imposé

Marbœuf n’a pas encore quarante ans. Il est à la moitié de sa vie et a déjà imposé l’idée qu’il ne faudrait attendre aucun livre de lui.

Jean-Yves Jouannais, Artistes sans œuvres, Hazan, p. 65.

David Farreny, 14 avr. 2002
réglable

C’est à croire que nous ne pénétrerons jamais jusqu’au cœur du mystère, que les forces occultes nous déroberont jusqu’au bout l’ultime secret. De grands pans de notre sens se dressent inaccessibles, demeurent enténébrés.

Il m’arrive de me transporter, en pensée, sur le lit en métal chromé, réglable, de l’agonie, à partir duquel on envisagera une dernière fois ce qui s’est passé.

Pierre Bergounioux, L’héritage. Pierre et Gabriel Bergounioux, rencontres, les Flohic, p. 183.

David Farreny, 6 août 2003
creusent

Je n’ai pas de nom. Je m’appelle Personne.

Les riches ont l’or,

mes maigres mains creusent le rio.

Mes maigres mains creusent un sillon de mort.

J’ai enterré tant d’enfants que ma mémoire

est une encre sauvage.

Je n’ai plus de mains. Je n’ai plus d’âge.

J’ai la sagesse des grands arbres brisés par les Américains.

Je suis un Peau-Rouge. Jamais je ne marcherai

dans une file indienne.

J’ai très mal au cœur, au sexe, aux entrailles.

Je prie. Je suis Sioux.

Je prie. Je crois à la revanche.

Je suis celui qu’on ne peut pas tuer au cœur de la bataille.

André Laude, « Je m’appelle Personne », poèmes posthumes publiés par la revue « Points de fuite », 1995.

David Farreny, 19 fév. 2004
occultes

C’est pour avoir continuellement maintenu quelque chose — elle-même — hors des atteintes des puissances ennemies, qui sont les mêmes depuis toujours, partout, pour tous, c’est pour ça qu’elle se dessinait, dans l’air où résonnent les paroles, tout près, chaque fois ou presque que j’ai parlé avec un de ses enfants. Il n’est pas vrai qu’il n’y ait plus personne, plus rien après qu’on a cessé de respirer. Certains, en vérité, n’existent pas vraiment quand, pourtant, on peut les voir passer et repasser dans la lumière, entendre ce qu’ils disent. Ce n’est pas eux. C’est rien que ce qu’on n’est pas, les forces occultes, l’enfant qui joue derrière le rideau du temps orné de figures peintes. D’autres, en revanche, sont toujours là quand on les chercherait en vain du regard. Il peut arriver qu’on ne les ait jamais vus ou que ça n’ait duré que trois secondes et qu’on n’ait même pas su, alors, qui ils étaient.

Pierre Bergounioux, Miette, Gallimard, p. 65.

Élisabeth Mazeron, 6 oct. 2004
impatiences

Je sens me reprendre les impatiences cuisantes, la fureur sombre, et qu’il fallait contenir, de surcroît, que m’ont inspirées, d’emblée, tant de proches dont je jugeais déjà les pensées aberrantes, les agissements dérisoires, inutiles, les sentiments infantiles, quand ils ne contrevenaient pas à l’évidence lumineuse de la loi morale.

Pierre Bergounioux, « dimanche 17 juillet 1988 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 708.

Élisabeth Mazeron, 1er janv. 2009
inconsistance

Il est vrai que mon existence parmi les choses avait toujours manqué d’un certain poids. J’étais un homme d’inaction et je vivais avec le souci constant de ne pas déranger l’ordre des réalités qui m’entouraient et auxquelles j’avais affaire. Je subissais le monde plutôt que je ne l’affrontais. Et mon rapport aux êtres — aux humains comme aux objets — procédait d’un fond de passivité qui m’avait toujours facilité le passage à travers les médiocres épreuves de ma vie. Je laissais les événements se produire. Je laissais le temps dénouer les crises. Autant que possible, je limitais mes interventions et évitais les décisions catégoriques et les initiatives risquées. Si je connaissais quelquefois l’indignation, elle n’allait jamais jusqu’à la révolte. Rarement l’émotion m’arrachait un geste. Elle demeurait enfouie dans les limbes de l’inexpression. D’une façon générale, en toute circonstance quelque peu difficile, je faisais confiance à ma puissance d’inertie. L’immobilité était mon seul système de défense contre les menaces ambiantes. Immobilité et silence — car ma propre parole fuyait les mots dès qu’elle était mise en demeure de répliquer ou de s’expliquer. Et ainsi avait coulé ma vie dans cette ville fluviale où l’espace coulait avec les eaux et où la couleur du ciel avait toujours cette nuance indécise du regard qui rêve. Jusqu’à ce que je fusse mis en face de l’évidence insoutenable de cette blancheur sans rien, apparue soudain au cœur de mon univers, ma vie n’avait été qu’une coulée muette et une rêverie sur cette coulée. Espoirs et désespoirs, attentes et déceptions, travaux et peines avaient passé comme cet autre sourire au fond de tout sourire sur un visage qui s’ignore — moins qu’une trace, moins qu’une ombre, moins qu’un soupir… et si peu de souvenirs, d’avoir vécu. J’étais l’inconsistance personnifiée.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, pp. 66-67.

Élisabeth Mazeron, 17 mars 2010
petitesse

Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes ; et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse. Loué, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais […].

Jean de La Bruyère, « Les caractères ou les mœurs de ce siècle », Œuvres complètes (1), Henri Plon, p. 211.

Guillaume Colnot, 27 fév. 2013
saison

L’été n’est pas une saison vivante mais une saison vécue.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 236.

David Farreny, 24 août 2014
bleu

L’âme souffrante se marque d’un bleu ; toutes ensemble cousues font le mystique azur.

Éric Chevillard, « lundi 26 janvier 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 26 janv. 2015

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