verre

J’ouvre ici un chemin de verre brisé.

Richard Millet, Le goût des femmes laides, Gallimard, p. 107.

David Farreny, 24 fév. 2006
jours

36 ans aujourd’hui, lundi de Pâques. Âge équinoxial ; maintenant mes jours vont raccourcir.

Jean-Pierre Georges, Car né, La Bartavelle, p. 20.

David Farreny, 5 juil. 2009
crisser

Puis, à ma hauteur, des fleurs de marronniers rouges ; partout aux alentours, sur cent balcons des chaises longues pleines de créatures qui veulent « bronzer » ; d’autres plus âgées, plus sensées, déployaient des parasols géants pour se protéger du soleil de mai brûlant, de la taille de ceux du marché, et avec des coloris à vous faire crisser des yeux : n’étaient donc pas plus sensées ; simplement plus âgées.

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 131.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
assez

Ce n’est pas une esthétique du pauvre, c’est un fait : la vie est pauvre. Mais on aurait tort de penser que le ras est sans profondeur. Il y a bien assez de combinaisons dans le très peu pour que l’on continue à jouer au 4-21 avec trois dés.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 40.

Cécile Carret, 4 mars 2010
érosion

Korbous. Les maisons ici, les coupoles, les balustrades souffrent d’une sorte d’érosion par excès, surbadigeonnées de blanc. Les formes s’empâtent ainsi et s’arrondissent de couches successives qui font comme des déformations articulaires, créant une harmonie rugueuse dans ce rêve de neuf que tout contredit.

Gérard Pesson, « mardi 30 juillet 1996 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 242.

David Farreny, 27 mars 2010
force

J’avais déjà trouvé en moi la force de fixer froidement le malheur, d’étouffer mes émotions, je commençais alors à comprendre la beauté qu’il y a à détruire.

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, p. 21.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
fonce

Merde, le con, il est là, dit-il.

En effet, presque en haut, au moment où le plan de son regard rejoint le plan du quai, au ras du sol, il le voit qui est là, bleu et rouge, immobile, avec ses portes grandes ouvertes, ses fenêtres avec ces gens tranquillement assis qui regardent ailleurs, qui attendant, il les voit en même temps qu’il entend le signal :

Laaaaaaaaa.

Tu peux l’avoir, se dit-il. Non. Je te dis que tu peux l’avoir. Je te dis que non. Et moi je te dis que si. Allez, cavale, cavale, t’as le temps. Non. Je te dis que t’as le temps. Et moi je te dis merde. Pauvre con. Vas-y, nom de dieu, tu peux y arriver. Essaie, au moins, une fois dans ta vie, ne laisse pas tomber, tu laisses toujours tomber, défends-toi, bon dieu, allez, vas-y, fonce, fonce, alors il fonce.

Plus que dix mètres à courir.

Laaaaaaaaa.

Christian Gailly, Les fleurs, Minuit, p. 49.

Cécile Carret, 4 mars 2012
chœur

Les heures ne cardaient leur laine et la rivière

                            ne coulait sous les ponts

que pour sonner en moi, au chœur de l’éphémère,

                            les voix et les répons.

Benjamin Fondane, « Au temps du poème », Le mal des fantômes, Verdier, p. 212.

David Farreny, 2 juil. 2013
bascule

J’ai toujours eu cette fantaisie de vouloir descendre à pied de la gare un jour, plus tard.

À l’époque, à Blois, ça ne se faisait pas. C’était un truc de pauvre, de désargenté, de moins que rien, disons. Seuls les misérables, les Fous oubliés par la Chauffe, descendaient à pied de la gare. C’était une indignité.

Pourtant, ça me plaisait beaucoup, ce trajet vers le centre-ville. C’est une longue et vraie descente, avec un sentiment physique ; une bascule quasiment ; ça me faisait penser au monde qui pencherait, plat, comme dans l’idée des Anciens, où on pouvait atteindre le rebord et dont on pouvait tomber.

La bascule perpétuelle de la ville vers son centre, comme la fourmi au bord du cône du fourmilion.

[…]

À l’inverse, la montée vers la gare – chargée du même opprobre – est assez pénible, peut-être même une épreuve. Comme toutes les montées, évidemment, mais celle-ci particulièrement.

Comme un certain calvaire. Et moins joli, au fond – ce qui est explicable – bien qu’on y passât dans l’inverse des mêmes beautés ; sans doute quelque chose de subtilement décalé dans la vision.

La fermeture, la clôture de l’horizon, dans la montée que l’on faisait plutôt à droite tandis qu’on descendait à gauche. Le repliement, le feuilletage différent des perspectives. La pente ardue qui tire sur les mollets.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 132.

Cécile Carret, 30 sept. 2013
chevreuil

Par ce brouillard je dois te parler. Toutes les Buttes-Chaumont meurent, toutes les rues avoisinantes, les escaliers, les impasses… Ô ténèbre, ô maisons ! ce qui fut notre sang.

Dans mes songes tu es victime.

Le chevreuil était tombé à genoux. Il tremblait excessivement. À la racine de son cœur la flèche écarlate buvait. Je criai : pardon, pardon ! Je prononçai en sanglotant le nom si doux de l’animal. Il tourna vers moi ses gros yeux, où je crus lire plus de pitié pour mes remords que d’horreur pour sa propre torture. Il mourut. Quel silence !

Gilbert Lely, « Ma civilisation », Poésies complètes (1), Mercure de France, p. 43.

Guillaume Colnot, 7 déc. 2013
y

Étrange lieu que la solitude – sans issue lorsque l’on s’y trouve ; sans accès lorsque l’on n’y est pas.

Éric Chevillard, « jeudi 13 juin 2013 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 12 sept. 2014

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