temps

Quand rien ne vient, il vient toujours du temps,

du temps,

sans haut ni bas,

du temps,

sur moi,

avec moi,

en moi,

par moi,

passant ses arches en moi qui me ronge et attends.

Le Temps.

Le Temps.

Je m’ausculte avec le Temps.

Je me tâte.

Je me frappe avec le Temps.

Je me séduis, je m’irrite…

Je me trame,

Je me soulève,

Je me transporte,

Je me frappe avec le Temps…

Oiseau-pic.

Oiseau-pic.

Oiseau-pic.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 335.

David Farreny, 12 mars 2008
rejoindre

Tout effort de l’âne pour happer la carotte a pour effet de faire avancer l’attelage tout entier et la carotte elle-même qui demeure toujours à la même distance de l’âne. Ainsi courons-nous après un possible que notre course même fait apparaître, qui n’est rien que notre course et qui se définit par là même comme hors d’atteinte. Nous courons vers nous-mêmes et nous sommes, de ce fait, l’être qui ne peut pas se rejoindre.

Jean-Paul Sartre, « Qualité et quantité, potentialité, ustensilité », L’être et le néant, Gallimard, p. 244.

David Farreny, 20 oct. 2008
temps

les brouillards de la Mer du Nord viennent nous refroidir

alors nous nous levons dans nos corps en attente

et sortons nos crânes pourris de leurs vieilles soupentes

pour les lancer sur le pavé de la ville endormie

il y a dans cet air comme une odeur de brasserie

comme si le fumet des germoirs partout dans la ville

se répandait ce soir pour regonfler nos nerfs débiles

et nous faire entrevoir des plaisirs à n’en plus finir

vers les trois ou quatre heures du matin un pauvre bougre

ira pisser sur ses souliers en regardant comment

la lune étend son sang dans la nuit qui s’entrouvre

au cri perçant du premier merle enroué mais ne ment-

il pas ? est-ce vraiment le jour qui là-bas monte et bouge ?

ah ! quelle horreur ce temps qui tourne inexorablement !

William Cliff, Autobiographie, La Différence, p. 101.

David Farreny, 20 déc. 2009
rêve

Je m’installai là, dans ce rêve, dans cette ville. Il y avait des millions de maisons abandonnées, dont les portes, comme partout ailleurs, avaient servi de bois de chauffage, de sorte qu’il fallait chercher dans les recoins les moins accessibles pour trouver un logis décent. Je m’appropriai un trois-pièces en lisière des dunes rouges. L’existence se poursuivit, elle n’était ni dangereuse ni agréable. On me confia plusieurs activités indécises, des tâches sans queue ni tête, et, pour finir, on m’attribua un emploi stable près des incinérateurs. Je dis on pour donner l’impression qu’une organisation sociale était en place, mais, en réalité, j’étais seul.

Dix mois plus tard, je revis Sophie Gironde.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 193.

Cécile Carret, 3 oct. 2010
siens

Un matin, écoutant la radio par hasard — il ne l’avait pas fait depuis, au bas mot, trois ans — Jed apprit la mort de Frédéric Beigbeder, âgé de soixante et onze ans. Il s’était éteint dans sa résidence de la côte basque, entouré, selon la station, de « l’affection des siens ». Jed le crut sans peine. Il y avait eu en effet chez Beigbeder, pour autant qu’il s’en souvienne, quelque chose qui pouvait susciter l’affection, et, déjà, l’existence de « siens » ; quelque chose qui n’existait pas chez Houellebecq, et chez lui pas davantage : comme une sorte de familiarité avec la vie.

Michel Houellebecq, La carte et le territoire, Flammarion, p. 411.

Guillaume Colnot, 12 oct. 2010
labour

Retour, rebouffe, petit cognac et foncé dans le tas. Parlé dix minutes devant deux cents personnes, puis film. Dix bouquins vendus à l’entracte – dédicacés. Les noms, les noms bizarres qui existent qu’on ne supposerait jamais. De grosses demoiselles les yeux baissés, des types en blouson. Des médecins. Ce qui plaît le plus c’est la steppe. Tout ce public confiant comme des bœufs de labour. Je me couche.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 57.

Cécile Carret, 18 juin 2012
caducité

Ç’aura été un perpétuel sujet d’étonnement et de rumination que la caducité de mes desseins les plus fermes, la ruine de projets longuement mûris.

Pierre Bergounioux, Géologies, Galilée, p. 34.

David Farreny, 7 juin 2013
parfois

La noblesse humaine est l’œuvre que le temps cisèle parfois dans notre ignominie quotidienne.

Nicolás Gómez Dávila, Scolies à un texte implicite, p. 65.

David Farreny, 20 mai 2015
servir

Flamant rose, héron cendré, serait-il donc impossible de se faire servir un échassier à point ?

Éric Chevillard, « vendredi 20 novembre 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 28 fév. 2016

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