personne

Un homme à qui personne ne plaît est bien plus malheureux que celui qui ne plaît à personne.

François de la Rochefoucauld, Maximes, Flammarion, p. 106.

David Farreny, 22 oct. 2004
connu

Rien n’est jamais aimé, rien n’est jamais connu.

Renaud Camus, L’épuisant désir de ces choses, P.O.L., p. 115.

David Farreny, 11 fév. 2006
modestie

À quoi bon ajouter son grain de sel à cet océan de mots ? Et pourquoi pas ? Et si la littérature était devenue affaire de modestie. On ne sait jamais. L’orgueil a de ces tours.

Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 437.

David Farreny, 11 mars 2008
bêtise

Les œuvres sans bêtise n’ont aucun intérêt. Elles ratent le corps. Le génie, c’est un aménagement technique de la bêtise : j’ai souvent exprimé ailleurs cette conviction — mais la bêtise, c’est aussi la répétition, le ressassement, l’espoir absurde d’en finir une bonne fois avec la bêtise, avec le sens, avec l’expression et le vouloir-dire, avec le corps (or on n’en finit pas plus, évidemment, qu’on n’a jamais pu commencer). Qu’y a-t-il de plus bête que l’obsession du rang chez Saint-Simon, la mondanité chez Proust, le familialisme petit-bourgeois chez Joyce ? Et pourtant, ôtez cette matière, éminemment première, que reste-t-il des œuvres ? Ce n’est pas en faisant une croix sur la bêtise que l’on écrit de bons ou de grands livres, c’est en cherchant un arrangement avec elle, en la malaxant indéfiniment, en lui imposant une forme sans la réduire en volume ni en vivacité, en la soumettant à l’intelligence, au travail, au talent, au génie, selon les moyens dont on dispose.

Renaud Camus, Du sens, P.O.L., pp. 42-43.

David Farreny, 5 mai 2009
complet

Je ne me repose bien que si les autres travaillent ; autrement ce n’est pas complet.

Paul Morand, « 1er juin 1974 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 265.

David Farreny, 26 août 2010
tenir

L’immédiateté de l’Idée de la vie consiste en ceci, que le concept n’existe pas comme tel dans la vie, que, par conséquent, son être-là se soumet alors aux multiples conditions et circonstances de la nature extérieure et peut apparaître dans les formes les plus misérables ; la fertilité de la Terre fait croître la vie en tous lieux et de toutes les manières. Le monde animal est, ou peu s’en faut, encore moins capable que les autres sphères de la nature de présenter un système rationnel d’organisation qui soit en lui-même indépendant, de tenir ferme aux formes qui seraient déterminées par le concept, et de les empêcher, face à l’imperfection et aux mélanges des conditions, de se confondre entre elles, de se gâter et de passer en d’autres. — Cette faiblesse du concept dans la nature en général ne soumet pas seulement la formation des individus à des contingences extérieures — l’animal développé (et l’homme en tout premier lieu) est exposé à des monstruosités —, mais elle soumet aussi entièrement les genres aux variations de la vie universelle extérieure de la nature, dont l’animal vit, en y étant accordé, l’alternance, ce qui fait qu’il n’est qu’une alternance de santé et de maladie. Le contexte de la contingence extérieure ne contient presque que de l’étranger ; c’est continuellement qu’il exerce une violence et fait peser une menace de dangers sur le sentiment de l’animal, qui est un sentiment d’incertitude, d’anxiété et de malheur.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « Le genre et les espèces », Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, Vrin, pp. 323-324.

David Farreny, 7 fév. 2011
élastique

riant du guépard si véloce que son train arrière a du mal à le suivre et que son flanc élastique s’étire tant que, lorsqu’il s’arrête enfin, le corps distendu du félin mesure la longueur de sa course, puis son arrière-train l’assomme

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 21.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
voyelles

Eesti a la grâce de sa double voyelle e, à mes yeux d’une blancheur quasi transparente, légèrement rehaussée par l’or pâle du s et du t, qui se prononcent doucement, comme dans l’ancien verbe français estre.

« Estes-vous estonienne ? » ai-je envie de demander à la première jeune fille blonde que je croiserai (mais on me rétorquera que je parle encore comme le père Ubu, lequel guette tout écrivain qui se prend trop au sérieux…).

Le redoublement des voyelles estoniennes, notamment dans les prénoms féminins, Jaanika, Triin, Tuuli, Kristiina, comme une promesse de bonheur sensuel, de vie heureuse, même.

Richard Millet, Eesti. Notes sur l’Estonie, Gallimard, p. 15.

David Farreny, 4 sept. 2012
lithographies

Ô jardins, même pas suspendus ! Quelque part

le voyageur s’égare dans une forêt d’hommes ;

il écoute dans le ventre des employés des postes

la chanson écrémée et simple des laitières.

Mais y a-t-il encore des voyageurs, des pas

dans le sable, des touristes dévorés par des squales,

des îles ovipares où pousse l’ancolie,

des bateaux échoués sur des lithographies ?

À travers le charbon, l’essence et le pétrole

voici que le visage de l’homme s’est noirci.

Voici qu’il penche sur ses outils de travail :

le rein, le foie et le poumon.

Benjamin Fondane, « Titanic », Le mal des fantômes, Verdier, p. 108.

David Farreny, 21 juin 2013
écrivain

L’écrivain est l’homme le plus insignifiant au monde. Il est vide, complètement vide. Sa consistance se trouve dans ses livres.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 168.

Cécile Carret, 22 juin 2013
parer

J’entendis plus tard frère Othon dire de nos jours passés chez les Maurétaniens, qu’une erreur ne devient une faute que si l’on persiste en elle. Ce propos me semblait encore plus vrai, quand je songeais à la situation où nous nous trouvions alors, à l’époque où cet ordre nous attirait. Il est des temps de décadence, où s’efface la forme en laquelle notre vie profonde doit s’accomplir. Arrivés dans de telles époques, nous vacillons et trébuchons comme des êtres à qui manque l’équilibre. Nous tombons de la joie obscure à la douleur obscure, le sentiment d’un manque infini nous fait voir pleins d’attraits l’avenir et le passé. Nous vivons ainsi dans des temps écoulés ou dans des utopies lointaines, cependant que l’instant s’enfuit. Sitôt que nous eûmes conscience de ce manque, nous fîmes effort pour y parer. Nous languissions après la présence, la réalité, et nous serions précipités dans la glace, le feu ou l’éther pour nous dérober à l’ennui.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 35.

Cécile Carret, 27 août 2013
gains

À ses moments de lucidité, il ne voit personne, ne parle à personne. Ses moments de lucidité sont nombreux. Le calme règne. Ce n’est que très rarement qu’une lucidité supérieure illuminante lui enjoint de se montrer sociable et communicatif comme on doit l’être. Brève ébriété mais erreur funeste. Une ou deux soirées suffisent et c’est la banqueroute : tous ses gains perdus d’un coup.

Jean-Pierre Georges, « Jamais mieux (3) », «  Théodore Balmoral  » n° 71, printemps-été 2013, p. 119.

David Farreny, 12 juin 2014
raisons

Les raisons de vivre commençaient à manquer. Il se confia à son meilleur ami qui lui démontra avec flamme que les deux ou trois auxquelles il s’accrochait encore étaient de purs sophismes.

Éric Chevillard, « lundi 7 juin 2021 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 28 fév. 2024

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