gît

Par

1 000 m de fond

l’émerveillement gît

Jean-Pierre Georges, Passez nuages, Multiples, p. 22.

David Farreny, 20 août 2006
être

L’être, un souvenir seulement ; approximatif, fragmentaire, difficilement suscité. L’homme (ce qu’il en reste), un rideau, un mince rideau.

Les rapports avec l’entourage seront pénibles.

Henri Michaux, « Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1172.

David Farreny, 4 mars 2008
logiciels

Les plaisirs sont ressentis comme les plus intenses, les douleurs comme les plus profondes lorsqu’ils mobilisent le plus de canaux émotifs, qu’ils drainent une quantité incalculable de souvenirs heureux ou malheureux, d’espérances idéalisées ou brisées. Il est alors troublant de constater que ces émotions contraires et complexes affectent pareillement l’intérieur de notre ventre, et non seulement cela, mais qu’elles agissent de la même façon que la réaction la plus primaire, telle la peur face à un danger physique. On pourrait dire que nos intestins travaillent selon des logiciels primitifs qui ne savent pas reconnaître les programmes nouveaux et sophistiqués émis par notre cerveau et les traduisent en un agrégat de signes élémentaires.

Catherine Millet, Jour de souffrance, Flammarion, p. 121.

Élisabeth Mazeron, 12 mars 2009
sac

On dispute à l’obscurité, au froid, à la facilité qu’il y aurait à ne pas se soucier de savoir le peu de chaleur, la médiocre clarté qu’enferme un sac de peau. On repousse l’invite de la terre qui n’arrête pas de nous tirer à elle, de vouloir de toute sa masse qu’on abandonne, qu’on s’affale comme un sac, inerte, oublieux, chose étendue parmi les choses étendues dont sa surface est jonchée.

Mais il y a le temps, la coulée diaphane où dérivent les choses, où tournoient la neige, les soleils, où nous aurons passé, tous, mais successivement, le second en premier lieu, puis le premier quand un enfançon s’ébroue dans la lumière. Et ça, on n’est pas de force à s’y opposer, aurait-on la puissance de cent mille chevaux, la hauteur des collines, des siècles à durer.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, pp. 162-163.

Élisabeth Mazeron, 18 juin 2010
Dole

Impressions de voyage. Le ciel, qui était gris, hivernal, sur Besançon, s’est éclairci en chemin. Il faisait clair, sur Paris. De là des sensations changeantes, tristes aussi longtemps que nous avons roulé sous la grisaille, par les faubourgs vieillots de Dole, de Dijon, cernés de boqueteaux, de friches, trompeuses lorsque la taie du ciel s’est défaite et qu’il m’a semblé, avec le soleil bas, que c’était le soir alors que la journée venait de commencer. Là-dessus, la stridulation acide, comme d’une guitare électrique, des roues, deux ou trois accords qui s’amplifiaient lorsque quelqu’un ouvrait les portes coulissantes en verre. Par instants, il me semblait déceler le fil d’une mélodie puis les portes se refermaient et c’est en sourdine que l’invisible guitariste poursuivait.

Pierre Bergounioux, « vendredi 23 novembre 2001 », Carnet de notes (2001-2010), Verdier, p. 158.

David Farreny, 19 janv. 2012
alevins

Le représentant, un faux jovial à beaux traits de retable. S’excuse d’avance : « Y’aura peu de monde, c’est Pâques, la rentrée des classes. » Je ne lui en demandais pas tant. Malgré quoi les gosses remplissent la salle. Garçons de la Sainte-Trinité, filles de l’Annonciation, et tous les branleurs de la communale. Un parterre d’alevins frétillants qui ne tiennent pas en place.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 58.

Cécile Carret, 18 juin 2012
espoir

Pour revenir aux parties de cache-cache, elles aiment à la folie ce jeu qui apprend à se séparer et à garder espoir alors même qu’on patiente dans la solitude et l’obscurité, comme disait Freud. Et comme il est ardu de conserver cet espoir lorsque c’est Manon qui cherche et qu’elle n’est pas douée pour trouver.

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 39.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
quinquagénaire

Quinquagénaire, quel mot lent et pesant, et comme articulé déjà à un déambulateur. Je le réfute. Il ne dit rien de moi. […]

Quinquagénaire ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 78.

Cécile Carret, 16 fév. 2014
de

Ils ont de ces gueules.

Jean-Pierre Georges, « Jamais mieux (4) », «  Théodore Balmoral  » n° 74, printemps-été 2014, p. 76.

David Farreny, 8 juil. 2014
s’éternise

Il faut aimer les livres, ainsi que je le fais, naïvement, pour imaginer que l’âme s’éternise parmi nous grâce aux mots ; elle n’a jamais été que là, en eux, et quand ils se taisent, la voilà qui meurt à jamais.

Thierry Laget, Provinces, L’Arbre vengeur, p. 41.

David Farreny, 20 juil. 2014
pornographie

Les avions sont mes seules occasions de vie communautaire, de participation à l’obscénité fondamentale, celle de leurs nuits… Atroce. La façon dont ils se couchent (mettent leur masque noir, se réveillent, se remaquillent, se parlent, etc. S’emboîtent. Les couples sans paroles…)

On n’est partis que depuis deux heures à peine. Dans cinq ou six, la pornographie des intimités (reposant sur l’idée qu’étant tous pareils, on n’a rien à se cacher) aura atteint son comble.

Ça commence : un type fait de la gymnastique dans le couloir.

Philippe Muray, « 17 mars 1983 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 262.

David Farreny, 27 mai 2015
spectateur

Le pessimiste est un spectateur. L’optimiste, un spectacle.

Jaime Fernández.

David Farreny, 26 fév. 2024

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