coussin

Un chat sait être le coussin de soi-même.

Guillaume Colnot.

David Farreny, 20 mars 2002
clan

Foule infinie : notre clan.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 321.

David Farreny, 13 avr. 2002
intérieur

Il avait meublé son deux pièces — au prix, inévitablement, de certaines choses essentielles — avec un certain luxe, quoique approximatif. Il apportait un soin tout particulier aux sièges — des fauteuils profonds et moelleux —, aux rideaux et aux tapis. Il assurait avoir ainsi créé un intérieur « qui garantisse la dignité de son ennui ». Dans une pièce de style moderne l’ennui devient inconfort, souffrance physique.

Fernando Pessoa, « Autobiographie sans événements », Le livre de l’intranquillité (édition intégrale), Christian Bourgois, p. 36.

Guillaume Colnot, 16 mai 2002
lassante

Plus de repos. Il faut en passer par là, successivement et indéfiniment contracté, puis décontracté, puis contracté, puis décontracté, puis contracté, puis décontracté, jamais lâché par la tyrannie de l’alternatif. L’idée qu’on a, happée par le même invisible mécanisme, montrée, puis éclipsée, puis remontrée, puis subissant une autre éclipse, puis réapparaissant, puis de nouveau oblitérée, est inefficace, lassante, oubliée, invivable, sotte, contrecarrante plus que tout, ajoutant son point final à la ridiculisation des fonctions mentales. Agaçante, ravageuse, atroce, rendant impropre à tout raisonnement, à tout théorème, à toute systématique, rendant sans mémoire, sans place (constamment éjecté de sa place, remis en place, réexpulsé de sa place), rendant pantin, rendant agité, agité, agité, agité de l’agitation du fou agité, traduction des incessantes menues agitations, des mouvements d’avance et de recul, de présence et d’absence, traduction de toutes les contradictions subies et de tous les antagonismes dont on est l’écartelé hébété.

Henri Michaux, « L’infini turbulent », Œuvres complètes (2), Gallimard, pp. 810-811.

David Farreny, 21 déc. 2003
raison

Non, ne faites pas attention, je perds la tête maintenant, mais je n’ai pas de raison précise.

Georges Bataille, Le bleu du ciel, Gallimard, p. 44.

David Farreny, 15 juin 2004
gestes

J’ai vu par la suite qu’on pouvait tout connaître de nos affections hormis leur force, c’est-à-dire leur sincérité. Les actes eux-mêmes ne serviront pas d’étalon à moins qu’on n’ait prouvé qu’ils ne sont pas des gestes, ce qui n’est pas toujours facile.

Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, p. 60.

David Farreny, 31 déc. 2008
geste

Il arrivait que les discussions nous ayant menés jusqu’au milieu de la nuit, allongés sur le dos, côté à côte dans le lit à la façon de deux gisants, nos yeux fixant une obscurité moins profonde que la leur, mais pareillement proches et en même temps séparés par la rigole dans les plis du drap, et alors que le sel des larmes séchées empesait mes joues, et que tous mes mots s’étaient agglutinés en une matière noire qui empâtait ma bouche, je n’attende plus non plus aucune parole de lui mais seulement un geste. Je lui disais : « Fais un geste. »

Catherine Millet, Jour de souffrance, Flammarion, p. 181.

Élisabeth Mazeron, 18 mars 2009
si

Vrai j’en suis si content de ce que si ici parfois il y a des cafards dans le manger, chez toi il y a femme et enfant.

Vincent van Gogh, « Saint-Rémy-de-Provence, août-septembre 1889 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 517.

David Farreny, 2 juil. 2009
jour

La rue est indiscutablement belle. La rue est millionnaire. Attirante. Captivante. Ensorcelante. Envoûtante. Louise tire son mari vers les images, les vitrines, les bazars, les arcades, les boulevards, les trottoirs, les éclairages, les conversations au néon, les signaux alarmants, excitants, les sémaphores insolites, les panneaux publicitaires et sensationnels. L’extravagante nuit. Comme-en-plein-jour.

Dans la rue, on croise les autres. Pressés. Inquiets. Avides. Quêtant du regard les cascades de lumière. Les yeux éblouis. Papillotants. Fascinés. Les autres. Des Fernande. Des Louise. Des Marcel. Des André.

La rue tentatrice ouverte à tous gratuitement. La rue spectacle permanent. Sans entrée. Sans sortie. Sans porte. Sans guichet. Châteaux illuminés éclatants. Châteaux du vingtième siècle. Pour les yeux éperdus d’étonnement. Ciel neuf et bariolé. À grands traits dessinés. Vite lu. Vite exploré. Ciel facile. Dans la cire molle de l’esprit paresseux, ciel facilement imprimé.

Comme de vastes écrins béants s’étalent des boulevards brillants.

Hélène Bessette, La tour, Léo Scheer, p. 37.

Cécile Carret, 18 mars 2010
structurel

Puissance à rebours de l’écriture du manque.

Écrire l’absence relève du thématique, écrire le manque, cela devient structurel. D’où le non-développement.

Gérard Pesson, « mardi 26 novembre 1991 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 41.

David Farreny, 22 mars 2010
absence

Est-ce à cette époque qu’une coupe de cheveux unique a été instaurée dans tout le pays ? Ou plus tôt, en même temps que l’interdiction des vêtements de couleurs ? Je me souviens qu’à Kôh Tauch, les cheveux longs, même noués, avaient disparu. Symbole féminin, donc sexuel. Signe de laisser-aller. Ou volonté de se différencier. Tous les cadres Khmers rouges ont pris modèle sur Pol Pot : coupe franche derrière les oreilles. Et la coupe « oméga » pour les jeunes filles, comme l’appelaient secrètement mes sœurs : une frange ; et les cheveux sur la nuque. Mais attention : se raser la tête était très mal vu également, car on pensait aux bonzes – l’enfant que j’étais ne l’a appris que plus tard.

À nouveau, je m’interroge : quel est le régime politique dont l’influence va de la chambre à la coopérative ? Qui abolit l’école, la famille, la justice, toute l’organisation sociale antérieure ; qui réécrit l’histoire ; qui ne croit pas au savoir et à la science : qui déplace la population ; qui contraint les relations amicales et sentimentales ; qui régit tous les métiers ; forge des mots, en interdit d’autres ? Quel est le régime qui envisage une absence d’hommes plutôt que des hommes imparfaits – selon ses critères, j’entends ? Un marxisme tenu pour une science ? Une idéocratie – au sens que l’idée emporte tout ? Un « polpotisme », travaillé par la violence et la pureté ?

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 102.

Cécile Carret, 7 fév. 2012
hâte

Que la crainte, l’affliction, la désolation existent en ce monde, il le comprend, mais seulement dans la mesure où ce sont là des sentiments vagues et généraux qui passent en rasant la surface. Tous les autres sentiments, il les nie, il prétend que ce que nous appelons ainsi n’est qu’illusion, conte de fées, mirage de l’expérience et de la mémoire.

Comment en serait-il autrement, pense-t-il, puisque les événements réels ne peuvent jamais être rejoints, et moins encore dépassés par notre sentiment ? Nous ne les vivons qu’avant ou après l’événement réel, qui passe dans la hâte incompréhensible de l’élémentaire, ce sont des fictions qui s’apparentent au rêve et se limitent à nous. Nous vivons dans le silence de minuit et l’expérience du lever et du coucher du soleil, nous la faisons selon que nous nous tournons vers l’est ou vers l’ouest.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 502.

David Farreny, 9 nov. 2012

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