vigne

L’aspect des vignes revêt partout un caractère extrêmement désordonné en raison de la technique de propagation en usage : le marcottage ou provignage. La plantation initiale d’une parcelle s’effectue grâce à des boutures le plus souvent non racinées et plantées dans des trous ou des fossés assez espacés. Ensuite, les ceps sont multipliés par l’enfouissement dans le sol des sarments jugés vigoureux, lesquels sont séparés de la souche-mère après enracinement. On aboutit ainsi à une densité allant de 10 000 à 40 000 ceps à l’hectare. Un tel procédé, comme on peut s’en douter, donne une physionomie très opposée à celle des vignes actuelles bien peignées. Au bout de quelques décennies, même si la plantation initiale est disposée en lignes, le plus grand désordre règne dans la vigne, qui peut même être tout encombrée de bois mort. La conduite est basse, et dans ce cas, la vigne s’appuie sur des échalas, ou bien haute, et alors elle court souvent, à la façon méditerranéenne, d’arbre en arbre. Beaucoup de vignes sont, en effet, complantées d’arbres fruitiers variés, pratique qui nuit évidemment à la qualité de la production, tout comme l’édification de haies arborées entre les parcelles. Dans les vignes-jardins, deux techniques élaborées, probablement héritées de l’Antiquité, sont utilisées : la conduite sur treillage en berceau constituant une allée ombragée et sur treillage en toiture ou pergola recouvrant toute la surface d’une parcelle.

Jean-Robert Pitte, Histoire du paysage français, Tallandier, p. 144.

Guillaume Colnot, 13 sept. 2002
pardi

Que ferait-on si l’on ne devait

exister qu’à ses propres yeux

rien pardi

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 35.

David Farreny, 16 juin 2006
alors

Je me tiens toujours à l’orée

des tournants définitifs

je suis insoucieux du large

et des étoiles des séismes et des holocaustes

j’affronte mon corps en combat singulier

pour des questions de préséance

je ne touche pas aux longues chevelures

je dis « je » pour faire l’Homme

je suis informe alors comme tout le monde

je m’habille.

Jean-Pierre Georges, Où être bien, Le Dé bleu, p. 90.

David Farreny, 11 juin 2008
garder

Deux notes du Livre de mon bord, de Pierre Reverdy :

« C’est un tour de force incroyable de garder au bout de sa plume, après les détours qu’elle doit faire, la saveur de la sensation. »

« Les sensations sont le combustible du néant. Inutile de les noter, de les embaumer. Elles ne ressuscitent, avec leur sève et leur parfum, que lorsqu’elles ressurgissent on ne sait plus d’où, quand on les avait oubliées – qu’elles sont retordues, transformées, adaptées au moment précis où elles doivent être libérées. Non plus pour être exprimées elles-mêmes, mais pour exprimer. »

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 61.

Cécile Carret, 4 mars 2010
marmelade

Lorsque nous entrons à notre tour dans la chambrette, moi et mes lecteurs, moi d’abord, pardon, il le faut bien, je dois vous introduire, elle a déjà déballé tous ses pots et déroule d’une traite son boniment.

Sa marmelade est à la marmelade ce que l’or fin est au fer blanc.

[…]

Sa Sainteté le pape en fait dit-on remplir chaque matin un bassin de marbre cruciforme pour se baigner dedans et le Prince d’Orient a ordonné à son chirurgien personnel de lui ouvrir une deuxième bouche à côté de la première afin de pouvoir en engloutir davantage.

On a vu des prunes, des coings, et même des abricots rouler depuis leur branche dans son chaudron fumant pour en être. On a vu des abeilles fermer boutique après avoir goûté sa marmelade puis s’exiler dans des pays sans fleurs et butiner des cailloux par dépit et mortification.

Sa marmelade en applications quotidiennes guérit les lépreux si bien que c’est à qui leur léchera les aines et le ventre. Sa marmelade change la triste insomnie en aubaine et festin nocturne.

Ta femme est partie, sa marmelade la fera bien vite rappliquer, mais peut-être alors ne souhaiteras-tu plus autant la revoir chez toi. Sa marmelade est une purée de soleil candi, un regret pour les anges, un régal sur huit mètres pour l’intestin. Ah ! Dieu savait où il voulait en venir en créant le monde.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 32.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
long

Pourquoi l’océan me fait-il penser à ces plaines de Bessarabie,

on y marchait longtemps et c’était long la vie.

Steppe ! ce fond de mer agaçait les narines

l’œil de la terre s’ouvrait sous les paupières marines

on avançait sans avancer et on faisait le point.

Notre marche avançait la distance d’autant.

Benjamin Fondane, « Ulysse », Le mal des fantômes, Verdier, p. 26.

David Farreny, 20 juin 2013

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer