Le nom. Je cherchais des noms et j’étais malheureux. Le nom : valeur d’après-coup, et de longue expérience.
Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 151.
La collectivité s’est maintenant, d’un consentement à peu près unanime, donné pour maîtres à penser des professeurs.
Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 13.
Mon sentiment géographique est le reposoir de toutes mes fidélités.
Renaud Camus, « dimanche 18 mai 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 247.
Elle se serra encore contre moi. Son corsage bâillait de plus en plus. Elle risque un geste précis.
– Non, dis-je.
– Pourquoi, puisque je te plais !
Elle eut un sourire moqueur, satisfait, avec, sur le visage, l’expression de cet orgueil rassuré, heureux, comblé, remplaçant l’alarme, que toute femme, vierge, épouse ou putain, ressent, recherche sans jamais s’en lasser, sans jamais s’en rassasier, jamais blasée, jamais indifférente chaque fois qu’elle peut constater, vérifier ce pouvoir millénaire et sacré qui lui a été donné en prime sur l’homme pour la venger de ses autres faiblesses, de ses autres défaites et humiliations.
Claude Simon, Le sacre du printemps, Calmann-Lévy, p. 122.
Ô jardins, même pas suspendus ! Quelque part
le voyageur s’égare dans une forêt d’hommes ;
il écoute dans le ventre des employés des postes
la chanson écrémée et simple des laitières.
Mais y a-t-il encore des voyageurs, des pas
dans le sable, des touristes dévorés par des squales,
des îles ovipares où pousse l’ancolie,
des bateaux échoués sur des lithographies ?
À travers le charbon, l’essence et le pétrole
voici que le visage de l’homme s’est noirci.
Voici qu’il penche sur ses outils de travail :
le rein, le foie et le poumon.
Benjamin Fondane, « Titanic », Le mal des fantômes, Verdier, p. 108.
Mais que révèle la photographie d’un visage ? Nous y voyons une certaine organisation des traits, partant d’un patron commun, des variations personnelles – audacieuses parfois – autour d’un principe élémentaire duquel il s’agit cependant de ne point trop dévier ou bien le cliché figurera dans un de ces recueils pour amateurs que l’on consulte dans les bibliothèques des cabinets de curiosités. Mais notre secret reste bien gardé.
Que fait cet homme ainsi absorbé, retiré dans les profondeurs de sa conscience ? Vous le voyez bien : il s’expose. Mais que fait-il alors, ainsi exposé ? Vous le voyez bien : il se cache.
Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 72.
N’est ineffable ou indicible que la chose dont j’ignore le nom. Et même, avec les mots dont je dispose, je peux élaborer la périphrase qui colmatera cette lacune lexicale. Le sentiment, assez commun, de vivre ou d’éprouver des expériences que le langage humain ne saurait décrire relève plutôt, je le crains, d’une exaltation proche de celle qui nous fait appréhender parfois, croyons-nous, l’existence de Dieu ou la présence des morts, une espèce d’illusion mystique qui a pour unique fondement notre incapacité à nous résoudre à n’être que ce que nous sommes, des animaux mortels, certes fines mouches et rusés renards, mais plantés dans nos corps et dans ce monde sans issue.
Éric Chevillard, « mercredi 13 novembre 2013 », L’autofictif. 🔗
Comment démontrer à une femme qu’elle perd moins en n’ayant pas d’enfant, que l’homme en s’en faisant faire ?
Philippe Muray, « 22 juin 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 101.