cortex

Je vois mon cortex.

Georges Perec, « Rêve n° 64 : l’os », La boutique obscure, Denoël.

Bilitis Farreny, 21 mars 2002
stratégiquement

Dans la guerre, les batailles ne peuvent être livrées qu’une à une et les forces ennemies ne peuvent être anéanties qu’unité par unité. Les usines ne peuvent être bâties qu’une par une. Un paysan ne peut labourer la terre que parcelle par parcelle. Il en est de même pour les repas. Stratégiquement, prendre un repas ne nous fait pas peur : nous pourrons en venir à bout. Pratiquement, nous mangeons bouchée par bouchée. Il nous serait impossible d’avaler le repas entier d’un coup. C’est ce qu’on appelle la solution un par un. Et en langage militaire, cela s’appelle écraser l’ennemi unité par unité.

Mao Tsetoung, « L’impérialisme et tous les réactionnaires sont des tigres en papier », Citations du président Mao Tsetoung, Éditions en langues étrangères de Pékin, p. 98.

David Farreny, 6 oct. 2002
inversé

D’abord, la paix souveraine répandue sur les rives, la contemplation jamais lasse des jeux de lumière et des anamorphoses que l’eau compose inépuisablement, la stupeur bienheureuse qu’elle provoquait, à la fin. Chaque fois, lorsque venait le soir, je me suis demandé pourquoi rentrer. Il me semblait avoir cessé d’exister. J’étais lavé de l’existence plus ou moins distincte qui, partout ailleurs, m’incombait, de la fatigue, de l’ennui de la soutenir, du dépit d’y trouver à redire et de n’en pouvoir mais. Je suppose que les hommes qui se sont tenus près de moi, au droit de leur reflet inversé, demandaient eux aussi à la rivière d’emporter ce que la leur avait de contraint et d’amer, d’inexpliqué. À ce moment-là, ils étaient autres, sans l’acrimonie, les aspérités qui ont compliqué la mienne.

Pierre Bergounioux, Chasseur à la manque, Gallimard, p. 11.

Cécile Carret, 14 avr. 2010
bluffer

Cependant, les jeunes abandonnent ces forêts nourricières à cause des filles qui ne veulent plus vivre dans la solitude ; qui veulent être « sapées » en citadines – vont crever la faim à Clermont-Ferrand et reviennent bluffer le dimanche au pays.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 61.

Cécile Carret, 18 juin 2012
mais

Il est un temps où l’on constate que l’on n’a soi-même pas agi autrement. Ce n’est pas vengeance, mais orgueil et refus de se sacrifier. On ignore la beauté du geste. Il me semble que j’ai davantage fait souffrir que je n’ai souffert. J’ai su me préserver des états pénibles. Ils ont pensé lâcheté. Je suis lâche et m’en targue. Je me refuse à toute responsabilité. Mais le vide m’attend.

Bernard Delvaille, « Feuillets », Le plaisir solitaire, Ubacs, p. 10.

David Farreny, 13 août 2012
usées

Fausses beautés qui tant troublèrent notre chair

fausses beautés qui tant, un jour, nous furent chères

pénélopes usées, juliettes avachies

— aviez-vous eu pitié du voyageur ? A-t-il

eu pitié de vos chairs molles et misérables

ô mal-aimées ? flottant sur l’eau comme des algues

sœurs des brouillards verdâtres et des fanaux douteux

— vies sans importance !

— parapluies oubliés !

Benjamin Fondane, « Ulysse », Le mal des fantômes, Verdier, p. 60.

David Farreny, 21 juin 2013
signes

Il est incontestable qu’à passer sans cesse, comme je le fais en ce moment, de Proust, ou Baudelaire, ou Hugo, ou Balzac, à ce qu’on appelle encore le texte moderne, celui des autres ou celui que j’écris, c’est l’insoutenable laideur, la balourdise, l’opacité du second qui apparaît par comparaison. Ce genre de textes ne me paraît plus véhiculer aucune vérité. C’est même l’amputation de toute vérité dont il est l’incarnation. Les mots y sont castrés de toute violence et de toute pensée. Pire encore : sont devenus incapables de penser cette castration qui est aussi celle de l’époque. Ils resteront comme des traces innommables du chaos, des graffitis de chiottes, des signes pour sociologues du futur, rien de plus.

Philippe Muray, « 1er octobre 1980 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 94.

David Farreny, 2 mars 2015

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer