aboie

Désir qui aboie dans le noir est la forme multiforme de cet être

Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 437.

David Farreny, 22 juin 2002
dessous

Examinateur encore ignorant mais beaucoup moins, il questionne. L’esprit du pardon, est-ce qu’il y songe ?

Des femmes qui s’ennuient viennent à lui. Ennui à soulever. Il sait ce qu’il y a dessous.

Henri Michaux, « Textes inédits autour du “Poltergeist” », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1037.

David Farreny, 7 août 2006
choses

Il est bien naturel que les gens d’ici n’en aient que pour les moteurs, les robinets, les haut-parleurs et les commodités. En Turquie, ce sont surtout ces choses-là qu’on vous montre, et qu’il faut bien apprendre à regarder avec un œil nouveau. L’admirable mosquée de bois où vous trouveriez justement ce que vous êtes venu chercher, ils ne penseront pas à la montrer, parce qu’on est moins sensible à ce qu’on a qu’à ce dont on manque. Ils manquent de technique ; nous voudrions bien sortir de l’impasse dans laquelle trop de technique nous a conduits : cette sensibilité saturée par l’Information, cette Culture distraite, « au second degré ». Nous comptons sur leurs recettes pour revivre, eux sur les nôtres, pour vivre. On se croise en chemin sans toujours se comprendre, et parfois le voyageur s’impatiente ; mais il y a beaucoup d’égoïsme dans cette impatience-là.

Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Payot & Rivages, p. 115.

Cécile Carret, 30 sept. 2007
sus

Il est cinq heures vingt-cinq, on voit encore un morceau de soleil reflété sur l’hôtel d’en face, j’ai les yeux rouges d’avoir tant pleuré, je suis toujours malade de cette grippe étrange, sans fièvre, qui dure maintenant depuis deux semaines. Me voici restitué à ma rive natale. Exténué, ayant perdu tout espoir dans le seul domaine qui m’importait vraiment, je me sens comme un condamné à mort inexplicablement gracié, dont la vie désormais est en sus de la vie : un temps luxueux, inespéré, gratuit, dont il n’aurait pas la responsabilité.

Renaud Camus, « samedi 12 mars 1977 », Journal de « Travers » (2), Fayard, p. 1550.

David Farreny, 1er mars 2008
jours

36 ans aujourd’hui, lundi de Pâques. Âge équinoxial ; maintenant mes jours vont raccourcir.

Jean-Pierre Georges, Car né, La Bartavelle, p. 20.

David Farreny, 5 juil. 2009
divin

Le divin, son importance dans ma vie. Pourtant quelque chose constate ironiquement en moi, pendant que je fais le récit d’un rêve, que le divin est bien plus présent dans ma pensée, en été, à la campagne et par beau temps.

Henry Bauchau, Jour après jour. Journal d’« Œdipe sur la route » (1983-1989), Actes Sud, p. 218.

Bilitis Farreny, 26 août 2011
une

J’ai appelé la serveuse pour régler. C’était une personne que je n’avais pas pris le temps d’observer en arrivant. Une grosse personne jeune avec de la finesse dans les traits. Elle ne souriait pas. Il m’a semblé qu’elle cherchait à le faire. Loin dans le regard. Je n’ai pas insisté.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 17.

Cécile Carret, 26 sept. 2011
livré

Mais, quand on peut bien dormir en train, comme c’est mon cas — Samuel passe toute la nuit les yeux ouverts, à ce qu’il prétend —, il faudrait aussi pouvoir ne s’éveiller qu’à l’instant de l’arrivée, pour ne pas, au moment où l’on sort d’un bon sommeil, se retrouver le visage gras, le corps mouillé, les cheveux plaqués et en désordre, dans du linge et des vêtements qui sont restés vingt-quatre heures dans la poussière du chemin de fer sans être nettoyés ni aérés, accroupi dans un coin du compartiment, et devoir continuer à rouler de la sorte. Si on en avait la force, on maudirait le sommeil ; mais on se contente d’envier en silence les gens qui, comme Samuel, n’ont sans doute dormi que de courts instants, mais qui, par compensation, ont pu mieux veiller sur eux-mêmes, qui ont pu faire presque tout le voyage en pleine conscience et qui, en réprimant un sommeil auquel ils auraient fort bien pu s’abandonner eux aussi, sont restés sans cesse l’esprit clair. Le matin, j’étais comme livré à Samuel.

Franz Kafka, « Le premier grand voyage en chemin de fer », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 167.

David Farreny, 27 nov. 2011
sortis

J’observais les couples qui tournaient avec tant de sérieux, d’attention, de sûreté sur le parquet de danse avec un frisson d’étonnement, de respect même, comme s’il s’agissait de la vénération d’un mystère. Cette jeune femme qui se mouvait avec tant de dignité était pourtant bien la même qui autrefois sautait, sur une seule jambe, par-dessus les limites, tracées à la craie, du ciel et de l’enfer ? Et il n’y avait pas longtemps que celle qui, à pas mesurés, soulevant légèrement sa robe, gravissait les marches de l’estrade nous avait, dans un pâturage, montré son sexe d’enfant sans poils ! Avec quelle rapidité ils étaient sortis des enfantillages et me regardaient littéralement de haut en bas !

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 41.

Cécile Carret, 3 août 2013
filiation

Les vieux amis de monsieur Songe sont célibataires et comme lui toute leur vie n’ont parlé que de leurs neveux. Dans l’esprit de monsieur Songe c’est la seule filiation. Au point qu’il n’imagine même pas que les neveux de ses amis et leurs petits-neveux puissent être mariés. Il se dit donc mais alors il n’y aura pas de dames ? Il nous en faut. Où les trouver ?

Monsieur Songe note trouver dames.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 90.

Cécile Carret, 8 déc. 2013
cliché

Aussi songeur ou rêveur semble-t-il sur ce cliché, il y a fort à parier que, s’il était possible de lire la pensée du sujet photographié à la seconde précise où la photo fut prise, nous serions bien déçus : suis-je à mon avantage ? ou : eh bien, il la prend ou non, sa photo ? ou : vite effacer ce sourire idiot, ou encore : j’espère au moins qu’il ne zoome pas. Nous lirions ce genre de pensées également dans les têtes saintes ou les têtes géniales des grands hommes, sur ces clichés célèbres où chacun croit pourtant percevoir quelque chose de leur singulière expérience du monde. Ils ne nous renseignent pourtant que sur leur rapport à la photographie. Ce peut être intéressant, notez.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 73.

Cécile Carret, 11 fév. 2014
gens

Les gens ne fument plus ; ils ne se demandent plus de feu. Les gens ont tous une horloge et un GPS sur leur téléphone ; ils ne se demandent plus l’heure ni le chemin. Cette fois, je crois bien que nous n’avons plus rien à nous dire.

Éric Chevillard, « vendredi 26 avril 2024 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 4 mai 2024

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