mazeron, 9 déc. 2009
frime

Quand on a écrit La Comédie humaine, on sait que ce n’était rien, la littérature : seulement cette frime nocturne, ces larmes qu’on s’arrache, ce putsch de l’incipit et ce vouloir qui vous tire en avant, vers la fin, ce corps qu’on troue de caféine, cette espérance mortelle.

Pierre Michon, « Le temps est un grand maigre », Trois auteurs, Verdier, p. 30.

Élisabeth Mazeron, 2 juil. 2010
éclat

… Or il y avait un si long temps que j’avais goût de ce poème, mêlant à mes propos du jour toute cette alliance, au loin, d’un grand éclat de mer — comme en bordure de forêt, entre les feuilles de laque noire, le gisement soudain d’azur et de ciel gemme : écaille vive, entre les mailles, d’un grand poisson pris par les ouïes !

Saint-John Perse, « Amers », Œuvres complètes, Gallimard, p. 263.

Guillaume Colnot, 3 avr. 2013
effronterie

Alors que d’habitude je changeais constamment de pas, m’écartais à contretemps, me heurtais, je marchais maintenant avec les autres, et chacun de mes pas, si inhabituelle que fût la densité humaine, trouvait du jeu sur l’asphalte. Enfin je ne trottais ni ne traînais les pieds (comme tous dans les couloirs de l’internat), mais avais ma démarche, avançais en me balançant sur la plante des pieds qui déroulait, sensible, la succession des orteils, du métatarse et du talon, envoyais au passage de petits objets sur le côté, avec le sentiment d’effronterie tranquille qui, je l’éprouvai alors dans le recommencement, avait autrefois caractérisé mon enfance.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 104.

Cécile Carret, 8 sept. 2013
saisir

Ces jours de rien, sans rien, sans signes particuliers, et d’ailleurs sans signes du tout, ces jours traînés, oscillants, nuls, si nombreux – peut-être que c’est d’eux qu’il faudrait partir pour saisir le fil rouge, mais d’un rouge pâli, éteint, qui tient tout ensemble : tout, non pas l’édifice (quel édifice ?), mais les feux lointains et les feux rapprochés, les élans et les retombées, le cœur de la fabrique et les copeaux errants, la pensée : là où elle n’a pas d’air ni d’allure, là où elle est stoppée, rongée, négative, incapable de parvenir jusqu’à une aire qui ne serait pas celle des bribes, des commencements et des repentirs mais celle d’une sorte – oui – d’envol, de vol plané…

Jean-Christophe Bailly, Tuiles détachées, Mercure de France, p. 7.

Cécile Carret, 27 mars 2015

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