sache

Je ne sache pas qu’il y ait un sens à la vie.

Pierre Bergounioux, La casse, Fata Morgana, p. 9.

David Farreny, 23 mars 2002
langes

Ne plus chier dans les langes n’implique pas du tout Shakespeare, Molière et Paul Claudel.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 26.

David Farreny, 14 avr. 2002
nid

Je marchai donc droit sur ma brunette : sa tête allait juste à ma poitrine. Un épais nid de cheveux, dans lequel on pouvait cacher des diamants (ou des clés ! L’idée l’enthousiasma tout de suite !). La quarantaine : ça allait aussi. Nous nous sommes regardés pendant un certain temps.

Arno Schmidt, « Échange de clés », Histoires, Tristram, p. 72.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
enclenchai

Et comme de coutume, j’enclenchai impitoyablement la réflexion suivante : qu’est-ce qui te serait à présent le plus désagréable ? ! Je me répondis promptement : s’habiller et sortir se promener. – C’est donc ce que je fis. ; avec la grosse écharpe autour du cou ; les mains dans les moufles : je suis prudent.

Arno Schmidt, « Les Prudents », Histoires, Tristram, p. 80.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
rester

Les écrivains eux-mêmes se méprennent souvent sur leur œuvre. Ainsi celui-ci croyait rester pour ses romans et, en fait, je ne sais même pas de qui je parle.

Éric Chevillard, « mardi 27 août 2013 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 27 août 2013
rayonnement

Mais avant tout nous poursuivions notre travail sur le langage, car nous reconnaissions dans la parole l’épée magique dont le rayonnement fait pâlir la puissance des tyrans. Parole, esprit et liberté sont sous trois aspects une seule et même chose.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 85.

Cécile Carret, 27 août 2013
banlieues

Les premiers ramas informes des banlieues exhalent les sueurs acides de la nuit. Vus de cette hauteur, les bâtis tassés les uns contre les autres dessinent la planimétrie d’une ville en ruine, comme ravagée par une guerre sournoise. Ce sont les restes d’une rêverie que l’aube de l’aviation, vers 1910, avait vu prendre forme sur les planches à dessin où les ingénieurs projetaient la cité future. Elle ne s’est pas réalisée. Ne restent que ces parallélépipèdes de béton, ces pauvres fabriques, ces débris de cabanes, de masures, de petits pavillons faits de maigres matériaux, toutes ces épaves laissées dans les banlieues par le reflux des utopies. Interminable paysage de chantiers, dont on ne distingue pas s’ils sont en cours ou bien déjà abandonnés.

Jean Clair, Lait noir de l’aube, Gallimard, p. 147.

Guillaume Colnot, 25 sept. 2013
chevillé

Chevillé au corps, le style est aussi une malédiction, comme tout ce qui nous constitue, il pèse. L’écrivain peut en être las, comme de son éternelle figure, de ses réflexes, de toutes ses façons d’être si prévisibles. C’est une ornière encore, même si elle s’écarte des sentiers battus, même si elle est moins rectiligne que l’ordinaire sillon, moins parallèle aux autres sillons, même si le tour d’esprit qui en ordonne le tracé est décidément mal adapté au joug conçu pour la double échine d’une paire de bœufs. Il va devoir s’y résoudre, pourtant, au risque aussi de la solitude et du malentendu.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 90.

Cécile Carret, 24 fév. 2014
habitacle

L’habitacle roule vers le Nord, les amples et veloutés nuages dont la frange supérieure réalise la lumière roulent vers le Sud. Par mon seul regard souverain qui ne peut rien posséder mais qui peut tout recevoir, je jouis de la douceur solide de l’habitacle et de la légèreté lumineuse des nuages. Ces deux couvertures me protègent de tout excès de dépense pendant que je traverse les nobles provinces.

Jean-Pierre Vidal, « Quelques heures de silence », «  Théodore Balmoral  » n° 71, printemps-été 2013, p. 109.

David Farreny, 30 juin 2014
pourtant

Je suis confuse. Comme d’habitude. Je sens que je ne veux rien et ça me culpabilise. Je ne veux pas vivre debout, ou bien j’en suis incapable ; je veux dormir. Je suis aveugle à la réalité et aux autres. Voici la conclusion définitive. Je sais que Dieu n’existe pas (c’est un problème qui n’existe pas), il n’y a pas de vie future, il n’y a rien, je ne m’interdis rien, pourtant je ne fais rien. C’est ma seule possibilité de vivre. Une fois, c’est tout. Pourtant je ne fais rien.

Alejandra Pizarnik, « samedi 18 juillet 1959 », Journaux 1959-1971, José Corti, p. 28.

David Farreny, 24 fév. 2024
suie

Nous quittons Hirson pour Saint-Michel, la mort dans l’âme, pour retrouver, au collège de Saint-Michel, la même atmosphère de tristesse, de rance, de médiocrité, et ce temps qui a enduit de sa suie maints visages, et dont nous peinons à croire qu’il a façonné les nôtres de la sorte. C’est le temps retrouvé. Tout est là, décrépit, hommes et bâtiments, l’Auberge du Cheval Blanc, l’Hôtel du Nord, la gare fantôme qui évoque un peu Hiroshima, avec ses installations bombardées pendant la dernière guerre et abandonnées… « Nous n’aurions peut-être pas dû revenir », me dit Aline qui a l’estomac aussi noué que le mien. Nous faisons quelques pas, serrés l’un contre l’autre, dans un vaste champ de blé vert. Pas une âme. Vent sur les blés, campagne belle et calme qui attend l’orage du soir.

Richard Millet, « 5 juin 1998 », Journal (1995-1999), Léo Scheer.

David Farreny, 24 avr. 2024

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