sang

Sous son pull-over très seyant les côtes se sont rompues, il se sent le dos comme battu avec des planches. Le sang apparaît dans la bouche avec sa façon de dire que c’est grave et qu’il faut appeler le médecin.

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 147.

David Farreny, 23 mars 2002
subreptice

Ce serait une raison — il en est d’autres — à l’envie subreptice de crever en qui j’ai trouvé, de bonne heure, une très attentionnée, douce et persuasive compagne.

Pierre Bergounioux, L’héritage. Pierre et Gabriel Bergounioux, rencontres, les Flohic, p. 72.

David Farreny, 6 août 2003
public

Il arriva que le feu prit dans les coulisses d’un théâtre. Le bouffon vint en avertir le public. On pensa qu’il faisait de l’esprit et on applaudit ; il insista ; on rit de plus belle. C’est ainsi, je pense, que périra le monde : dans la joie générale des gens spirituels qui croiront à une farce.

Søren Kierkegaard, « Diapsalmata », Ou bien... Ou bien..., Gallimard, p. 27.

Guillaume Colnot, 28 août 2003
sheds

Des jardins potagers, plus bas, parlent d’autosubsistance, suggèrent une communauté retranchée du monde. Mais l’image des cornettes, des robes de bure qui a supplanté celle des grands chars gémissants et bleus se dissipe à son tour parce que le même bâtiment que domine le réservoir porte, dans sa partie médiane, un lanterneau — un morceau de toiture détaché du restant et surélevé — et qu’en marchant vers l’amont, on découvre, à l’extrémité distale du troisième côté du carré, des toits en sheds — en dents de scie — comme aux usines de jadis, avant qu’elles ne prennent l’allure uniforme qu’on voit désormais aux supermarchés, immeubles de bureaux, écoles : des boîtes rectangulaires en béton plus ou moins vastes et ajourées, dont le nom seul indique ce qu’on y fait. La dernière éventualité — celle d’un établissement pénitentiaire à l’usage des jeunes délinquants — éclipse alors la vision vague de camaldules absorbés dans le plain-chant ou de femmes étendues, bras en croix, sur les dalles, dans l’adoration perpétuelle du saint sacrement. On se dit qu’après avoir gratté la terre, marché en rond entre les bâtiments qui délimitent la cour intérieure qu’on ne peut voir de la route, des fortes têtes, des enfants du peuple aux traits durcis par la misère et la révolte poussent la lime à l’atelier.

Pierre Bergounioux, Les forges de Syam, Verdier, p. 16.

Élisabeth Mazeron, 3 fév. 2008
vivre

J’ai apporté à vivre beaucoup plus de nonchaloir que d’attention.

Paul Morand, « 22 octobre 1973 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 153.

David Farreny, 17 août 2010
attentionné

Qu’est-ce que je fais là ? Si ces nobles artistes se sont donné beaucoup de mal pour que ces chapelles et ces églises soient belles, ce n’était pas afin qu’elles soient vues à la va-vite, comme ça, par des touristes pressés, qui viennent d’une autre basilique et vont courir vers un autre transept, un autre presbiterio, une autre sacrestia ; c’est pour que des gens qui venaient là tous les jours, ou toutes les semaines, y éprouvent un sentiment de beauté, de bien-être, de fierté, de vanité peut-être, de profond accord entre leur présence en de tels lieux et la dignité de leur foi, de l’art, de leur propre personne. Oui, ce morceau de frise romaine est magnifique, sur ces grosses colonnes de granit ; oui, ce monument funèbre de comment s’appelle-t-il, Michelangelo Senese, ne manque pas de majesté (glacée) ; oui, surtout, ces mosaïques de la calotte de l’abside sont d’une fraîcheur et d’une somptuosité rares. Oui, oui, oui. Mais ce sont des détails. Même cette immense composition de Cavallini est un détail. Or ils ne me disent pas grand-chose, si je suis sincère. Tout cela finit par s’annuler réciproquement. J’ai besoin d’air, de lumière, d’un peu de chaleur, d’amour probablement. Qu’est-ce que j’aime vraiment, à Rome, au fond, mis à part quelques tableaux ? Des lieux ouverts, où les ruines, les arbres et l’espace se mélangent : les jardins Farnèse, au sommet du Palatin ; le sommet du Capitole ; la petite maison précairement installée au sommet du marché de Trajan ; les jardins de la villa Doria-Pamphili ; des places, le Campidoglio, le Quirinal, Navone ; le torse du Belvédère, le Galate mourant, la Louve ; la villa Médicis, sa loggia, son bosco, ses allées de buis, ma maison, ma chambre ; ce que j’aime le plus, par un hasard attentionné, c’est ma chambre.

Renaud Camus, « jeudi 19 février 1987 », Vigiles. Journal 1987, P.O.L., pp. 65-66.

David Farreny, 9 oct. 2010
membrane

Tous ses rapports avec le monde semblent se produire à travers quelque membrane. Cette membrane empêche toute forme de fertilisation. Métaphore intéressante, gros potentiel, mais il ne voit pas où cela peut le mener.

John Maxwell Coetzee, L’été de la vie, Seuil, p. 312.

David Farreny, 8 janv. 2011
caducité

Ç’aura été un perpétuel sujet d’étonnement et de rumination que la caducité de mes desseins les plus fermes, la ruine de projets longuement mûris.

Pierre Bergounioux, Géologies, Galilée, p. 34.

David Farreny, 7 juin 2013
brick

In place of food, my senses existentially turn to old high walls of red brick, and I lie awake at night weighing the fascination. There will never be an end or a conclusion to this dazed attraction, and even now, decades on, I cannot find any written acknowledgement of the trance such things pull me into. Whatever detains the eye is understood by no one, least of all me.

Morrissey, Autobiography, Penguin, pp. 53-54.

David Farreny, 26 janv. 2014
voyagent

De nombreux hommes reposent déjà dans une paix absolue ; partir, monter en selle, être porté, cela ne les regarde plus. Même les morts voyagent durant l’année : autour du soleil.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 257.

David Farreny, 17 déc. 2014

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