figure

Beaucoup souhaitent léguer à la postérité, à défaut d’une œuvre, leur propre figure.

Simone de Beauvoir, Pour une morale de l’ambiguïté, Gallimard, p. 90.

David Farreny, 21 mars 2002
tête

Napoléon, dans sa conviction que le bien n’était pas ce qui était bien mais ce qui lui passait par la tête, écrivit à Koutouzov les premiers mots qui lui étaient venus à l’esprit et qui n’avaient aucun sens.

Léon Tolstoï, La guerre et la paix (2), Hazan, p. 451.

Guillaume Colnot, 28 mars 2002
voire

Le règne du Même provoque en eux le culte exacerbé des qualités intimes, voire factices, qui les font être autres.

Alain Finkielkraut, L’ingratitude, Gallimard, p. 90.

David Farreny, 6 juin 2004
rompre

À un certain degré de détachement ou de clairvoyance, l’histoire n’a plus cours, l’homme même cesse de compter : rompre avec les apparences, c’est vaincre l’action et les illusions qui en découlent. Quand on s’appesantit sur la misère essentielle des êtres, on ne s’arrête pas à celle qui résulte des inégalités sociales, ni on ne s’efforce d’y remédier.

Emil Cioran, Essai sur la pensée réactionnaire, Fata Morgana, p. 34.

Guillaume Colnot, 11 juin 2004
dilatoires

Et moi qui n’ai pas

une seule cellule imaginative

incroyable l’invention diabolique

que je déploie

en manœuvres dilatoires

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 67.

Élisabeth Mazeron, 23 juin 2006
gauche

Celui qui est le gauche de moi, qui jamais en ma vie n’a été le premier, qui toujours vécut en repli, et à présent seul me reste, ce placide, je ne cessais de tourner autour, ne finissant pas de l’observer avec surprise, moi, frère de Moi. Et toujours alentour, le paysage gelé, qui ne pouvait se ranimer, endormi dont je ne me serais jamais douté que c’était moi qui l’animais tellement, même lorsque j’étais, ainsi qu’il m’arrive, las et défait.

Comme on se trompe ! On se trompe toujours !

Henri Michaux, « Face à ce qui se dérobe », Œuvres complètes (3), Gallimard, pp. 858-859.

David Farreny, 5 juil. 2006
aimer

N’oubliez jamais que je suis à la solitude, que je ne dois avoir besoin de personne, que même toute ma force naît de ce détachement, et je vous assure, Mimi, je supplie ceux qui m’aiment d’aimer ma solitude, sans cela je devrai me cacher même à leurs yeux, à leurs mains comme un animal sauvage se cache à la poursuite de ses ennemis.

Rainer Maria Rilke, « 11 mai 1910 », Lettres à une amie vénitienne, Gallimard, p. 64.

David Farreny, 30 janv. 2007
empoignades

On n’a pas expugné une chimère qu’un troupeau, que mille se bousculent pour prendre sa place. On n’a jamais eu autant de souci qu’au moment d’embrasser un parfait repos. Il faut disputer avec tous les échos de la mauvaise part, opposer qu’il n’est pas plus déraisonnable de ne plus bouger que de faire le contraire, qu’il n’y a rien de criminel à préférer un goût de sève aux âcretés de la cendre et du sang, qu’il n’est pas moins légitime d’y sacrifier qu’à quoi que ce soit d’autre dont elles proclament l’importance.

Un tiers, un promeneur attardé rentrant par les bois et me découvrant le dos à un tronc, les jambes aux corps, les bras enserrant les genoux n’aurait jamais soupçonné de quelles empoignades féroces l’inertie de souche qu’il constatait était le fruit. Peut-être s’en serait-il douté en me voyant frémir, prendre appui dans l’humus, les feuilles sèches, esquisser le mouvement de me lever, lorsqu’une injonction péremptoire, inattendue, me touchait.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 70.

Élisabeth Mazeron, 14 juin 2010
pointe

Je continue de vider les bibliothèques du sous-sol, de mettre en caisse des livres que je ne lirai plus et cette occupation s’accompagne de pensées funèbres. Je remue les années mortes, fais lever des fantômes. Les moments écoulés, quoiqu’on les ait vécus avec toute l’intensité dont on était capable et comme à la pointe de soi, deviennent, à la lumière des suivants, une approximation malheureuse dont le souvenir afflige. On n’est pas. On devient. On n’arrivera pas. On meurt en chemin.

Pierre Bergounioux, « lundi 4 août 2003 », Carnet de notes (2001-2010), Verdier, p. 399.

David Farreny, 26 janv. 2012
tous

Je me souviens aussi de ce slogan : « Seul un enfant qui vient de naître est pur. » Qui donc est pur ? Le nourrisson qui cherche le sein de sa mère ? Le petit garçon au visage flou, à sa droite, qui regarde le photographe ? Ou le jeune homme qui entre dans la salle de banquet ? Ce jeune homme souriant marche vers nous. Son nom de guerre est Duch. Nous étions tous impurs et nous l’avons payé.

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 89.

Cécile Carret, 7 fév. 2012
lessives

Paysage ravissant parcouru de canaux innombrables, surélevés et invisibles. Des voiliers en régate ou de grosses barques de pêche y naviguent. Leurs coques sont cachées par les talus latéraux, on aperçoit les voiles rouges, noires et blanches qui passent en plein champ à mi-hauteur des arbres et des clochers et décorent les prés comme d’immenses lessives.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 39.

Cécile Carret, 17 juin 2012

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