fautes

Le vieux Rousseau, notre voisin, dit « Les médecins, la terre cache leurs fautes. »

Henri Thomas, Londres, 1955, Fata Morgana, p. 27.

David Farreny, 13 avr. 2002
naître

Ma mère […]. Elle a tout fait pour que je vive, c’est naître qu’il aurait pas fallu.

Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit, Le Livre de poche, p. 43.

Guillaume Colnot, 8 nov. 2003
joué

Cependant marcher dans la rue me fait du bien, je suis moins triste. Peut-être même que je chantonne (très curieux glissements d’humeur, semblables à ceux des nuages ; comme si tout ça était en partie joué — ce que c’est, bien sûr, mais alors il n’y a rien qui ne le soit).

Renaud Camus, « jeudi 29 avril 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 202.

David Farreny, 17 août 2007
ou

Mon orgueil et mon délaissement étaient tels, à l’époque, que je souhaitais être mort ou requis par toute la terre.

Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, p. 141.

David Farreny, 4 janv. 2009
besoin

Et toi ? ai-je dit. Ça allait également. Il avait l’air sincère. J’ai espéré que moi aussi. J’avais une bonne voix, posée. Je ne me sentais pas inquiet. Si j’avais été sommé de faire le point, à ce moment, j’aurais dit que j’éprouvais seulement un gros besoin d’essence. D’avoir pas mal d’essence devant moi, dans un pays bien équipé en stations. On a raccroché en se disant qu’on se rappelait.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 14.

Cécile Carret, 25 sept. 2011
malaise

Il suffisait de refuser poliment. Au lieu de quoi j’ai montré mon hésitation, dans laquelle l’homme s’est engouffré. Allez, allez, a-t-il dit. J’ai commencé à comprendre que, lorsqu’il n’étouffait plus, il devenait jovial. J’entends qu’il avait un fond jovial. La femme, elle, avait l’air toujours triste, si bien qu’entre les deux je n’aurais pas su dire ce qui me semblait le pire, de la jovialité ou de la tristesse, sauf qu’en l’occurrence il ne s’agissait pas de choisir, il s’agissait de jovialité et de tristesse, l’une s’inscrivant en contraste avec l’autre, accusant l’autre, la rendant insupportable, sans parler du mélange des deux, évidemment, qui produisait de son côté un effet de malaise, incapable que se trouvait leur interlocuteur de savoir s’il devait s’apitoyer ou sourire, sachant que par ailleurs la jovialité n’a jamais fait, à ma connaissance, sourire personne.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 33.

Cécile Carret, 27 sept. 2011
litanie

Les jours du 11 novembre, à Cour-Cheverny, tous les écoliers faisaient le tour du village à pied derrière les maîtresses et les maîtres et les anciens combattants et la fanfare. Il pleuvait tout le temps comme un mauvais miracle.

Le monument aux morts, avec la stèle et la litanie des noms, était collé à l’école, si bien que pour qu’il y ait un parcours, on s’en éloignait pour revenir ensuite.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 23.

Cécile Carret, 22 sept. 2013
non-chaloir

Tout comme la couche d’air qui nous entoure protège les Terriens contre la continuelle agression cosmique, il existait, il a longtemps existé autour d’eux une couche de non-savoir, de non-chaloir, de non-lire, de non-voyager, qui protégeait leur quiétude d’esprit contre le bombardement tellurique continu des Nouvelles, et qui l’a protégée plus longtemps encore contre celui, plus corrosif encore, des Images. On commence à s’apercevoir, maintenant que notre civilisation la dissipe, que cette couche isolante était vitale. Physiquement, l’homme ne vit pas nu, spirituellement aussi c’est un animal à coquille. Et les effets de ce mortel décapage sont devant nous : érosion continue et intense de toutes arêtes vives, de toute originalité — réduction progressive du refuge central, du for intérieur — contraction frileuse de l’esprit tout entier exposé sur toute sa surface, comme une pellicule fragile, aux bourrasques cinglantes qui soufflent sur lui de partout, irritation à fleur de peau, état de prurit et de gerçure.

Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, p. 66.

David Farreny, 8 juil. 2014
ennui

Un philosophe d’occasion, un esthète épuisé, un frondeur abattu, une marquise cafardeuse, un aventurier sans cause, un métaphysicien insomniaque, un nihiliste apocalyptique, un réactionnaire à vif, un anarchiste sentimental, un adepte du suicide non pratiquant, les figures que j’évoque ici forment une aristocratie transhistorique de l’ennui – montrant par là l’éternité de la maladie du temps. D’un scepticisme à la fois féroce et poli, ils démystifient les doctrines qui prônent un illusoire art de vivre. Ils rappellent que la vie n’a rien d’un art mais d’une douleur continue interrompue par quelques moments de rémission, que nous ne choisissons pas de naître puis de vivre comme nous vivons ou comme nous souhaiterions vivre, que nous n’avons pas la moindre emprise sur nos passions, que nous ne changeons pas mais que nous aggravons notre cas.

Frédéric Schiffter, « préface », Le charme des penseurs tristes, Flammarion.

David Farreny, 4 mai 2024

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