diables

aller chez les grossistes pour retrouver ce plaisir

sucre lourd comme du ciment

papier vendu au kilo et porté par des diables

Michel Besnier, Un lièvre en son gîte, Folle Avoine, p. 38.

David Farreny, 13 avr. 2002
infra

Mais toute ma vie sentimentale est dans l’infra. C’est une vie infra-sentimentale, peut-être même une infra-vie. Plus rien n’y a de substance. Rien n’y affleure au réel. J’embarrasse mon imagination et mon cœur, des jours durant, d’histoires qui auraient occupé deux minutes de mon attention il y a vingt ans — et qui ne sont même pas des histoires : infimes tropismes de l’amour, dans le néant sentimental des jours (et des années, et des années ; car ce sont les années qui passent, sans qu’il arrive rien d’autre, entre ces steppes désolées, que les frémissements d’herbe du désir).

Renaud Camus, « jeudi 24 octobre 1996 », Les nuits de l’âme. Journal 1996, Fayard, p. 230.

Élisabeth Mazeron, 5 fév. 2004
entière

Tout avait vieilli en même temps qu’elle : tout mourrait avec elle ; et ce qui lui survivrait n’était qu’un monde décoloré, aussi imprécis que celui qu’elle n’avait pas connu. Elle ne croyait pas à une résurrection après la mort : et pas davantage à celle du passé dans le souvenir. Ce qui était disparu l’était sans retour, son image pâlissait, puis s’éteignait à son tour définitivement, au point qu’on en arrivait même à douter que cela eût existé vraiment. Elle était tout entière au temps qui passe, et n’y pensait jamais.

Danièle Sallenave, Un printemps froid, P.O.L., p. 249.

Élisabeth Mazeron, 26 fév. 2007
règle

Les premières journées d’un séjour en un lieu nouveau ont un cours jeune, c’est-à-dire robuste et ample — ce sont environ six à huit jours. Mais ensuite, dans la mesure même où l’on « s’acclimate », on commence à les sentir s’abréger ; quiconque tient à la vie, ou, pour dire mieux, quiconque voudrait tenir à la vie, remarque avec effroi combien les jours commencent à devenir légers et furtifs ; et la dernière semaine — sur quatre, par exemple — est d’une rapidité et d’une fugacité inquiétantes. Il est vrai que le rajeunissement de notre conscience du temps se fait sentir au-delà de cette période intercalée, et joue son rôle, encore après que l’on est revenu à la règle : les premiers jours que nous passons chez nous, après ce changement, paraissent, eux aussi, neufs, amples et jeunes, mais quelques-uns seulement : car on s’habitue plus vite à la règle qu’à son interruption, et lorsque notre sens de la durée est fatigué par l’âge, ou — signe de faiblesse congénitale — n’a pas été très développé, il s’assoupit très rapidement, et au bout de vingt-quatre heures déjà, c’est comme si l’on n’était jamais parti et que le voyage n’eût été que le songe d’une nuit.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, pp. 121-122.

David Farreny, 3 juin 2007
couvercle

Nous sommes d’entre les morts, Marie-Louise et moi, à ceci près que je suis encore vivant et elle déjà morte — à moins que ce ne soit le contraire ; un épisode m’aurait alors échappé, mais ce ne serait pas le premier. Le couvercle est bien refermé. Nous sommes absolument seuls. Et je goûte, pour la première fois de ma vie, la désolation d’un vrai silence de mort.

Mathieu Riboulet, Mère Biscuit, Maurice Nadeau, p. 13.

Élisabeth Mazeron, 31 oct. 2007
remodelées

Nous roulons protégés dans l’égale lumière

Au milieu de collines remodelées par l’homme

Et le train vient d’atteindre sa vitesse de croisière

Nous roulons dans le calme, dans un wagon Alsthom,

Dans la géométrie des parcelles de la terre,

Nous roulons protégés par les cristaux liquides

Par les cloisons parfaites, par le métal, le verre,

Nous roulons lentement et nous rêvons du vide.

Michel Houellebecq, Renaissance, Flammarion, p. 62.

David Farreny, 3 juin 2010
par-dessus

Plus que des colères. Plus que des rancœurs. Plus que des haines. Plus que des amertumes. Le silence froid de l’indifférence l’accable, l’accompagne.

Le vaste ciel par-dessus venu des campagnes. Plein d’exubérance. À tort et à travers. Juvénile et neuf. Éclatant de fraîcheur. Car c’est la saison. Le calendrier tourne la page de l’hiver. Il fait ses affaires de calendrier.

Hélène Bessette, La tour, Léo Scheer, p. 180.

Cécile Carret, 10 oct. 2010
première

Il arrive qu’avant de plonger dans une eau glacée, on tente de se convaincre que le plaisir résidera tout entier dans ce froid, et qu’ensuite, en nageant, tout à la fois on se réchauffe et sente l’eau glaciale, hostile ; de même, après tant d’effort pour transmuer la misère du bureau en une valeur précieuse, Amerigo en était venu à reconnaître que sa première impression – la froideur rébarbative de la salle – était la bonne.

Italo Calvino, La journée d’un scrutateur, Seuil, p. 21.

Cécile Carret, 7 janv. 2012
super-cultivé

Nous arrivons vers 6 heures ; le théâtre est fermé ; pas une affiche ; je vais chercher le représentant, un gros homme à tête de sanglier qui me dit :

« Vous mangez avec nous ?

– Oui, c’est-à-dire…

– Ah ! vot’dam est là ? »

Il fait demi-tour avec une grande agilité pour prévenir quelqu’un dans la maison. Se révèle être ensuite un super-cultivé : ancien assistant au musée de l’Homme, ex-Patagon, ex-Lapon, ex-Congolais – et la maison aux apparences miteuses est pleine de trésors. Sa femme, frêle, gracieuse, fendue en deux par un immense sourire, a aussi ses activités ; elle va dans toutes les grottes de Bretagne baguer des chauves-souris pour le compte du même musée. Bonne soirée. On parle jusqu’à 1 heure.

« Que font les Patagons avec leurs morts ?

– Ils les balancent au jus. »

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 71.

Cécile Carret, 18 juin 2012
trottinette

Que fait ce galopin sur une trottinette ?

Éric Chevillard, « vendredi 15 janvier 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 7 mars 2016
devenir

Tiens ? Il y a longtemps que je n’ai pas vu dans le quartier cette très vieille femme incroyablement maigre et boiteuse qui toussait tout le temps. Qu’a-t-elle bien pu devenir ?

Éric Chevillard, « mardi 13 décembre 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 24 fév. 2024

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