volumes

La peau des bêtes est douce aux dos des volumes de la pensée humaine.

Louis Calaferte, Septentrion, Denoël, p. 76.

David Farreny, 24 mars 2002
objets

Adomnan raconte que saint Columba d’Iona, qui s’appelle encore Columbkill, Columbkill le Loup, de la tribu des O’Neill du Nord par son aïeul Niall des Neuf Otages, est dans sa jeunesse un homme brutal. Il aime avec violence Dieu, la guerre, et les petits objets fastueux. Il a grandi dans un berceau d’airain, c’est un homme d’épée. Il sert sous Diarmait, et sous Dieu : Diarmait roi de Tara, qui peut compter sur son épée pour des razzias en mer d’Irlande, des maraudes de bœufs, des festins crapuleux qui tournent au massacre ; et Dieu, roi de ce monde et de l’autre, qui peut compter sur son épée pour convaincre les sectateurs du moine Pélage, qui nient la Grâce, que la Grâce foudroyante pèse son poids de fer.

Pierre Michon, « Tristesse de Columbkill », Mythologies d’hiver, Verdier, p. 21.

David Farreny, 2 juin 2002
manques

— La beauté ? C’est ce qui me fait défaut, lui dis-je.

— C’est plutôt ce à quoi tu manques.

Richard Millet, L’amour mendiant, La Table ronde, p. 87.

David Farreny, 5 déc. 2007
évidence

C’est pourquoi personne ne résiste. Happés avec douceur, mais happés irrésistiblement, ils glissent vers la chaude ouverture. L’idée de résistance ne s’offre pas véritablement à eux. Ils se laissent faire, saisis par l’évidence.

Henri Michaux, « La vie dans les plis », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 162.

David Farreny, 4 mars 2008
discerner

Malgré ce risque, ils procédaient de la même façon, allaient parmi les tristes, approfondissaient leur connaissance du désespoir, savaient peu à peu discerner le chagrin passager de la peine établie, la brouille du divorce, l’amer du quitté, la larme des pleurs, délaissaient les statues et traînaient dans les cafés, les jardins publics et les musées de peintres mineurs.

Le métro.

Alain Sevestre, Les tristes, Gallimard, p. 169.

Cécile Carret, 10 déc. 2009
convaincre

Allée des orangers : les cloches dans la nuit lancent un petit espoir de convaincre, tellement dissous qu’il atteint toujours le cœur de la cible.

Gérard Pesson, « dimanche 5 janvier 1992 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 51.

David Farreny, 22 mars 2010
mais

De l’utilisation du mais. Ennio Flaiano rencontre dans la rue, un jour de 1946, le peintre Mino Maccari, sombre et attristé, qui lui confie : Ho pocho idee, ma confuse — “j’ai peu d’idées, mais confuses”.

Gérard Pesson, « mardi 4 octobre 1994 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 158.

David Farreny, 27 mars 2010
histoire

Chemin faisant, l’Histoire, avec ses grands et ses petits récits, ses simples bulles de sens et son grand vent, m’a rattrapé, prenant une importance que je n’avais pas prévue tout d’abord. Mais ce qui est venu ainsi à ma rencontre, ce n’est ni l’histoire des manuels ni celle des guides, c’est ce qu’il faudrait appeler une histoire des traces, dont le présent serait l’affleurement. Le présent, en effet, pour peu qu’on le considère avec un peu d’insistance, finit presque toujours par apparaître comme l’espace infini et pourtant sans épaisseur où remontent lentement, comme par le fait d’une résurgence invisible, les traces parfois très lointaines de sa formation. Tandis qu’inversement commencent à descendre et s’enfoncer en lui, puis au-delà de lui, les signaux par lesquels lui parvient ce qui le dissout et le renouvelle. Se tenir aux aguets de ce double mouvement, dans l’étendue d’un paysage qui tantôt l’apaise et tantôt l’accélère, c’est ce que j’aurai essayé de faire, en cherchant à fixer au passage ce que l’on devrait pouvoir appeler l’instantané mobile d’un pays.

Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement. Voyages en France, Seuil, p. 14.

Cécile Carret, 15 déc. 2012
cache

Ce qu’on cache c’est le pareil-que-les-autres. On en fait un secret. Un occulte. Pour camoufler le néant. Les visages sont différents, pas les corps.

Philippe Muray, « 7 janvier 1984 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 409.

David Farreny, 23 août 2015
oubli

Les gens qu’a connus Chamfort sont pour beaucoup dans l’immortalité de son esprit ; peut-être que les imbéciles qui m’environnent seront la cause de mon oubli.

Henri de Régnier, « Le bonheur des autres ne suffit pas », L’égoïste est celui qui ne pense pas à moi, Flammarion, p. 40.

David Farreny, 10 mars 2016

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