volume

Il y a le triste édifice où nous étions enfermés, octobre au carreau, le soin prolongé de l’étude et puis, au cœur de la situation, au sein d’un volume imprimé, la porte ouverte sur la forêt des possibles, l’or inépuisable des visions.

Pierre Bergounioux, « La voix du bois », Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, p. 65.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
protégé

Il ne concevait pas qu’on puisse étudier autrement qu’à l’étroit, abrité de la respiration énorme de l’espace par des épaisseurs successives de murs, protégé non seulement par le toit des rêves qui agitent sans discontinuer le ciel, mais par un solide glacis de pavés de l’humide et sourde suggestion de la terre.

Pierre Bergounioux, Catherine, Gallimard, p. 37.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
trouble

Le vent qui s’est établi au nord-est éclaire et obscurcit, alternativement, le ciel, ce qui oblige à modifier en conséquence l’état intérieur et trouble inutilement son repos.

Pierre Bergounioux, « lundi 28 août 1995 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 607.

David Farreny, 12 déc. 2007
habitude

[…] Cette mort matérielle, temporelle, normale et non irrégulière, essentielle pour ainsi dire et non accidentelle, régulière et non anormale, physiologique et non mécanique, cette mort usuelle de l’être, cette mort usagère est atteinte quand l’être matériel est plein de son habitude, plein de sa mémoire, plein du durcissement de son habitude et de sa mémoire, quand tout l’être matériel est occupé par l’habitude, la mémoire, le durcissement, quand toute la matière de l’être est occupée à l’habitude, à la mémoire, au durcissement, quand il ne reste plus un atome de matière pour le nouveau qui est la vie.

Charles Péguy, Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne.

David Farreny, 5 juil. 2009
aimable

Combien de pères malpropres il y a, combien de mères délabrées ! Comme les hommes qui se croient aimés sentent souvent la crasse, et comme les coiffures des femmes qui se fient à leur amant sont souvent aplaties ! Les pantalons d’un conjoint sont souvent tachés et déformés, alors qu’un célibataire vivant seul débute presque toujours sa journée étincelant et bien rasé. C’est la certitude des gens liés de ne plus avoir à plaire qui fait cela, puisqu’ils ont déjà plu une fois et que celui ou celle à qui ils ont plu saura bien s’en souvenir. À cela s’ajoute leur peur panique de plaire une nouvelle fois et d’être entraînés dans les abîmes d’une nouvelle passion. Souvent, retenu par la crainte de plaire, on oublie d’être aimable.

Matthias Zschokke, Maurice à la poule, Zoé, p. 79.

David Farreny, 11 mars 2010
attirer

Il retira lentement son bras et ils restèrent assis un moment en silence jusqu’à ce que Frieda, comme si le bras de K. lui avait donné une chaleur dont elle ne pouvait plus maintenant se passer, lui dit :

« Je ne supporterai pas cette existence ici. Si tu veux me garder il faut que nous partions, allons n’importe où, dans le Midi de la France, en Espagne. — Je ne veux pas émigrer, dit K. Je suis venu ici pour y rester. J’y resterai. » Et par une contradiction qu’il ne se donna pas la peine d’expliquer, K. ajouta comme pour lui-même : « Qu’est-ce qui aurait bien pu m’attirer vers ce morne pays sinon le désir d’y rester ? »

Franz Kafka, « Le château », Œuvres complètes (1), Gallimard, pp. 631-632.

David Farreny, 22 oct. 2011
espèce

Plus tard seulement, à la veillée, dans les grandes cuisines enfumées, sur la place ou à l’auberge, s’amorce la conversation dans cette langue claire et robuste dont les tournures rituelles permettent toutefois l’expression d’un esprit vivace et savoureux relevant lui aussi du rite mais plus tribal que singulier. Des propos de ces hommes, le village émerge comme un univers dans le réseau serré des parentés, dans la profondeur des générations qui les unes après les autres ont habité ces maisons grises, dans l’histoire des avoirs, des changements de fortune des familles, dans les maladies, les naissances, les morts, dans les vieillards légendaires ; et tout est considéré comme un rite, un tribut dû à la vie et au temps. Comment dire ce qu’est par exemple l’assistance aux malades ou la veillée des morts quand tous, commères, hommes et enfants mêmes savent trouver les mots justes du rite qui consolent rituellement par cette pitié inhérente née non pas du cœur mais de la religion antique et tourmentée de l’espèce.

Mario Luzi, « Le mont Amiata », Trames, Verdier, p. 33.

David Farreny, 26 fév. 2013
consistance

Écrire sert à faire sentir la consistance de vide des actions humaines. Voilà à quoi sert la littérature.

Philippe Muray, « 8 août 1985 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 557.

David Farreny, 3 juin 2015

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