néant

« Au fond, c’est une question de degré, reprit-il. Tout est kitsch, si l’on veut. La musique dans son ensemble est kitsch ; l’art est kitsch, la littérature elle-même est kitsch. Toute émotion est kitsch, pratiquement par définition ; mais toute réflexion aussi, et même dans un sens toute action. La seule chose qui ne soit absolument pas kitsch, c’est le néant. »

Michel Houellebecq, La possibilité d’une île, Fayard, p. 149.

David Farreny, 21 sept. 2005
biologique

J’évitais au monde des révolutions douloureuses et inutiles — puisque la racine de tout mal était biologique, et indépendante d’aucune transformation sociale imaginable ; j’établissais la clarté, j’interdisais l’action, j’éradiquais l’espérance ; mon bilan était mitigé.

Michel Houellebecq, La possibilité d’une île, Fayard, p. 159.

David Farreny, 21 sept. 2005
raréfié

Je n’avance que d’une page et demie parce que j’évolue dans l’abstraction, l’univers raréfié des catégories.

Pierre Bergounioux, « dimanche 12 août 1990 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 917.

David Farreny, 20 avr. 2006
lente

L’imbécillité de l’herbe.

L’intelligence de l’herbe.

Les lentes bêtes brouteuses.

Rien. Le temps. Les vaches. Rien.

L’imbécillité, la lente

Intelligence de l’herbe.

Rien. Le temps. Les vaches. L’herbe

Et sa lente intelligence.

Norge, « J’écoute brouter à Lupetière », Poésies 1923-1988, Gallimard, p. 207.

David Farreny, 24 sept. 2006
affleure

N’importe : tout ce qu’affleure et que nomme la littérature est sacré, jusqu’au moindre bout de trottoir que la phrase une seule fois a touché de sa grâce (et le grenadier qui s’échappe).

Renaud Camus, « lundi 21 avril 1986 », Journal romain (1985-1986), P.O.L., p. 288.

David Farreny, 3 juin 2009
absolu

Il épouse la fille pour sa dot puis la mère pour l’héritage. Il s’éclaire la nuit avec les yeux des chats dont les peaux cousues couvrent son dos voûté sur l’ouvrage. Il n’est rien de sacré pour Dino Egger que le but absolu qu’il s’est fixé. Sa main plonge dans la sébile de l’aveugle – il a faim.

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 95.

Cécile Carret, 18 fév. 2011
moi

Ce qui rend les mauvais poètes plus mauvais encore, c’est qu’ils ne lisent que des poètes (comme les mauvais philosophes ne lisent que des philosophes), alors qu’ils tireraient un plus grand profit d’un livre de botanique ou de géologie. On ne s’enrichit qu’en fréquentant des disciplines étrangères à la sienne. Cela n’est vrai, bien entendu, que pour les domaines où le moi sévit.

Emil Cioran, « De l’inconvénient d’être né », Œuvres, Gallimard, p. 1316.

David Farreny, 31 janv. 2013
filles

Qu’on ne se méprenne pas ; je ne suis pas en train de me vanter d’avoir engendré des libellules ou des fleurettes. Ou des fées. […] Non, bel et bien des filles, au nombre de deux, deux filles de plus sur cette terre, deux filles encore, deux filles terribles, mais cette fois je suis dans leur camp.

Cette fois, ce ne sont pas des filles là-bas, ce ne sont pas des filles là-haut, ce ne sont pas des filles au loin. Agathe a pris ma main droite ; Suzie a pris ma main gauche ; elles marchent avec moi. J’avance désormais entre deux filles, prenez garde ! Le garçonnet dans mes bottes triomphe. Deux filles à ses côtés ! Ce n’est plus la force adverse à combattre, à séduire, de toute façon à circonvenir. C’est une tendresse mienne ; ce sont des sourires qui prolongent le mien. Cette beauté ne m’est pas jetée à la figure comme une pierre.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 103.

Cécile Carret, 25 fév. 2014
moins

Comment démontrer à une femme qu’elle perd moins en n’ayant pas d’enfant, que l’homme en s’en faisant faire ?

Philippe Muray, « 22 juin 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 101.

David Farreny, 2 mars 2016
quelqu'un

En somme, il n’y a que moi qui ne suis pas à la recherche d’une solution qui serait quelqu’un.

Philippe Muray, « 28 août 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 177.

David Farreny, 29 fév. 2024
toujours

Rien moins qu’un folklore, le cafard s’éprouve comme un sentiment de dépaysement dans le temps, tantôt pénible tantôt voluptueux, comme peut l’être le boitement des sensations à la suite d’un décalage horaire. Il ne touche qu’un petit nombre d’individus qui, par-delà les époques et leurs différences nationales, forment une confrérie secrète de la déréliction. Ils se reconnaissent entre eux à une façon commune de sentir le monde, les êtres et, aussi, d’en parler. Comme ces exilés qui, même après de longues années passées dans leur pays d’accueil, conservent les habitudes de leur patrie d’origine et l’accent de leur langue maternelle, les cafardeux, en proie à la nostalgie d’un temps où ils n’existaient pas, affichent un air de paradoxale étrangeté. Car, à juger le regard avec lequel ils balayent ou scrutent le monde, entre blasement et étonnement, ils ne donnent pas l’impression de débarquer, mais, au contraire, de se trouver là depuis toujours.

Frédéric Schiffter, « Patriotisme des cafés », Le philosophe sans qualités, Flammarion.

David Farreny, 26 mai 2024

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