ombre

La texture de l’Espace n’est pas celle du Temps et le type anormal bigarré à quatre dimensions qu’ont élevé les relativistes est un quadrupède dont on aurait remplacé une patte par l’ombre d’une patte.

Vladimir Nabokov, Ada ou l’ardeur, Fayard, p. 640.

David Farreny, 22 mars 2002
personne

On ne peut jamais aller chez personne. Aussi ne peut-on aimer que la montagne, la mer et la musique.

Emil Cioran, « Personne n’existe », Solitude et destin, Gallimard, p. 409.

David Farreny, 3 août 2006
agrément

La musique est une pratique occulte de l’arithmétique dans laquelle l’esprit ignore qu’il compte. Car, dans les perceptions confuses ou insensibles, l’esprit fait beaucoup de choses qu’il ne peut remarquer par une aperception distincte. On se tromperait en effet en pensant que rien n’a lieu dans l’âme sans qu’elle sache elle-même qu’elle en est consciente. Donc, même si l’âme n’a pas la sensation qu’elle compte, elle ressent pourtant l’effet de ce calcul insensible, c’est-à-dire l’agrément qui en résulte dans les consonances, le désagrément dans les dissonances. Il naît en effet de l’agrément à partir de nombreuses coïncidences insensibles.

Gottfried Wilhelm Leibniz, lettre à Christian Goldbach, 17 avril 1712.

David Farreny, 8 fév. 2007
hébète

Mardi – […] Quelle fenêtre possède encore la grâce ? Qui peut lutter contre un jardin ? Mon œil est sec et mon oreille pleine à ras bord de marteaux-piqueurs, de couinements. Le corps gêne dans le métro, trop de coudes et d’orteils.

Mercredi – Gris souris de rentrée, pluie de septembre en juillet et la promesse d’une impasse pavée à Jaurès. Une fenêtre à trois carreaux cassés, deux autres sales. Le vide hébète.

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 22.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
bon

Ce Scheidman n’est plus fusillable, disait-on souvent chez les aïeules. Il s’est transformé en une espèce d’accordéon à narrats, à quoi bon vouloir encore le déchiqueter avec du plomb ?

Il n’avait plus rien de commun avec ce petit-fils qu’elles avaient condamné à mort, et il leur murmurait des récits qui les charmaient. À quoi bon s’acharner sur ce qui nous charme ? disait-on, sans conclure.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 148.

Cécile Carret, 19 sept. 2010
patata

À la télé, un documentaire animalier : des cygnes glissent sur un lac scandinave. Lubin n’écoute pas mais, s’il prêtait attention, il se rendrait compte que, loin d’être un programme animalier, l’émission est un cours de philosophie sur les erreurs logiques. « Par exemple, explique une philosophe danoise dont la coiffure rappelle celle de Marge Simpson, observant tous ces cygnes blancs, le cerveau s’enclenchera et commencera à induire la règle générale : Tout cygne est blanc ; or soudain arrive un cygne noir, ça alors, on comprend que notre jugement est faillible, et patati et patata », c’est bizarre, la voix rappelle aussi Marge Simpson. Lubin va baisser le son et ne garde que les images où les animaux évoluent silencieusement comme des fantômes flottants ; après les cygnes, on voit des dindes qui, nourries par des agriculteurs, en déduisent que l’humanité est constituée de sympathiques dames de la cantine, à nouveau erreur […].

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 35.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
inéluctable

Si inéluctable est une épée au-dessus de la tête, inéluctabilité n’en finit pas de se vider de son contenu.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 159.

David Farreny, 16 oct. 2014

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