algèbre

Il en est de la musique comme des autres arts, y compris la littérature : la forme la plus haute de l’expression artistique est du côté de la littéralité, c’est-à-dire en définitive d’une certaine algèbre : il faut que toute forme tende à l’abstraction, ce qui, on le sait, n’est nullement contraire à la sensualité.

Roland Barthes, « Mythologies », Œuvres complètes (1), Seuil, p. 803.

David Farreny, 5 déc. 2004
nostalgie

Nostalgie de la femme : une nouvelle crise.

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 109.

David Farreny, 24 avr. 2007
entrave

La souffrance n’ajoute rien à la connaissance, pire, elle y soustrait et l’entame, elle ralentit la lucidité et entrave l’intelligence.

Michel Onfray, Esthétique du pôle Nord, Grasset, p. 66.

Élisabeth Mazeron, 1er mai 2007
défaite

On ne cesse d’osciller, dans l’irrésolution la plus critique, entre la position de neutralité attentiste, flirtant avec la tentation de s’abstenir, de faire le mort ou de renoncer purement et simplement, et l’envie d’aller quand même de l’avant, de répondre coûte que coûte à l’appel réitéré, à l’invitation paradoxale de la vie. Mais rarement quelqu’un se trouve là au bon moment, derrière soi, susceptible de comprendre ce dilemme, cette angoisse d’exister, cette défaite en puissance, et de tendre le bras pour une caresse de consolation, un geste réconfortant, un signe qui rompe le délaissement, atténue la déception, restaure un peu de la confiance perdue.

Hubert Voignier, Le débat solitaire, Cheyne, p. 66.

Élisabeth Mazeron, 21 fév. 2008
vérité

Maintenant ma conviction est faite. Ce voyage est une gaffe. Le voyage ne rend pas tant large que mondain, « au courant », gobeur de l’intéressant coté, primé, avec le stupide air de faire partie d’un jury de prix de beauté.

L’air débrouillard aussi. Ne vaut pas mieux. On trouve aussi bien sa vérité en regardant quarante-huit heures une quelconque tapisserie de mur.

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 204.

David Farreny, 12 mars 2008
exigeaient

Entre les toits, les cheminées, à un kilomètre, environ, le faîte des collines coiffées, autrefois, de bosquets, aujourd’hui de pavillons. C’est à ce créneau que je guettais le retour de la belle saison, l’éveil des verdures, rêvais d’escapades. Dix-sept ans de ma vie, la seule, en vérité, dorment d’un sommeil de conte sous ces combles et c’était, cet après-midi, comme s’ils exigeaient de moi que je n’oublie pas qu’ils avaient été, que des questions se posaient en termes de vie ou de mort, déjà, auxquelles j’avais répondu comme je pouvais, tant mal que bien, avec les moyens du bord.

Pierre Bergounioux, « vendredi 31 décembre 1982 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 176.

Élisabeth Mazeron, 28 sept. 2008
transparence

Ainsi la métaphore, dès lors qu’elle s’impose en usage, se mue en cliché, en stéréotype qui est la glu de la langue ; le stéréotype colle les mots à leur signification courante dans une expression repliée sur elle-même, il les entrave au point qu’on ne les entend plus, réduits qu’ils sont à la transparence de spectres sonores. Ce mouvement mortifère nie du même coup toute possibilité concrète d’existence dans les représentations collectives autant qu’individuelles de l’émotion particulière que le cliché prétendait exprimer mais qu’il enferme dans cette camisole de l’expression : la transparence des mots qu’il provoque entraîne de facto la transparence de ce qu’ils signifient, et en premier lieu l’émotion, au seul profit de l’ordre collectif, qui raffole des émotions, mais ne les tolère que dirigées et programmées (qu’elles soient religieuses, nationalistes ou médiatiques).

Bertrand Leclair, Théorie de la déroute, Verticales, p. 19.

Cécile Carret, 26 août 2009
lové

Enfin je suis chez moi, dans la pénombre, assis sur une chaise, la tête pendante, je sens mes lèvres humides effleurer mes genoux, ce n’est qu’ainsi que je peux faire la sieste. Quelquefois je reste là, enroulé sur moi-même jusqu’à minuit, je me réveille, je lève la tête, à l’endroit des genoux mon pantalon est trempé de salive tant j’étais replié, lové sur moi-même, comme un petit chat l’hiver, comme le bois d’un rocking-chair ; je peux m’offrir le luxe de m’abandonner car je ne suis jamais vraiment abandonné, je suis simplement seul pour pouvoir vivre dans une solitude peuplée de pensées, je suis un peu le Don Quichotte de l’infini et de l’éternité, et l’infini et l’éternité ont sans doute un faible pour les gens comme moi.

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, p. 18.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
cerisier

Voici un cerisier sur leur chemin et ses mille têtes réduites d’apoplectiques suspendues aux branches par leur dernier cheveu, le sang presque noir déjà affleurant et comme pulsant sous le fin tégument de leur peau tendue, luisante, et qui semblent appeler la dent du carnassier plus que le bec du sansonnet.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 70.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
autrui

C’est incontestable, on a parfois besoin d’autrui. Je n’aurais jamais réussi à m’ennuyer comme ça tout seul.

Éric Chevillard, « mardi 21 mai 2013 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 21 mai 2013
s’identifiant

Mais cette amitié ne durait que le temps de la partie ; quand elle prenait fin, chacun, sans rien faire, s’écartait de l’autre, et ceux qui rentraient chez eux étaient redevenus solitaires, simples voisins, connaissances éloignées, villageois s’identifiant surtout les uns les autres à leurs faiblesses et bizarreries respectives : le coureur de jupons, l’avare, le somnambule.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 67.

Cécile Carret, 4 août 2013

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer