galaxies

Aboie petit chien

dans la nuit aboie

bon petit chien de garde

garde bien tes maîtres

ta pâtée et les

galaxies

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 65.

David Farreny, 16 juin 2006
grains

Le train part peu avant quatre heures. J’ai emporté une étude sur Keynes mais, comme tout mon temps se passe à écrire ou à lire, je prends l’audacieux parti de regarder. Ciel splendide, d’un bleu cru, contre lequel le vent de nord-est pousse de grandes nefs colorées, cumulus à la base fondue, vitreuse, au sommet éclatant, cérébelleux, d’autres d’un blanc pur et, au sud-ouest, sur le quart de l’horizon, un grand voile soufré sur lequel se détachent deux ou trois écharpes minces, des grains.

Pierre Bergounioux, « mercredi 2 octobre 1996 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 755.

David Farreny, 27 déc. 2007
comptables

Nous sommes d’un vieux pays, comptables d’une longue histoire. Elle nous rend malaisé, plus qu’à d’autres, de choisir, c’est-à-dire de céder quelque chose qui fut pour faire droit à ce qui voudrait être. Le passé est double. Il persiste dehors, dans les choses, et en nous, étant bien entendu que nous pouvons, dans les deux cas, n’en rien savoir, ne pas déceler sa présence au creux de l’heure qu’il est.

Pierre Bergounioux, Les forges de Syam, Verdier, p. 11.

Élisabeth Mazeron, 3 fév. 2008
répliquer

D’ailleurs, je me fais autant refouler des deux côtés. Par les figures glabres, parce que je n’admire pas assez leurs trésors ; par les gueules de christ, parce que je ne communie pas. Repas dans les familles ou bouffe avec les mecs, on me dépiste. Je m’interdis habituellement tout mot, tout geste qui laisserait apercevoir quel dégoût et quelle désolation je suis en train d’éprouver, mais on me juge plutôt sur ma tiédeur. Comme dans une séance de table tournante, la présence d’un sceptique ruine le cercle parfait. On découvre le coupable, on l’attaque, on l’invite une dernière fois à obéir, à approuver, à démontrer qu’il ressemble aux autres, qu’il est de la tribu. Mais je ne sais pas m’y prendre.

Par exception, cela tourne mal. Les mecs, surtout peuvent devenir très hargneux, très offensifs quand on suspecte leur religion ou leur sainteté. Je ne réagis pas ; mais si on m’ennuie trop, je ne peux répliquer que physiquement. Mes colères sont très rares, très brutales. Je risque d’attraper le con, secouer, gifler, cogner. C’est ennuyeux, je ne suis pas fier après. Mais on ne peut pas se contenter de paroles, elles sont pourries jusqu’au dernier mot chez ces génies du mensonge à soi-même. Mon corps transcrit en une langue surprenante pour des non-violents ce qu’ils étaient, disaient, faisaient réellement. Il paraît qu’il faudrait plutôt digérer : je ne suis pas sociable à ce point, dès que ça fait trop mal et que ça pue trop fort, je le renvoie d’où ça vient – sans l’emballage évangélique.

Tony Duvert, Journal d’un innocent, Minuit, p. 52.

Cécile Carret, 6 déc. 2008
scruté

Lorsque j’étais enfant j’aimais tellement une chienne, devenue vieille et malade, que j’avais passé avec Dieu un contrat pour sa protection : Il la maintiendrait en vie aussi longtemps que je dirais chaque nuit neuf neuvaines. Mais il ne s’agissait pas de prononcer automatiquement et à toute vitesse les mots du Notre Père et du Je vous salue. Il fallait au contraire se pénétrer de chacun d’eux, s’interroger sur son sens, je dirais presque le réaliser, au sens même dont s’accommodent les puristes, c’est-à-dire le rendre réel, le citer à comparaître, l’examiner en chacun de ses tenants et de ses aboutissants, sous tous ses angles et tous ses aspects, en la moindre de ses possibles hypostases. Tâche épuisante, on s’en doute, et qui ne saurait être menée à bien. À sonder seulement le Notre de Notre Père, une vie ne suffirait pas. Ne parlons pas du Je de Je vous salue.

D’ailleurs ma chienne mourut. J’étais partagé entre le scrupule de n’avoir pas suffisamment creusé le sens et scruté la réalité de règne, de volonté, de contrition, de pain, et l’amertume à l’égard du Seigneur. Tantôt je m’accusais de n’être pas allé au bout de mes examens, et de m’être assoupi sur eux plus d’une fois ; tantôt je L’accusais Lui de n’avoir pas tenu Ses engagements. Sur Sa parole ne tarderaient pas à venir des doutes, et bientôt sur Sa personne même, puis sur la parole en général.

Renaud Camus, Du sens, P.O.L., p. 55.

David Farreny, 5 mai 2009
fragment

« Les armes antiques, dit Lucrèce, furent la main, les ongles, les dents, les pierres, et aussi les morceaux brisés des branches des arbres des forêts…  » Le mot employé par Lucrèce est fragmen, — condensant brusquement la première figure de l’homme sous forme d’une main tenant un fragment de pierre ou de forêt. Durant des centaines de millénaires, des mains humaines martelant des petits galets. Mains rompant, brisant la nature, arrachant une sorte de morceau de monde au monde. Dans les carrières archanthropiennes, des milliers d’éclats pour chaque petit hachereau.

Pascal Quignard, Une gêne technique à l’égard des fragments, Fata Morgana, p. 25.

Guillaume Colnot, 7 fév. 2013
chevillard

CHEVILLARD : Boucher d’abattoir qui vend sa viande en gros ou demi-gros, prétend le dictionnaire, c’est mal me connaître : je vends très peu, toujours au détail. Vraiment, on se demande parfois quels historiographes incultes ou négligents se chargent de rédiger les notices consacrées aux grands hommes.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 167.

Cécile Carret, 9 mars 2014
consistance

Écrire sert à faire sentir la consistance de vide des actions humaines. Voilà à quoi sert la littérature.

Philippe Muray, « 8 août 1985 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 557.

David Farreny, 3 juin 2015
envie

Il me montra avec fierté ses magnifiques toilettes tout en azulejos, robinetterie d’or, cuvette de marbre et lunette en acajou. Mais mes goûts sont frugaux sans doute et l’envie de chier ne me vint pas.

Éric Chevillard, « dimanche 4 octobre 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 4 oct. 2015

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