Entre-temps, le squat de la rue Denis-Papin a périclité, comme un empire, à la suite d’un grand incendie et d’un afflux soudain de barbares.
Jean Rolin, La clôture, P.O.L., p. 208.
Désir qui aboie dans le noir est la forme multiforme de cet être
Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 437.
Montépin ourdissait pour un même feuilleton tant d’intrigues si compliquées que sa plume s’y emberlificotait. Le Trombinoscope de Touchatout (1875, 4e volume, numéro 187) révèle — mais est-ce vrai ? — que pendant la publication des Tragédies de Paris dans le Figaro, « il envoya à M. de Villemessant un télégramme de détresse ainsi conçu : “Suis complètement embourbé, sais plus qu’ai fait de Sarriol ; ai mêlé enfants du prologue, me rappelle plus avec qui ai marié comte de Tréjean mois dernier. Envoyez secours.” »
Roland de Chaudenay, Les plagiaires, Perrin, p. 209.
Si l’on n’y prend garde, on n’aura pas été de son temps. On sera resté en-deçà de soi-même, étranger à sa possibilité présente. On aura vécu au passé.
Pierre Bergounioux, Le fleuve des âges, Fata Morgana, p. 9.
Fade matinée. Je dépêche les paquets de copies qui s’accumulaient. Jean vient couler un œil sur la besogne. Il en conçoit une haute idée parce que je suis en train de juger ses semblables. La corvée expédiée, je passe à la dernière livraison des Actes de la recherche, lis l’article de L. Pinto sur l’enseignement de la philosophie puis, pour me délasser de cette analyse rigoureuse, un peu austère, la Géologie des gîtes minéraux de Raguin.
Pierre Bergounioux, « mercredi 8 juin 1983 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 212.
Il n’était pas possible d’aller bien loin, sans plan, sans la contrainte et l’appui de la structure profonde.
Pierre Bergounioux, « mardi 25 août 1992 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 203.
La route traversait un marécage desséché où des tuyaux de glace sortaient tout droits de la boue gelée, pareils à des formations dans une grotte. Les restes d’un ancien feu au bord de la route. Au-delà une longue levée de ciment. Un marais d’eau morte. Des arbres morts émergeant de l’eau grise auxquels s’accrochait une mousse de tourbière grise et fossile. Les soyeuses retombées de cendre contre la bordure. Il s’appuyait au ciment rugueux du parapet. Peut-être que dans la destruction du monde il serait enfin possible de voir comment il était fait. Les océans, les montagnes. L’accablant contre-spectacle des choses en train de cesser d’être. L’absolue désolation, hydropique et froidement temporelle. Le silence.
Cormac McCarthy, La route, L’Olivier, pp. 399-400.