matière

M. Crawley avait apporté ses soins et ses consolations à cette femme délaissée sur son lit de souffrance ; et elle avait quitté le monde, raffermie par ses pieuses exhortations. Depuis bien des années, il était seul à lui témoigner des égards et des attentions. Telle était dès longtemps l’unique consolation de cette âme faible et abandonnée. La matière chez elle avait longtemps survécu à l’esprit.

William Makepeace Thackeray, La foire aux vanités (1), P.O.L., p. 207.

David Farreny, 22 mars 2002
slow

Le slow qui tue est une machine logique à décollage vertical.

Pascal Comelade, Écrits monophoniques submergés.

David Farreny, 24 mars 2002
explication

Aucune réalité. Seulement leur pirioréalité, leur loloréalité, qui en est une tout à fait fausse, toute morlofausse. Par une extension maligne arriver à englober et diluer et dénaturer le monde entier qui désormais échappe et trompe, voilà leur consigne, qu’ils appliquent. « Applique et complique. »

Sans doute beaucoup d’hommes de par le monde, justement révoltés, s’agitent. De grandes opérations de soulèvement et de révolutions ont lieu en mainte région du globe, mais (étrange tout de même) après quelque temps elles avortent toutes immanquablement et le statu quo ante se rétablit, mystérieusement. Une explication dès lors s’impose. Ce n’étaient que des piriorévolutions sans rien de réel, pirio, piriopolitique. Et tout continue comme par-devant.

Henri Michaux, « Vents et poussières », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 205.

David Farreny, 9 nov. 2005
dilemme

Dilemme : le fusil ou le travail.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 24.

David Farreny, 19 nov. 2006
jeu

Nous nous sommes regardés un certain nombre de fois, par petits coups, ce que j’appelais alors des regards en point d’interrogation. Je jouais volontiers à ce jeu-là. Cela marche ou cela ne marche pas.

Cela a marché. Après quelques minutes, elle n’a pu s’empêcher de rire.

— Vous êtes drôle. Qu’est-ce que vous me voulez ?

— Je ne sais pas encore.

Georges Simenon, L’homme au petit chien, Presses de la Cité.

Cécile Carret, 11 mars 2007
offusque

Je soude un assortiment de nageoires sur une large ellipse de métal que je décape ensuite, à la meuleuse. Cela prend du temps et me fatigue. À la fin, j’ai les bras qui fléchissent sous le poids de l’outil que je brandis dans toutes les positions pour retirer jusqu’aux moindres traces de rouille. En fin de matinée, j’attaque un drapé de nouveau type. Au cône de tôle, j’ajoute de courtes sections obliques de tube, en guise de manches courtes. Les bras, tombants, s’écartent légèrement du corps et donnent au personnage une attitude d’élan arrêté, d’expectative. J’ai abusé de mes forces, ces trois derniers jours. À midi, je suis épuisé et le resterai jusqu’au soir. Amère expérience, que j’ai déjà faite. L’âme devance le corps, poursuit follement ses desseins, caresse mille chimères tandis que son pesant compère s’efforce de la suivre à pas pesants, trébuche et s’effondre. La nourriture ne m’a pas rendu de forces ni la demi-heure de sommeil que j’ai prise. La réalité, dans ces moments d’asthénie complète, m’offusque littéralement. Je constate, effaré, morne, que les choses sont, les plus infimes, surtout, grains de sable, brins d’herbe, débris infinitésimaux, poussière, sans doute parce que je suis à ce point vidé de ressort que je ne serais même pas capable de les faire bouger.

Pierre Bergounioux, « mercredi 10 juillet 1991 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 62.

David Farreny, 20 nov. 2007
obstacle

Dans l’allée, dans le sable ensoleillé, au pied d’un if, le plus sombre, une colonne de fourmis noires. Avec un petit seau d’eau, un seau à sable de plage, et de l’eau prise dans la cour, à la fontaine, l’obstacle d’une flaque jetée par les jumeaux interrompait les lignes militaires de transport des fourmis. La flaque d’eau, un véritable lac pour les insectes, troublait l’affairement des fourmis transporteuses de graines, les fourmis des régiments d’un « génie fourmilier », pontonnières en brindilles. Il y avait un mouvement perpétuel de circulation fourmilière dans les deux sens. Croisements, mots de passe, reconnaissance d’antennes ; concentrations, coagulations noires autour d’une énorme guêpe morte, comme des Lilliputiens autour du géant entravé, Gulliver.

Jacques Roubaud, Parc sauvage, Seuil, p. 59.

Cécile Carret, 22 janv. 2008
vérification

Accueillir les contradictions à cette idée que la vie ne serait que la vérification.

Gérard Pesson, « lundi 8 juillet 1991 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 28.

David Farreny, 22 mars 2010
éteignoir

car on est prisonnier de la vie du corps. si le corps s’éteint, et il s’éteint progressivement dans la vie, le corps est un éteignoir pour la vie.

Charles Pennequin, « Le harcèlement textuel », Pamphlet contre la mort, P.O.L., p. 103.

David Farreny, 11 fév. 2014

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