Norvégiens

Les Norvégiens sont translucides ; exposés au soleil, ils meurent presque aussitôt.

Michel Houellebecq, Lanzarote, Flammarion, p. 18.

David Farreny, 22 mars 2002
volcan

Ma chambre donne sur un volcan.

La fenêtre de ma chambre donne sur un volcan.

Enfin un volcan.

Je suis à deux pas d’un volcan.

Il y avait dans notre propriété un volcan.

Volcan, volcan, volcan.

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 161.

David Farreny, 24 mars 2002
pelucheux

Au-delà du périphérique, assez loin mais bien visible, une enseigne lumineuse tourne sur elle-même, bleue, au sommet de la tour Pleyel. D’autres enseignes couronnent la plupart des immeubles situés entre le boulevard extérieur et le périphérique. Le long de l’avenue, c’est plutôt le rouge qui domine — le rouge de Bosch ou celui de Firestone —, mais dès que l’on s’engage dans la rue Félix-le-Croisset, sous les acacias d’où émane en saison une sorte de foutre pelucheux, on pénètre temporairement dans un espace plus confiné, baigné par les publicités Samsung, Panasonic ou Daïkin d’une diffuse et sourde lumière bleue. Cet environnement bleu, de concert avec les émulsions de foutre d’acacia, favorise après quelques minutes d’immersion l’apparition de sensations aquatiques.

Jean Rolin, La clôture, P.O.L., p. 50.

Guillaume Colnot, 13 avr. 2002
monter

Mes phrases voient monter en elles la contradiction avant qu’elles aient atteint leur verbe.

Renaud Camus, « samedi 7 février 1998 », Hommage au carré. Journal 1998, Fayard, p. 61.

David Farreny, 15 fév. 2004
chatoiement

Le jardin attenant est désert. Quelques Bâlois sont allongés au soleil, au bord de l’eau, en maillot de bain. Et je pense, suivant un moment le quai, à quelqu’un qui sans doute est en train de marcher pareillement le long d’un fleuve, dans Espalion, Villeneuve-sur-Lot ou Castres ; à toutes ces villes assoupies, tranquilles, de part et d’autre de leurs ponts, le long de leurs paisibles rivières ; à la province le dimanche ; à la profondeur effrayante de l’ordinaire ; au chatoiement sans limites du quotidien ; à l’excitant vertige de l’inexceptionnel (souvenirs de jours de juillet écrasés de chaleur, à Clermont-Ferrand, sur les boulevards extérieurs, boulevard Lavoisier, boulevard Duclaux, boulevard Cotte-Blatin, c. 1962, quand toujours un camarade de classe qu’on aimait est parti pour les vacances et que tout paraît si terriblement normal, ordinaire, éternel, sans limites, à la façon des énormes étés d’alors, dont on ne voyait pas l’autre rive ; et le boulevard Duclaux tournait autour de Reggio d’Émilie, de Badajoz, de Vesoul, de villes plus ordinaires encore, dont on ne connaissait même pas les noms…).

Renaud Camus, « dimanche 20 juin 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 590.

David Farreny, 28 sept. 2007
dégoût

Donc, tu ne dois pas penser que je renie ceci ou cela, je suis un espèce de fidèle dans mon infidélité, et quoique étant changé, je suis le même, et mon tourment n’est autre que ceci : à quoi pourrais-je être bon, ne pourrais-je pas servir et être utile en quelque sorte, comment pourrais-je en savoir plus long et approfondir tel et tel sujet ? Vois-tu, cela me tourmente continuellement, et puis on se sent prisonnier dans la gêne, exclu de participer à telle ou telle œuvre, et telles et telles choses nécessaires sont hors de la portée. À cause de cela on n’est pas sans mélancolie, puis on sent des vides là où pourraient être amitié et hautes et sérieuses affections, et on sent le terrible découragement ronger l’énergie morale même, et la fatalité semble pouvoir mettre barrière aux instincts d’affection, et une marée de dégoût qui vous monte. Et puis on dit : «  Jusqu’à quand, mon Dieu !  »

Vincent van Gogh, « Le Borinage, juillet 1880 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 99.

David Farreny, 15 juin 2009
puzzling

La quarantaine, célibataire, enseignante, la Frau Doktor ; et si intelligente que moi, avec mon petit savoir désordonné, vieillot et confus, je me sentais suspect au plus haut point. De plus, ce jour-ci, elle portait sa robe rouge, celle aux points noirs ; qui laissait voir son intéressante silhouette grande et maigre ; et c’était de nouveau à mon tour de raconter une histoire, si bien que malgré l’intimité de notre petit cénacle – la plupart du temps nous étions seuls – j’étais, comme toujours, terriblement gêné ; it’s puzzling work, talking is.

Arno Schmidt, « Histoire racontée sur le dos », Histoires, Tristram, p. 53.

Cécile Carret, 17 nov. 2009
vent

Les piaillements des moineaux coupaient de fines entailles l’enceinte de bruit du trafic. Le vent ramassa dans toutes sortes de détritus un grand gaillard de poussière qui fut obligé de valser (jusqu’à ce qu’une auto vienne l’étirer en longueur et le traîne à mort ; avec son unique papier).

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 131.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
heurté

Elle portait le costume ordinaire des Laponnes, et n’y avait ajouté pour la solennité qu’une coiffe-casque ornée de petites plaques d’argent, derrière laquelle pendait une énorme touffe de rubans de coton tramés de cuivre et d’argent. Les libéralités de sa famille ou de son fiancé lui avaient, en outre, permis d’attacher après elle une quantité de petits fichus de laine ou de coton de fabrique anglaise, choisis des couleurs les plus éclatantes. Tout cela était accroché autour d’elle pêle-mêle, comme à un portemanteau, et ces tons tranchés, ces lambeaux flottants, ce désordre criard et heurté, contribuaient à rendre son costume aussi disgracieux que sa personne.

Chacun se tenait debout et en silence autour de la chaire. Bientôt le ministre arriva. Il lut les versets consacrés, unit les mains des époux, échangea leurs anneaux, puis leur fit en langue laponne une allocution qui dut être touchante, car tout le monde se mit à pleurer à chaudes larmes.

Mon ignorance de la rhétorique laponne ne me permit pas de prendre part à l’émotion générale ; mais en regardant les contorsions de physionomie de tout cet horrible petit monde, j’entrevis à la laideur humaine des horizons variés et infinis que je n’avais même pas soupçonnés jusqu’alors.

Cette partie de la cérémonie achevée, le marié retourna au milieu de ses amis d’un côté de l’église, et la mariée près de ses compagnes de l’autre ; puis toute l’assistance entonna un psaume d’une voix fausse et rauque à faire fuir des ânes.

Léonie d'Aunet, « Lettre V. Les Lapons », Voyage d’une femme au Spitzberg, Hachette, p. 143.

David Farreny, 8 sept. 2011
quinquagénaire

Quinquagénaire, quel mot lent et pesant, et comme articulé déjà à un déambulateur. Je le réfute. Il ne dit rien de moi. […]

Quinquagénaire ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 78.

Cécile Carret, 16 fév. 2014
partager

Le partage final n’est pas entre homos et ceux que ceux-ci appellent hétéros (être un hétéro, c’est être quelqu’un qui accepte que les homos le baptisent, ce qui est tout de même assez gratiné). Il est entre ceux qui demandent l’enfant et ceux qui le refusent. La majorité des homos demandent l’enfant.

Philippe Muray, « 30 juin 1985 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 556.

David Farreny, 3 juin 2015
ajourne

Ajourne toute chose. On ne doit jamais faire aujourd’hui ce qu’on peut aussi bien négliger de faire demain.

Fernando Pessoa, « 147. De l'art de bien rêver », Le livre de l’intranquillité (1), Christian Bourgois.

David Farreny, 10 mai 2024

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