présent

Les promenades dans une ville souffrent de cette imperfection que Proust attribue au présent.

Michel Besnier, Cherbourg, Champ Vallon, p. 11.

David Farreny, 23 mars 2002
afflux

Sous le couvert des arbres entremêlés, entre les rochers et les lianes, à Mauroux, incroyable profondeur du champ, comme sur les vieilles photographies sur verre, doubles, en relief quand on les regarde dans l’appareil.

Silence parfait le long du chemin, au retour. Il ne manque plus que notre disparition.

Les chiens sont gais et vigoureux, jeunes, contents d’être là, contents d’être avec moi, ravis. Ils furètent en remuant la queue, ils sautent d’un rocher à un autre, ils dénichent partout des bâtons qu’ils viennent déposer à mes pieds afin que je les lance pour eux. Tout est beau, les sentiers sont cordiaux, on dirait que l’air nous aime. Formidable afflux d’être. Il suffirait, pour décider d’être heureux, de rabattre toute espérance sur l’instant. Je n’ai pas d’amour, je n’ai pas d’argent, je n’ai aucun succès, je suis seul, seul, seul, mais ceci, ce maintenant, ce silence, cette paix, cette gravité transparente du paysage sont un émerveillement.

Renaud Camus, « samedi 18 octobre 1997 », Derniers jours. Journal 1997, Fayard, pp. 325-326.

David Farreny, 23 fév. 2003
vide

Pour tromper son vide, battre son plein.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 65.

David Farreny, 19 nov. 2006
verrait

Bien sûr, tu n’as pas ressenti en voyant Jacques le choc, le battement, l’onde raphaélite, mais il a le mérite de t’aimer. Sur le quai d’en face, il te verrait.

Michel Besnier, La vie de ma femme, Stock, p. 146.

David Farreny, 25 juin 2007
comptables

Nous sommes d’un vieux pays, comptables d’une longue histoire. Elle nous rend malaisé, plus qu’à d’autres, de choisir, c’est-à-dire de céder quelque chose qui fut pour faire droit à ce qui voudrait être. Le passé est double. Il persiste dehors, dans les choses, et en nous, étant bien entendu que nous pouvons, dans les deux cas, n’en rien savoir, ne pas déceler sa présence au creux de l’heure qu’il est.

Pierre Bergounioux, Les forges de Syam, Verdier, p. 11.

Élisabeth Mazeron, 3 fév. 2008
dehors

C’est cette nuit-là que je me suis dit que si je m’éloignais encore plus, alors je nous verrais du dehors, où résidait notre meilleure part, et même si ce que je découvrais de ce point de vue, se ramenait à rien, du moins posséderais-je une certitude.

Le moment était venu où je pouvais me tenir quitte des réclamations du passé lorsqu’il est resté en suspens, des vœux inconsidérés qu’ont faits les disparus. J’avais un an de plus, ou de moins, s’agissant de la vie mienne qui attendait plus bas que je la rejoigne.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 50.

Élisabeth Mazeron, 11 mai 2010
répéter

Du fond de ma fatigue, j’ai senti poindre en moi le dégoût que m’avait inspiré en plusieurs occasions la conscience que ma vie s’était mise à bégayer et que je n’avais fait que me répéter quand je croyais commencer quelque chose.

Marc Augé, Journal d’un S.D.F. Ethnofiction, Seuil, p. 120.

Cécile Carret, 27 fév. 2011
ramonées

Treizième arrondissement, derrière le boulevard de la Gare. Tours neuves des « résidences », enfoncées une à une dans la glaise comme les pieux d’un barrage, grues, fouilles, terrassements qui tranchent par un côté comme un massicot une colline d’une quinzaine de mètres. Tout ce dévalement morne et disgracié de la Butte-aux-Cailles vers la Seine, au-delà du vaste enclos bâti de la Salpêtrière — bizarre fief onomastique de Jeanne d’Arc : rue Lahire, rue Dunois, rue Xaintrailles, rue Richemont, rues de Reims, de Domrémy, de Patay (Gilles de Rais n’a pas la sienne) coupé en son milieu par l’énigmatique rue du Château-des-Rentiers — tout ce quartier bouleversé, éventré, rasé, hérissé de donjons de béton, évoque aujourd’hui São Paulo plus que Lutèce ; quelques fragments de sordides petites rues jamais ramonées débouchent, tranchées net comme les tronçons d’une tuyauterie oxydée, sur les terre-pleins boueux où champignonnent les casques jaunes. Aucun quartier de Paris ne connaît une mutation aussi brutale, aussi massive : c’est ici de la chirurgie lourde de greffe d’organes à côté des implants et des inlets d’une délicate prothèse dentaire.

Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, pp. 2-3.

David Farreny, 18 oct. 2014

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