fautes

Le vieux Rousseau, notre voisin, dit « Les médecins, la terre cache leurs fautes. »

Henri Thomas, Londres, 1955, Fata Morgana, p. 27.

David Farreny, 13 avr. 2002
tourmenté

Lorsque j’avais six ou sept ans, j’étais constamment tourmenté par un certain genre de cauchemars récurrents dans lesquels une race d’entités monstrueuses (que j’avais surnommées « les Maigres Bêtes de la Nuit » — je suis incapable de me souvenir d’où j’avais bien pu tirer ce nom…) s’attaquaient systématiquement à mon ventre (mauvaise digestion ?) pour m’emporter sur des lieues d’air noir au-dessus d’horribles cités mortes. À chaque fois, elles m’amenaient dans un vide grisâtre au fond duquel j’apercevais les sommets en aiguilles d’énormes montagnes. Puis elles me laissaient tomber… et, alors que j’étais entraîné dans un plongeon digne d’Icare, je me réveillais dans un tel état de panique que la simple idée de me rendormir me remplissait de terreur. Les « Maigres Bêtes de la Nuit » étaient des choses noires, fines et caoutchouteuses, affublées de cornes, de queues barbelées, d’ailes de chauves-souris, et totalement dépouvues de visage. De toute évidence, ces visions étaient la conséquence embrouillé des dessins de Doré (en particulier ceux illustrant Le Paradis perdu) qui me fascinaient tant lorsque j’étais éveillé. Ces choses ne parlaient pas et la seule véritable torture qu’elles m’infligeaient était l’habitude qu’elles avaient de me chatouiller l’estomac (toujours cette histoire de digestion) avant de m’emporter et de plonger en piqué avec moi. J’avais le vague sentiment qu’elles vivaient dans de noirs terriers criblant le sommet d’une haute montagne située dans un endroit inconnu. Il me semblait qu’elles arrivaient toujours par groupe de vingt-cinq ou de cinquante et qu’elles se repassaient ma personne de l’une à l’autre. Nuit après nuit, je revivais la même horreur avec quelques rares variantes sans importance… mais jamais il ne m’arriva de percuter les pics hideux avant de me réveiller.

Howard Phillips Lovecraft, Correspondance.

Guillaume Colnot, 17 juil. 2002
délibérer

Ce que je veux dire, c’est qu’ils étaient hommes, et femmes, à délibérer en compagnie de la douleur, à la tenir, comme le reste, en respect.

Pierre Bergounioux, Miette, Gallimard, p. 29.

Élisabeth Mazeron, 6 oct. 2004
a

Il se leva, fit un salut et chanta :

Quand on n’a pas ce que l’on aime

Il faut aimer ce que l’on a.

Il fit un salut et se rassit.

Witold Gombrowicz, Cosmos, Denoël, p. 167.

Cécile Carret, 11 déc. 2007
gravifique

On n’est pas fait pour les dévers. On n’a pas l’organisation penchée qui permettrait de compenser la fuite du sol, l’allure dissymétrique du dahu. Lorsqu’on ne s’échine pas à surmonter la limitation que la hauteur a partout dressée, c’est en bas, dans la combe, qu’on a sa place naturelle. Tout y ramène, le relief et la vertu gravifique, l’espace plus ou moins découvert, l’eau, la lumière qu’on trouve à l’état pur, et non pas en décoction, pleines d’ombre et de terre, d’herbe et de branchages. C’est dans la verticale que s’inscrit l’axe directeur de l’expérience, en bas que se concentrent ses occasions et ses objets, qu’elle a son penchant.

Pierre Bergounioux, Le chevron, Verdier, p. 12.

Élisabeth Mazeron, 3 mars 2008
satisfaction

J’ai étendu aux insectes, qui mènent une vie mystérieuse et braillante, sous l’écorce, la nuit, l’attention passionnée, atavique, sans doute, que m’inspiraient les hôtes écailleux de l’humide élément. Telle serait ma contribution affirmative au pays natal. Elle en garde le pli. Ce qu’il contenait d’attirant n’était accessible qu’après une épisode déplaisant, plein de dégoût. Ce que j’obtenais n’était jamais exempt de l’hostilité foncière, du refus auxquels se heurtaient les aspirations les plus humbles, comprendre un peu, posséder quelque chose de beau ou de bon, connaître quelque satisfaction.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, pp. 92-93.

Élisabeth Mazeron, 31 mai 2010
volume

Cependant, tel le beau poisson qui scintille parfois dans le courant d’une rivière aux eaux sales et troubles à la sortie des usines, brille de temps en temps dans ce flot de vieux papiers le dos d’un volume précieux ; ébloui, je regarde un moment ailleurs puis je le repêche, je l’essuie à mon tablier, je l’ouvre, je hume le parfum de son texte, je concentre mon regard sur la première phrase et la lis telle une prédiction homérique, et ce n’est qu’après ça que je dépose le livre au sein de mes autres belles trouvailles, dans une caisse tapissée d’images saintes jetées par erreur dans ma cave avec des livres de prières.

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, p. 13.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
bastions

Je mourrai probablement silencieux, entouré de silence, presque dans la paix et j’envisage cette fin avec sérénité. Comme par méchanceté, le destin nous a donné en partage à nous autres chiens un cœur d’une admirable vigueur, un poumon qu’on ne peut user avant l’heure ; nous résistons à toutes les questions, même aux nôtres. Des bastions de silence, voilà ce que nous sommes.

Franz Kafka, « Les recherches d’un chien », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 688.

David Farreny, 27 déc. 2011
devenir

Tiens ? Il y a longtemps que je n’ai pas vu dans le quartier cette très vieille femme incroyablement maigre et boiteuse qui toussait tout le temps. Qu’a-t-elle bien pu devenir ?

Éric Chevillard, « mardi 13 décembre 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 24 fév. 2024
quelqu'un

En somme, il n’y a que moi qui ne suis pas à la recherche d’une solution qui serait quelqu’un.

Philippe Muray, « 28 août 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 177.

David Farreny, 29 fév. 2024

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