métriques

Le port sécrète de l’avenir, réconforte avec ses quintaux métriques d’éléments vitaux et premiers.

Michel Besnier, Cherbourg, Champ Vallon, pp. 64-65.

David Farreny, 22 mars 2002
rationnelle

La sédentarité défiante, opiniâtre qu’on pratiquait était rationnelle.

Pierre Bergounioux, La puissance du souvenir dans l’écriture, Pleins Feux, p. 18.

David Farreny, 23 mars 2002
ainsi

L’idée, qu’on rencontre aujourd’hui souvent, que la culture digère tout, s’approprie les productions subversives qu’elle ainsi désamorce et qui deviennent après cela un nouveau chaînon d’elle, cette idée est fausse.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 23.

David Farreny, 13 avr. 2002
comme

J’ai parlé cette semaine, au téléphone, à propos de Plieux et de ce que je souhaiterais y faire, à toutes les autorités officielles de la culture dans la région. J’ai été en rapport avec tous les bureaux. Et chaque fois, chaque fois, il m’a fallu me présenter comme un jeune homme, expliquer que j’étais écrivain, faire feu de tous mes maigres titres de notoriété (il n’y a guère que la villa Médicis qui semble établir aux yeux de ces gens que je ne suis pas quelque excité farfelu). « Pas un mot qui connaisse nos livres », comme disent mélancoliquement les Goncourt, après une rencontre avec des cousins à eux ; mais les cousins devaient connaître leur nom, au moins, tandis que moi c’est éternellement « Camus C.A.M.U.S ? », voire « C.A.M.U ? », ou bien « comme l’écrivain ? ». Si j’écrivais mon autobiographie (mais je ne fais que ça, évidemment), je pourrais l’intituler Comme l’écrivain.

Renaud Camus, « samedi 27 février 1993 », Graal-Plieux. Journal 1993, P.O.L., p. 60.

David Farreny, 1er août 2002
prétexte

La flottaison colossale du massif cristallin a froissé les lisières de la plaine. Des grands cataclysmes des temps géologiques, il est resté la houle figée, profonde, où nous nous sommes découverts naufragés. Si l’intuition de l’espace est inséparable de l’ancrage corporel, alors il était inévitable que nous ayons perçu le monde, la réalité, dans le détail et dans les grandes masses, comme opposition, contrariété. La terre, sur cent kilomètres de profondeur, est oblique, renfrognée. On est continuellement à gravir ou à dévaler des pentes. On ne voit jamais loin. Toujours quelque versant, le même, dirait-on, revient barrer la perspective. Un démiurge bâcleur a déversé en tas les matériaux — les pierres, les arbres, les animaux — puis délaissé le chantier, sous un prétexte. Il n’est toujours pas rentré.

Pierre Bergounioux, L’héritage. Pierre et Gabriel Bergounioux, rencontres, les Flohic, p. 9.

David Farreny, 6 août 2003
bonheur

Je retenais mon pas malgré la canicule. Les murs réverbéraient la chaleur qu’ils avaient absorbée depuis le début de la matinée. Le silence était celui, légèrement caverneux, chargé d’échos, des nécropoles. Il soulignait encore l’absence de la rumeur habituelle, comme les rues évacuées, les magasins fermés, les janissaires absentés. Peut-être est-ce alors que j’ai connu le bonheur le plus pur, s’il réside moins dans la possession d’une chose quelconque que dans la disparition de toutes celles qui traversent continuellement notre naturel penchant.

Pierre Bergounioux, Univers préférables, Fata Morgana, p. 53.

David Farreny, 7 mars 2004
létal

Est-ce le destin des rêves de dépouiller leurs vertus et leur charme lorsqu’ils s’accomplissent ? Enferment-ils un germe létal qui les détruit lorsqu’ils quittent la chambre où ils naquirent pour l’espace non protégé du dehors ? L’utopie semble vouée à nourrir l’utopie, le possible à engendrer du possible, tout réel à se nier. À peine les idéaux se sont-ils composé un visage qu’on y voit apparaître les stigmates inéluctables, dirait-on, de la tyrannique réalité.

Pierre Bergounioux, La fin du monde en avançant, Fata Morgana, p. 31.

David Farreny, 17 oct. 2006
vingt-deux

Comprenant soudain que le monde fut créé pour les filles de vingt-deux ans et demi, conçu et organisé pour elles, autour d’elles, que toute entreprise en ce monde ne vise en dernier lieu qu’à satisfaire les filles de vingt-deux ans et demi, vise même à ne satisfaire qu’elles, que le vaste et complexe système de l’Univers n’a d’autre raison d’être que le plaisir et la gloire et le chant des filles de vingt-deux ans et demi, que toutes les forces mises en œuvre depuis le moindre effort tendent à accroître encore le pouvoir déjà excessif des filles de vingt-deux ans et demi, Crab récupère ses fonds, rompt tous ses contrats, se retire de l’affaire et remet sa démission.

Éric Chevillard, Un fantôme, Minuit, pp. 128-129.

David Farreny, 12 mars 2008
alors

Et je l’accompagnai jusqu’à la prochaine cabine téléphonique.

(Bizarre, d’être comme ça à l’extérieur : le squelette de fer jaune, rempli de plaques de verre ; dedans, la longue qui s’affaire, le combiné noir contre l’oreille ; se tourne comme si elle parlait de moi ; se tait pendant dix secondes ; à l’autre bout se trouve sans doute une villa, vingt pièces, une mère distinguée hausse les sourcils, à l’arrière-plan un père gros & courtaud qui grogne) : « Alors ? ! » Et elle me fit un sourire cruel : « Tout va bien ! ».

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 137.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
consentant

À une table sortie

sur le trottoir par le beau temps

tardif d’un midi d’octobre

déguster une souris d’agneau

consentant à sa chair moelleuse

tout comme à l’arrivée d’une vieille Américaine bien marinée

à la table voisine

Reconnaissant des étincelles dans mon verre des flottements d’anges

absents qui entre deux bouchées

rident l’air rayonnant

(autant que des bouts d’ailes en bois que les serveuses repêchent de l’ombre

derrière la porte du bistro pour caler notre table branlante)

D’avance jubilant de pouvoir demain au retour

à Prague dire à ses proches « hier encore sur le trottoir

inondé de soleil tardif je goûtais une souris fondante »

Petr Král, « Bonheur », « Théodore Balmoral » n° 61, hiver 2009-2010, p. 126.

David Farreny, 8 juin 2010
portée

Ne pas naître est sans contredit la meilleure formule qui soit. Elle n’est malheureusement à la portée de personne.

Emil Cioran, « De l'inconvénient d'être né », Œuvres, Gallimard, p. 898.

David Farreny, 1er mars 2024

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