volume

Il y a le triste édifice où nous étions enfermés, octobre au carreau, le soin prolongé de l’étude et puis, au cœur de la situation, au sein d’un volume imprimé, la porte ouverte sur la forêt des possibles, l’or inépuisable des visions.

Pierre Bergounioux, « La voix du bois », Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, p. 65.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
gratuit

Tout ce qui est gratuit rend ingrat.

Stephen Smith, Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt, Calmann-Lévy, p. 115.

David Farreny, 27 mars 2007
croire

Tous ces jeunes gens ont un grand désir de s’instruire, de se cultiver, si possible en brûlant les étapes grâce à un aîné complaisant. Mais on ne peut pas brûler les étapes, les aînés sont généralement désabusés, ils n’ont pas de réponses aux questions posées, qu’ils n’ont jamais résolues et qu’ils ne se posent plus ; de toute façon ils ont cessé de croire à un rapport bien étroit et bien fixe entre questions et réponses ; et les questions ne leur parlent que du questionneur…

Renaud Camus, « vendredi 7 mai 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 246.

David Farreny, 28 sept. 2007
glaires

Accepteriez-vous de nous montrer un échantillon de vos brouillons ?

— Je suis au regret de devoir refuser. Seules les nullités ambitieuses ou les médiocrités joviales exhibent leurs brouillons. C’est un peu comme si l’on distribuait des échantillons de ses propres glaires.

Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 12.

David Farreny, 4 mars 2008
possibles

Il croyait avoir acquis avec le temps une sorte de sens pour les endroits où des juke-box étaient possibles. Dans les centres des villes il y avait peu d’espoir, ni dans les quartiers rénovés ni à proximité de monuments, des parcs ou des allées (sans même parler des quartiers résidentiels). Presque jamais il n’était tombé dessus dans des villes thermales ou des stations de ski (mais les localités voisines, à l’écart et pour ainsi dire jamais nommées, en étaient susceptibles : ô Samedan près de Saint-Moritz), presque jamais dans des ports de plaisance ou dans des stations balnéaires (mais bien dans des ports de pêche et plus fréquemment encore aux départs des bacs : ô Douvres, ô Ostende, ô Reggio de Calabre, ô Le Pirée, ô Kyle of Lochalsh avec le bac pour les Hébrides intérieures, ô Aomori tout au nord de la principale île japonaise Hondo avec le bac pour Hokkaido, entre-temps supprimé), moins souvent dans des établissements sur la terre ferme ou à l’intérieur des terres que sur des îles ou à proximité des frontières.

Peter Handke, « Essai sur le juke-box », Essai sur la fatigue. Essai sur le juke-box. Essai sur la journée réussie, Gallimard, pp. 92-93.

David Farreny, 31 oct. 2009
constructions

Car ma perception du quartier a changé depuis que je vis dehors. Jouer un personnage m’a rapproché des différents commerçants, dans la mesure où j’essaie de ne pas trop me faire remarquer, de prononcer les paroles qu’ils attendent, de répéter les formules consacrées, les évidences triviales du bon sens ordinaire, de faire vraiment comme si j’étais l’un de ceux qui chaque jour échangent avec eux quelques nouvelles et quelques sourires, comme si « j’en étais », en somme. Je peux me le permettre maintenant que je suis sûr de ne vraiment pas « en être », alors que jusqu’à mon déménagement c’était plutôt l’inverse : ma distance apparente – de l’ennui plus que du mépris, à vrai dire – n’était que pour me persuader que je « n’en étais pas » alors que « j’en étais », et même profondément, regardant la même télé, écoutant les mêmes nouvelles et vivant aussi machinalement que mes interlocuteurs d’occasion. Aujourd’hui, au moins, je suis le seul à coucher dehors, à ne payer ni taxe foncière ni taxe d’habitation, et ils ne le savent pas, sauf François, mais François n’est pas un interlocuteur ordinaire.

Quand je dis que ma perception du quartier a changé, ce n’est d’ailleurs pas aux commerçants que je pense d’abord. Je pense à des tas de choses. À l’architecture, par exemple. J’ai appris à regarder les immeubles et je trouve des beautés ignorées aux plus ordinaires d’entre eux. Architecture des années 1950 et 1960 a fait des ravages par ici, mais beaucoup de constructions des années 1930 ont de l’élégance, et puis, en cherchant bien, on trouve encore des petits pavillons, des cottages à l’anglaise, des villas surprenantes et des jardins secrets. J’avais depuis longtemps vu tout cela, aperçu, survolé. Maintenant, je m’y attarde et j’y prends plaisir.

Marc Augé, Journal d’un S.D.F. Ethnofiction, Seuil, p. 82.

Cécile Carret, 27 fév. 2011
copeaux

Des copeaux recouvrent le sol, boucles ondulées, aériennes, ce sont les cheveux crépus de la planche, dirait-on, les rêves feuillus de l’arbre mort.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 71.

Cécile Carret, 12 juin 2013
autrement

À propos de rien, une fois, elle avait déclaré à Julie qu’elle ne se lavait jamais les pieds pour la simple raison que, en prenant sa douche, ils étaient autrement nettoyés par toute l’eau savonneuse qui coulait sur eux.

Alain Sevestre, Poupée, Gallimard, p. 286.

Cécile Carret, 19 mars 2014
indulgence

J’ai pris la position du dormeur

et j’ai dormi

Évanouies l’exacte souffrance

l’anodine impuissance

Et maintenant l’automne me prodigue

l’infinie douceur de ses lumières dernières

ses fumées si peu indéchiffrables…

Un rouge-gorge rivalise avec le couchant

je me sens plein d’indulgence

pour les autos.

Jean-Pierre Georges, Où être bien, Le Dé bleu, p. 89.

David Farreny, 28 fév. 2016

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