volumes

La peau des bêtes est douce aux dos des volumes de la pensée humaine.

Louis Calaferte, Septentrion, Denoël, p. 76.

David Farreny, 24 mars 2002
fatigue

L’extrême et anéantissante fatigue où m’amène assez vite toute activité et tout exercice, me retire assez considérablement du monde familier.

Ce retirement devient une habitude. Retirement de soi hors des choses. Retirement des choses hors des autres choses l’entourant. Soustraction qui revient parfois à de l’analyse, quoique à cent lieues de l’être. Le cadre part et la chose, sans solennité, même avec une rigoureuse simplicité, fait bande à part, existe.

Cette impression est ineffable, on aurait envie de dire divine, tant elle éloigne des commandements que l’homme se donne d’habitude.

Ce détachement, surtout peut-être par l’évanouissement concomitant de toute ambition, volonté, de tout dessein à l’endroit des choses, aère et désintègre.

Tous les phénomènes médiumniques ont ce même abandon pour point de départ, mais plus parfaits, ils vont plus loin.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 285.

David Farreny, 13 avr. 2002
proclamer

Chaque fois que cela ne va pas et que j’ai pitié de mon cerveau, je suis emporté par une irrésistible envie de proclamer. C’est alors que je devine de quels piètres abîmes surgissent réformateurs, prophètes et sauveurs.

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 16.

David Farreny, 13 oct. 2006
comment

Je ne sais pas comment font les autres.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 47.

David Farreny, 19 nov. 2006
longue

La vie est plus longue que large.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 68.

David Farreny, 19 nov. 2006
fièvre

Qu’était-ce donc que la vie ? Elle était chaleur, chaleur produite par un phénomène sans substance propre qui conservait la forme ; elle était une fièvre de la matière qui accompagnait le processus de la décomposition et de la recomposition incessantes de molécules d’albumine d’une structure infiniment compliquée et infiniment ingénieuse. Elle était l’être de ce qui en réalité ne peut être, de ce qui oscille en un doux et douloureux suspens sur la limite de l’être, dans ce processus continu et fiévreux de la décomposition et du renouvellement.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, pp. 316-317.

David Farreny, 3 juin 2007
refroidissement

Pourquoi ajouter des mots qui ont traîné partout à ces choses fraîches qui s’en passaient si bien ? Et comme c’est boutiquier, ce désir de tirer parti de tout, de ne rien laisser perdre… et malgré qu’on le sache, cette peine qu’on prend, ce travail de persuasion, cette lutte contre le refroidissement considérable et si insistant de la vie.

Et puis pourquoi s’obstiner à parler de ce voyage ? quel rapport avec ma vie présente ? aucun, et je n’ai plus de présent. Les pages s’amoncellent, j’écorne un peu d’argent qu’on m’a donné, je suis presque un mort pour ma femme qui est bien bonne de n’avoir pas encore mis la clé sous la porte. Je passe de la rêverie stérile à la panique, ne renonçant pas, n’en pouvant plus, et refusant de rien entreprendre d’autre par peur de compromettre ce récit fantôme qui me dévore sans engraisser, et dont certains me demandent parfois des nouvelles avec une impatience où commence à percer la dérision. Si je pouvais lui donner d’un coup toute ma viande et qu’il soit fini ! mais ce genre de transfiguration est impossible, la faculté de subir et d’endurer ne remplaçant jamais, je le sais, l’invention. (De l’endurance, j’en ai plus qu’il n’en faut : maigre cadeau des fées.) Non, il faut en passer par la progression, la paille au tas, la durée.

Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Payot & Rivages, p. 406.

Cécile Carret, 11 déc. 2007
été

L’été ne craint pas la mort comment

le pourrait-il. Toute une famille

sémillante et colorée s’en remet à l’été

Chimère que l’été Folie

mais oser s’y soustraire…

Jean-Pierre Georges, Où être bien, Le Dé bleu, p. 77.

David Farreny, 11 juin 2008
vrai

       Si le soleil répare

Les ravages du ciel, que la brise ranime

Les airs dolents — et fuyant, dispersée,

L’ombre grave des nues s’en va dans la vallée ;

Si les oiseaux confient au vent leur cœur

Sans défense, que la lumière

Dans les bois entrouverts, par les dernières

Neiges, insuffle à nouveau désir d’amour

Et nouvelle espérance aux animaux troublés —

Aux âmes lasses des humains, dans la douleur

Ensevelies, peut-il renaître

Le bel Âge, que la détresse et la flamme

Noire du vrai consumèrent

Avant le temps ?

Giacomo Leopardi, « Au printemps », Chants, Flammarion, p. 71.

David Farreny, 10 juin 2009
souhaite

À Fabre-Luce, à Jacques de Lacratelle, en les quittant, du fond du cœur, et du fond de ma ruine, j’ai dit, en les quittant si heureux encore, si entouré : « Je vous souhaite le statu quo. »

Paul Morand, « 19 août 1975 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 594.

David Farreny, 23 sept. 2010

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