religieux

Nous avons besoin de métaphores inédites ; quelque chose de religieux intégrant l’existence des parkings souterrains.

Michel Houellebecq, Le sens du combat, Flammarion, p. 26.

David Farreny, 23 mars 2002
paroi

Aucune nouvelle. Il est trop tard, maintenant. L’amour que j’étais sur le point d’avoir pour lui est déjà mêlé, avant même d’être né, de trop d’amertume pour sa bonne santé. Pas de nom, pas d’état, pas de signe : on ne peut faire que glisser, dans de telles conditions, sur la paroi du sentiment, puisqu’on ne peut se raccrocher à rien.

Renaud Camus, « mardi 12 octobre 1993 », Graal-Plieux. Journal 1993, P.O.L., p. 132.

Élisabeth Mazeron, 15 août 2003
bâton

La femme est une grande réalité, comme la guerre. Je sais : la raison les repousse, les refuse, les nie. On nous a élevés à vivre dans les rêves et les théories, et nous crions quand la vie nous opère de nos rêves et quand la réalité prouve fausses nos théories. Le jeune homme sort de l’école avec sa mesure toute prête, son mètre, et il se fâche parce que les choses s’obstinent à être plus grandes ou plus petites que son mètre. La réalité lui apprend à diviser son ridicule bâton en dix, en cent et en mille parties s’il le faut. C’est ainsi que ma guerre m’a mûri ; je ne le dirais pas si ce n’était pas vrai : avant il allait de soi que j’étais mûr.

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 259.

Élisabeth Mazeron, 14 juin 2006
ville

Il ne m’est pas désagréable, non, de me retrouver au même point qu’hier ; cela veut aussi bien dire qu’hier contenait l’annonce d’aujourd’hui, et aujourd’hui celle de demain, et de tous les jours de ma vie. Et la nuit que j’ai passée dehors, c’est une ornière beaucoup trop creuse pour ne pas exister depuis longtemps ; voilà pourquoi je dis que je l’ai rêvée : je n’avais qu’à suivre l’ornière, comme on se laisse dormir. Je ne m’attends pas à mourir bientôt, mais je pense que je ne sortirai pas de cette ville ; elle est devenue mon jour et ma nuit ; je ne la connaîtrai peut-être jamais mieux que maintenant, où je suis immobile dans ma chambre, et pourtant j’écoute et je regarde comme si quelque chose de plus que ce que je connais pouvait m’apparaître d’un instant à l’autre.

Henri Thomas, La nuit de Londres, Gallimard, pp. 126-127.

David Farreny, 7 août 2009
malentendu

Chaque maison, enfant, était un mystère. Les façades contenaient une substance épaisse, dense. Le mystère était celui de cette présence, de cette heure incompréhensible qui te trouvait dans ce lieu, dans cette lumière. Énigme insoluble et mélancolique. Tout ce que tu voyais autour de toi, dans ces banales rues commerçantes, se composait d’un mélange de joie et de tristesse, d’une attente inquiète et palpitante. Tu te laissais emmener par ta mère. Tu ne savais pas, ou tu ne comprenais pas bien ce qu’il s’agissait de faire. Aussi les choses ne s’articulaient-elles pas en fonction de celles qui leur succèderaient, elles ne s’estompaient pas dans les projets. Rien à faire ni à prévoir. Tu t’abandonnais à elles, elles étaient là, se détachant sur le fond d’obscurité qui était le monde, irradiant d’une indistincte imminence. Ils semblaient tous te faire signe, ces arbres, ces boutiques, ces fenêtres, ces coins de ciel blanc entre les toits, capricieusement découpés par les antennes de télévision. Que voulaient-ils dire ? Ils annonçaient quelque chose. Plus encore : ils n’étaient que cela, jusque dans leur cœur, une annonce indéchiffrable.

À présent, te revoici parmi eux. C’était ton retour qu’ils annonçaient. Rien n’est advenu. Les façades sont vides, l’espace est creux, plus d’épaisseur et plus de mystère. Chaque rue traversée donne sur un avenir qui n’a pas eu lieu. Tu crois comprendre le malentendu.

Pierre Jourde, Festins secrets, L’Esprit des péninsules, pp. 311-312.

David Farreny, 2 déc. 2009
trace

La conversation de la vieille M. est pleine d’épaves qui flottent. Du bon vieux chic, des expressions de gouvernante anglaise du début du siècle, du vocabulaire technique ou sportif d’amants qui ont disparu sans laisser d’autre trace, de l’argot vieilli ; des traces de divers passages dans des couches sociales traversées.

Paul Morand, « 29 décembre 1975 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 691.

David Farreny, 23 sept. 2010
situation

J’ai la rime – yack et kayak –, il me reste à trouver le lieu et la situation.

Éric Chevillard, « mercredi 10 février 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 9 mars 2016
devant

À l’instant où je mourrai, au terme de quatre-vingt-dix-sept années d’existence, naîtra un virevoltant et allègre éphémère qui aura la journée devant lui.

Éric Chevillard, « mercredi 23 janvier 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 1er mars 2024
éteinte

Comme si le précieux secret enfoui dans l’obscur pouvait être autre chose qu’une lampe éteinte.

Éric Chevillard, « mardi 28 mars 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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