inlassable

Comme il y a un style mescaline, il y a des couleurs de la Mescaline. À qui en a pris, vous pouvez les montrer dans la réalité. Elles seront reconnues. (Non toujours celles-là, mais celles qui auront le même air de famille.)

Les criardes d’abord. Des rouges stridents passent près de verts absolus. C’est un drame optique. Les écœurantes ensuite. Des pierreries en quantité, visiblement fausses, sont l’inlassable cadeau.

Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 672.

David Farreny, 4 mars 2008
interroger

Quand je n’ai pas dormi, je pose des questions à tort et à travers. J’en poserais indéfiniment : ne pas dormir c’est interroger ; si on connaissait la réponse, on dormirait.

Franz Kafka, Lettres à Milena, Gallimard, p. 139.

David Farreny, 4 mars 2008
voix

Une voix humaine qui ne soit pas psittacisme, aussi rare que le bruit d’une averse au Tanezrouft.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 45.

David Farreny, 17 juin 2009
auget

Devant l’étagère à livres. Je m’en sortis un dont la couverture illuminait à peu près convenablement ma face ; dos de cuir vert foncé avec étiquette vert clair : “J.A.E. Schmidt, Manuel de la langue française, 1855”. Je l’ouvris au hasard page 33 : “Auget = petit canal de planche où l’on enferme le saucisson de poudre” – je me pinçai la cuisse pour m’assurer de mon existence : saucisson de poudre ? ? ! ! (et de toute ma vie, cet “auget” je ne l’oublierai plus ; c’est une punition que d’avoir une mémoire en acier trempé !).

Arno Schmidt, « Un météore en été », Histoires, Tristram, p. 84.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
société

En s’employant par la représentation de la culture à « faire revivre ce qu’il y a de grand dans les morts et dans les grands morts » selon la belle formule d’Alain, l’école niait l’évidence, c’est-à-dire l’identification de l’humanité avec la société visible, vivante et tourbillonnante.

Cette laïcité est hors d’usage. Cette représentation a sombré dans l’anachronisme. Ce qui est désormais tenu pour laïque, c’est la désacralisation de la vie de l’esprit et la détermination par nous tous des contenus de la culture. À l’instar du dictionnaire, l’école se rend donc à l’évidence. Là comme ailleurs, l’humanité et la société ne font plus qu’un.

Alain Finkielkraut, « L’adieu laïque au principe de laïcité », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 20.

David Farreny, 25 janv. 2010
compagne

Je me suis réveillée en sursaut. La lune tremblait à travers le grillage qui obture la fenêtre, elle était ronde et petite, d’un ivoire sordide, elle avait la fièvre, elle ne cessait de frissonner bizarrement. C’est aussi que j’ai une maladie qui affecte ma vision nocturne. J’ouvre les yeux, et, dans les images que je reçois, les taches lumineuses dérivent ou s’agitent. Aucun bruit humain ne rôdait ailleurs dans le bâtiment, ma respiration n’avait pas de compagne.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 198.

Cécile Carret, 3 oct. 2010
ordres

En route, en route, nous chevauchions à travers la nuit. Elle était sombre, sans lune ni étoiles, plus sombre encore que ne le sont habituellement les nuits sans lune ni étoiles. Nous avions une mission importante, le chef portait sur lui des ordres dans une enveloppe scellée. Inquiets à l’idée que nous pourrions le perdre, l’un de nous allait de temps à autre devant pour le toucher et s’assurer qu’il était toujours là. Une fois, juste comme j’allais voir moi-même, le chef n’y était plus. Nous ne fûmes pas trop effrayés, c’est bien ce que nous avions craint tout le temps. Nous décidâmes de rebrousser chemin.

Franz Kafka, « En route, en route… », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 568.

David Farreny, 17 déc. 2011
vérité

Si cela était vrai, que gagnerions-nous à la fin ? Rien qu’une vérité nouvelle. Nous avons déjà assez d’anciennes vérités à digérer, et même celles-là, nous ne serions tout bonnement point capables de les supporter, si nous ne les rehaussions parfois du goût des mensonges.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 252.

David Farreny, 17 déc. 2014
patiemment

C’est à se demander parfois si les objets immuables qui nous entourent, accrochés à nos murs ou posés sur nos étagères depuis des années, n’attendent pas là patiemment qu’on crève.

Éric Chevillard, « mardi 18 octobre 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 23 fév. 2024

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