treuil

Il avait toujours rêvé de n’être relié au monde que par un regard immobile et tenu, comme un filet d’eau qui ne tombe pas, ne se divise pas, mais renouvelle son équilibre et son silence. On ne le sut qu’après : son regard était un câble enroulé au treuil du fond des vases.

Michel Besnier, Un lièvre en son gîte, Folle Avoine, p. 75.

David Farreny, 24 mars 2002
étiologie

L’impossibilité d’agir a toujours été chez moi une maladie à l’étiologie métaphysique.

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité (1), Christian Bourgois, p. 182.

David Farreny, 9 fév. 2003
découragement

On ne prête pas le flanc au découragement, soudain on est le découragement entier.

François Rosset, L’archipel, Michalon, p. 102.

David Farreny, 5 fév. 2004
salut

Son corps lui parut déplaisant, inutile, étranger, et il comprit qu’il n’y aurait pas de salut tant que s’interposerait entre lui et le monde cette masse de chair incommode, aussi longtemps qu’il resterait soumis à ses bizarreries, à ses humeurs. Entre le monde et lui, son corps importun se dressait, et il se sentait comme séparé de la lumière par le couvert d’un grand arbre.

Danièle Sallenave, Un printemps froid, P.O.L., p. 64.

Élisabeth Mazeron, 26 fév. 2007
signifiaient

Et même cette expérience prenait corps ; un jour de rien (où ne jouaient pas même les lumières changeantes, pas même le vent, ni le temps) c’était lui qui promettait la plénitude la plus grande. Il n’y avait rien et rien encore et toujours rien. Et ce rien et ce rien que faisaient-ils ? Ils signifiaient. Il y avait plus de choses possibles avec rien d’autre que la journée, bien, bien plus pour moi, comme pour toi.

Peter Handke, « Essai sur la journée réussie », Essai sur la fatigue. Essai sur le juke-box. Essai sur la journée réussie, Gallimard, pp. 175-176.

David Farreny, 31 oct. 2009
se

À quoi puis-je reconnaître ce qui me lie à Wanda ? Je n’ai pas erré sans domicile, je n’ai pas abandonné d’enfants, je n’ai jamais remis le cours de mon existence ou simplement celui de mes affaires à un homme, le cours le plus quotidien de ma vie je ne l’ai jamais confié à quiconque, me semble-t-il, j’ai abandonné des hommes, et parfois brutalement, avec la joie vibrante qu’on éprouve à bifurquer, à s’évanouir dans une foule, à sauter sans prévenir dans un train, à faire faux bond, le plaisir aigu et rare de se dérober, de se soustraire, de disparaître dans le paysage – mais pas celui de se soumettre.

Nathalie Léger, Supplément à la vie de Barbara Loden, P.O.L., p. 63.

Cécile Carret, 16 mars 2012
direction

L’acteur et la femme suivirent le père des yeux, puis se donnèrent la main pour se dire au revoir et sursautèrent en même temps du fait d’une légère décharge électrique.

La femme dit : « En hiver, tout se charge d’électricité. »

Ils voulurent se séparer mais remarquèrent alors que leur direction était la même, aussi allèrent-ils, côte à côte, sans parler. Devant le parking où ils rattrapèrent le père, ils se séparèrent encore une fois avec un hochement de tête mais continuèrent cependant ensemble parce que leurs voitures se trouvaient presque l’une à côté de l’autre.

En roulant, la femme vit l’homme la dépasser ; il regardait droit devant lui ; elle obliqua.

Peter Handke, La femme gauchère, Gallimard, p. 86.

Cécile Carret, 30 juin 2013
vin

La Providence, pensa-t-il, ne peut à ce point se jouer d’un homme.

Il s’installa dans cette idée, il en fit amèrement le tour. Il y goûta une sorte de satisfaction, un réconfort aride, comme les enfants qu’on a punis en ne leur ouvrant pas la porte et qui au lieu de s’abriter restent sous la pluie avec des yeux ivres, sautent à pieds joints dans les flaques, se crottent en pleurant, et leurs larmes alors sont du vin. Il se vit dans ce petit enfant ne méritant pas un tel sort et s’en exaltant.

Pierre Michon, « Fie-toi à ce signe », Maîtres et serviteurs, Verdier, p. 104.

David Farreny, 26 fév. 2014
tellement

X : il a écrit tellement de livres qu’il pourrait s’incinérer avec.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 120.

David Farreny, 13 sept. 2014
bleu

L’âme souffrante se marque d’un bleu ; toutes ensemble cousues font le mystique azur.

Éric Chevillard, « lundi 26 janvier 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 26 janv. 2015

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