vigne

L’aspect des vignes revêt partout un caractère extrêmement désordonné en raison de la technique de propagation en usage : le marcottage ou provignage. La plantation initiale d’une parcelle s’effectue grâce à des boutures le plus souvent non racinées et plantées dans des trous ou des fossés assez espacés. Ensuite, les ceps sont multipliés par l’enfouissement dans le sol des sarments jugés vigoureux, lesquels sont séparés de la souche-mère après enracinement. On aboutit ainsi à une densité allant de 10 000 à 40 000 ceps à l’hectare. Un tel procédé, comme on peut s’en douter, donne une physionomie très opposée à celle des vignes actuelles bien peignées. Au bout de quelques décennies, même si la plantation initiale est disposée en lignes, le plus grand désordre règne dans la vigne, qui peut même être tout encombrée de bois mort. La conduite est basse, et dans ce cas, la vigne s’appuie sur des échalas, ou bien haute, et alors elle court souvent, à la façon méditerranéenne, d’arbre en arbre. Beaucoup de vignes sont, en effet, complantées d’arbres fruitiers variés, pratique qui nuit évidemment à la qualité de la production, tout comme l’édification de haies arborées entre les parcelles. Dans les vignes-jardins, deux techniques élaborées, probablement héritées de l’Antiquité, sont utilisées : la conduite sur treillage en berceau constituant une allée ombragée et sur treillage en toiture ou pergola recouvrant toute la surface d’une parcelle.

Jean-Robert Pitte, Histoire du paysage français, Tallandier, p. 144.

Guillaume Colnot, 13 sept. 2002
écartés

Il me suffit d’écrire, comme on jette un mot dans une bouteille, sur l’océan des âges, comme on trace des lettres sur le sable, sans y penser, parce qu’on a trouvé sur la plage un bâton ou un caillou, comme on creuse des noms et des dates sur des tombeaux, en attendant la mousse ou l’armaguedon. C’est bien. Personne ne vous entend, ne vous lit, ne vous répond, sauf deux ou trois promeneurs volontairement égarés, parce qu’ils avaient comme vous le goût des chemins et des phrases écartés. Il n’en faut pas plus ; surtout si l’un ou l’autre de ceux-là, un jour, dit à quelqu’un avoir rencontré une inscription curieuse, au cours de ses pérégrinations, une page qui l’a intrigué, un message d’un ton particulier. Ainsi nous serons inscrits dans le grand réseau des signes et des questions, même si nous n’y sommes qu’un accent de travers, des guillemets qui se ferment sans s’être jamais ouverts, une virgule, une apostrophe, des points de suspension…

Renaud Camus, Le château de Seix. Journal 1992, P.O.L., p. 259.

Élisabeth Mazeron, 19 nov. 2003
moteur

Grands, anciens, constants sont les efforts de chacun pour dissimuler aux yeux des autres et oublier le dissimulé en sa propre mémoire. Et, sauf névrose, ou affaiblissement mental, généralement couronnés d’un succès appréciable, intéressant, rayonnant et moteur.

Henri Michaux, « Façons d’endormi, façons d’éveillé », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 513.

David Farreny, 2 juin 2006
botanique

Je reviens moi-même du midi où j’ai laissé Jacqueline et François V.R. achever août et l’été sur sa chute. Nous avons passé là des jours simplement heureux, confortant nos idées, prolongeant notre inquiétude tard dans les nuits qu’on aime tant qu’on se relève pour en presser les odeurs, les chants, les douceurs, la botanique.

Dominique de Roux, « lettre à Robert Vallery-Radot (28 août 1966) », Il faut partir, Fayard, p. 223.

David Farreny, 21 août 2008
faudrait

Faudrait un sursaut de main, un levier pour soulever cette mélancolie massive, collante, face au monde et à vivre. Repartir du mimosa par exemple qui boule jaune dans mon coin clope au lycée. Ou bien cette nécessité de la révolte pour refuser cette vie – peau de chagrin imposée au plus grand nombre.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 45.

Cécile Carret, 4 mars 2010
vie

Ainsi s’approche-t-on de la monstrueuse utopie que j’ai toujours en frémissant caressée, un journal qui serait la vie, la remplirait tout entière, se substituerait à elle. Les lignes sont la couleur même du temps, la vie est l’écriture même, biographie, graphobie. Ce n’est plus de la littérature que relève l’entreprise, à supposer qu’elle y ait appartenu jamais ; à moins que la littérature n’ait précisément cette fin, et ne soit justement cela, cette impérialiste totalité qui tend au monde un miroir sans tain, qu’elle emplit tout entière ; non par la beauté de ses phrases, mais par le seul effet de leur masse.

Un lecteur ? Mais lui-même et tout son temps seraient happés par l’absurde projet de lire ces pages. Son existence ne coïnciderait plus qu’avec ce papier ; sauf s’il n’observait, de ces phrases, que leur accumulation en cahiers, en volumes, et s’il avait le moyen de s’assurer, par le biais d’un index, qu’elles ne sont pas méandres abstraits de la plume et de l’encre, mais que des sens les ont bien habitées, que des colères, des coïncidences et des joies les ont dictées, qu’elles ont prétendu, sans trop y croire, refléter des heures, des humeurs, des villes, de vagues opinions, des états de ciel et de l’âme. Le monde ? Allons donc ! Une table, une fenêtre, une table près d’une fenêtre, et la vue, les vues.

Renaud Camus, « mardi 26 mai 1987 », Vigiles. Journal 1987, P.O.L., pp. 232-233.

David Farreny, 5 nov. 2010
visage

Avait-il dormi toute la nuit, comme cela, sur le dos ? jambes croisées ? À la fenêtre grande ouverte, dans un mur de nuages qui allait grandissant, la lune décroissante avait fait son apparition, un moment, comme tombée en avant, le visage vers le bas.

Peter Handke, Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, Gallimard, p. 60.

Cécile Carret, 21 juil. 2013
décrire

Ces édifices, dont on ne peut percevoir que des fragments, sont en effet à peine visibles dans la végétation sur laquelle nous allons revenir. Nous devrons en effet y revenir quoique nous aurions peut-être pu, peut-être dû commencer par elle, nous ne savons pas.

Nous ne le savons pas, pour tant qu’il est difficile dans une description ou dans un récit, comme le fait observer Joseph Conrad dans sa nouvelle intitulée « Un sourire de la fortune », de mettre chaque chose à sa place exacte. C’est qu’on ne peut pas tout dire ni décrire en même temps, n’est-ce pas, il faut bien établir un ordre, instituer des priorités, ce qui ne va sans risque de brouiller le propos : il faudra donc revenir sur la végétation, sur la nature, cadre non moins important que les objets culturels – équipements, bâtiments –, que nous essayons d’abord de recenser.

Jean Echenoz, « Caprice de la reine », Caprice de la reine, Minuit, p. 21.

Cécile Carret, 26 avr. 2014
autre

Une autre solitude serait-elle possible ?

Éric Chevillard, « mercredi 8 juillet 2020 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 17 mars 2024

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