clavecin

Le foie gras. On l’étale

sur des toasts. Délicat, onctueux

Le clavecin de toutes les cirrhoses

La sainte vierge en culotte de velours

Alain Malherbe, Diwan du piéton, Le Dé bleu.

David Farreny, 20 mars 2002
meurt

Dans les galeries de ce terrier aérien, la bête insensée que nous sommes, meurt de s’unir à la bête future que nous enfermons, et que nous poursuivons, et que nous ajustons, dehors, aveuglément, avec une arme sans défaut qui ne peut abattre que nous.

Jacques Dupin, « L’embrasure », Le corps clairvoyant, Gallimard, p. 170.

David Farreny, 8 mai 2004
palais

Et la résolution de me taire durant le reste du trajet ; seul comme un petit chat dans une lessiveuse au couvercle fermé. Mais elle me délivra elle-même, lorsque son regard tomba par hasard sur la fenêtre : « Un vrai palais de fées ! ». À cette heure, cinq heures et demie du matin, la fabrique était déjà entièrement illuminée, sa façade scrutait la nuit d’hiver avec une centaine d’yeux, et je me demandais – me demandais : fallait être prudent ! – ce qui pouvait bien se passer dans une tête qui à la vue d’une fabrique de textiles laisse échapper l’expression “Palais de fées”.

Arno Schmidt, « Nuit roulante », Histoires, Tristram, p. 147.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
ordre

Dans la vie de veille, au contraire, dès que je me laisse aller à imaginer qu’il serait possible, après tout, de laisser tomber tout ce qui me paraît à la fois si naturel et si pesant pour aller voir ailleurs si j’y suis, ma circulation sanguine s’accélère, des bouffées de bonheur me coupent le souffle, j’étouffe presque. Puis tout se calme, tout rentre dans l’ordre. Je suis comme les chœurs de l’opéra : « Marchons, Marchons ! » ; je rêve, mais je fais du surplace.

Marc Augé, Journal d’un S.D.F. Ethnofiction, Seuil, p. 14.

Cécile Carret, 27 fév. 2011
engendrement

À la lumière, par conséquent, fait défaut l’unité concrète avec soi que la conscience de soi possède en tant que point infini de l’être-pour-soi ; et c’est pourquoi la lumière est seulement une manifestation de la nature, non pas de l’esprit. C’est pourquoi, deuxièmement, cette manifestation abstraite est en même temps spatiale, absolue expansion de l’espace, et non pas la reprise de cette expansion dans le point d’unité de la subjectivité infinie. La lumière est dispersion spatiale infinie, ou, bien plutôt, infini engendrement de l’espace.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « Des manières de considérer la nature (additions) », Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, Vrin, p. 394.

David Farreny, 28 fév. 2011
endroit

Chez ma mère, qu’un jour je surpris, sans le vouloir, toute nue, assise devant son armoire à glace, ce qui la fit être deux, il y avait du crin noir bouclé, enroulé sur lui-même, dont les touffes se dirigeaient en tous sens : une sorte de chevelure ramassée et crépue au mauvais endroit. Je m’en secouai de dégoût et d’horreur, des journées entières : sur du lisse rose ou blanc et doux au toucher, il pouvait donc y avoir ce noir qui crissait sous les doigts.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 88.

Cécile Carret, 10 juil. 2011
dans

Attends, a-t-il dit, il faut que je te montre la maison, et, même si je n’avais pas très envie d’une visite guidée, je me suis senti bien dans sa phrase.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 101.

Cécile Carret, 30 sept. 2011
ne

Bien sûr, on peut détourner le regard. Perdre son objet. Le laisser s’écarter, flotter, disparaître – un simple mouvement des yeux suffit. Bien sûr, on peut ne pas regarder un pays ; ne pas savoir où il se trouve ; soupirer à l’évocation répétitive d’un nom malheureux. On peut même décider que ce qui a eu lieu est incompréhensible et inhumain. Alors, on détourne le regard. C’est une liberté universelle. Se dire qu’une autre image chassera celle-ci ; que les mots peuvent être remplacés, ou effacés. Eh bien c’est fait : Je ne vois plus cet homme qu’on force à manger ses excréments à la cuillère, en sanglant ses mains, ses bras, son cou, en écartelant sa mâchoire, en écrasant sa langue. Je ne vois plus cet Occidental qu’on enserre dans cinq pneus, et qu’on enflamme vivant au milieu de la rue, à côté de S21. Un gardien me raconte qu’il le voit faire des gestes désespérés dans les flammes, avant de s’effondrer. Duch précise : « Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je n’ai rien vu. Nuon Chea a donné l’ordre de le brûler : qu’il ne reste rien. Ni os. Ni chair. Il ne nous a pas dit de le brûler vivant. » Je ne vois plus ce nourrisson lancé contre un arbre. Je ne les vois plus. Je ne vois plus.

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 99.

Cécile Carret, 7 fév. 2012
peut

L’éducation est une chose admirable, mais il convient de se rappeler de temps à autre que rien de ce qui vaut d’être connu ne peut s’enseigner.

Oscar Wilde, « Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites », La vérité des masques, Rivages.

David Farreny, 4 déc. 2012
quoi

Et ce sentiment qui la minait d’être capable de faire à peu près n’importe quoi de sa vie si seulement elle savait quoi, ce sentiment qui lui faisait perdre le plus gros de son temps depuis des années à essayer des voies et à les évacuer parce qu’elle valait mieux, ce sentiment, réussit-elle à exprimer grâce à Brooke, ce sentiment, donc, disparaissait de lui-même parce qu’elle faisait enfin quelque chose sans se poser de question.

Alain Sevestre, Poupée, Gallimard, p. 283.

Cécile Carret, 19 mars 2014
impression

C’est le seul moyen de fuir la société tout en faisant bonne impression, aussi je ne la laisse à personne : la vaisselle.

Éric Chevillard, « mercredi 2 mars 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 3 mars 2016

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