fièvre

Qu’était-ce donc que la vie ? Elle était chaleur, chaleur produite par un phénomène sans substance propre qui conservait la forme ; elle était une fièvre de la matière qui accompagnait le processus de la décomposition et de la recomposition incessantes de molécules d’albumine d’une structure infiniment compliquée et infiniment ingénieuse. Elle était l’être de ce qui en réalité ne peut être, de ce qui oscille en un doux et douloureux suspens sur la limite de l’être, dans ce processus continu et fiévreux de la décomposition et du renouvellement.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, pp. 316-317.

David Farreny, 3 juin 2007
langage

Mes sentiments dépendent du langage que je choisis.

Renaud Camus, « vendredi 16 avril 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 115.

David Farreny, 17 août 2007
épigones

C’est aussi la raison pour laquelle les épigones rassurent, et ont souvent plus de succès que les écrivains qu’ils en viennent à imiter (la raison pour laquelle le public, à l’image des critiques, préfère Naissance des fantômes de Marie Darrieussecq à La sorcière de Marie NDiaye, ou encore fait un triomphe aux pièces de Yasmina Reza quand celle-ci a su transposer dans le monde du divertissement stérile les innovations dramatiques de Nathalie Sarraute) : ce n’est pas que ces épigones soient intrinsèquement moins difficiles à lire, c’est qu’ils sont infiniment moins inquiétants au regard du tissu de nos certitudes et de nos habitudes – quand ce tissu, chez les plupart des « lecteurs » ou plus exactement des consommateurs de livres, a acquis au fil des ans la rigidité amidonnée du linceul, cette rigidité qui leur fait trouver Nietzsche difficile, quand sa langue coule comme le miel jusqu’en sa traduction, et Philippe Labro facile, quand il est illisible à force de piéger le sens dans le marais inextricable des clichés les plus remâchés.

Bertrand Leclair, Théorie de la déroute, Verticales, p. 21.

Cécile Carret, 26 août 2009
honte

Moralité : ce n’est plus le sentiment de supériorité religieuse, raciale ou nationale qui, sous nos latitudes, fait les antisémites, c’est la honte, la contrition, une mémoire en forme de casier judiciaire et le remords d’appartenir au camp des oppresseurs. Ainsi s’égare la mauvaise conscience ; ainsi bascule dans la monstruosité cette aptitude à se mettre soi-même en question qui a longtemps constitué le meilleur de l’Occident, son trait distinctif et sa principale force spirituelle.

Alain Finkielkraut, « Au pays du progressisme déconcertant », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 235.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
déférence

Souvent, le soir, j’allais passer quelques heures agréables chez [mes petites élèves] ; leurs parents (le fermier et sa femme) me comblaient d’attentions. C’était une joie pour moi d’accepter leur simple hospitalité et de la payer par une considération et un respect scrupuleux pour leurs sentiments, respect auquel on ne les avait peut-être pas toujours accoutumés, et qui les charmait et leur faisait du bien, parce qu’étant ainsi élevés à leurs propres yeux, ils voulaient se rendre dignes de la déférence qu’on leur témoignait.

Charlotte Brontë, Jane Eyre ou les mémoires d’une institutrice, FeedBooks.

Cécile Carret, 11 nov. 2011
manquer

Autrefois, c’était la présence de désirs sexuels qui m’empêchait de m’exprimer librement devant les personnes dont je venais de faire la connaissance ; ce qui m’en empêche maintenant, c’est que je suis conscient d’en manquer.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 175.

David Farreny, 13 oct. 2012
soleil

Nous n’avions point de chevaux, il a fallu attendre plusieurs heures dans cette cabane, la dernière avant le passage des montagnes ; elle ne renfermait qu’un vieillard ivre qui ne comprenait rien à mes demandes de chevaux et de charrettes, et dont l’idée fixe était de me faire prendre de son tabac dans son horrible tabatière. Je suis sorti pour échapper à cette hospitalité ; je me suis assis devant un chalet sur quelques peaux qui se trouvaient là ; en face de moi, un torrent tombait d’un immense escarpement, une clochette retentissait au loin ; à quelque distance, des vaches ruminaient, couchées sur la mousse mouillée. Il faisait humide et froid, il pleuvait sur les montagnes. Au bout d’une longue vallée, pleine de maigres sapins, s’élevaient des cimes nues ; le soleil les éclairait-il ? Ou seulement leur couleur était-elle un peu plus pâle que celle des cimes environnantes ? J’ai douté longtemps. Je me suis demandé quelle heure il pouvait être, je n’en avais aucune idée, nous avions depuis le matin été témoins de la même désolation, et nul souvenir distinct et varié ne pouvait marquer pour nous les instants ; d’ailleurs ces jours brumeux se confondent avec le crépuscule. J’ai regardé à ma montre, il était six heures. Je n’ai pu m’empêcher de penser tout à coup à Naples et de me dire : « C’est l’heure du Corso ; à présent, les voitures roulent au bord de la mer, sur cette belle plage où est Chiaja ; la gaieté du soir commence à faire retentir Sainte-Lucie, le Vésuve est violet, la mer bleue, verte, étincelante, et le soleil, qui le croirait ? ce même soleil, disparaît derrière le Pausilippe embrasé ! »

Jean-Jacques Ampère, Littératures et voyages. Esquisses du Nord, Didier.

David Farreny, 21 avr. 2013
manœuvre

Avouer certaines choses, cacher certaines choses, tout dire, tout taire… — te fatigue pas — même manœuvre.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 114.

David Farreny, 13 sept. 2014
tour

Très vite, le premier tour est bouclé et, dès lors, on ne fera plus que suivre ses propres traces.

Éric Chevillard, « dimanche 17 septembre 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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