Personne ne saurait même deviner l’infini de ma désertion.
Witold Gombrowicz, Journal (1), Gallimard, p. 377.
Peut-être seraient offerts des sorbets, mais plus pour le nom que pour la chose.
Renaud Camus, Notes sur les manières du temps, P.O.L., pp. 312-313.
Mardi – […] Quelle fenêtre possède encore la grâce ? Qui peut lutter contre un jardin ? Mon œil est sec et mon oreille pleine à ras bord de marteaux-piqueurs, de couinements. Le corps gêne dans le métro, trop de coudes et d’orteils.
Mercredi – Gris souris de rentrée, pluie de septembre en juillet et la promesse d’une impasse pavée à Jaurès. Une fenêtre à trois carreaux cassés, deux autres sales. Le vide hébète.
Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 22.
Pourquoi se corriger, se repentir ? La nature s’en charge.
Paul Morand, « 25 juin 1970 », Journal inutile (1), Gallimard, p. 408.
J’avais déjà trouvé en moi la force de fixer froidement le malheur, d’étouffer mes émotions, je commençais alors à comprendre la beauté qu’il y a à détruire.
Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, p. 21.
car personne ne sait vraiment le savoir. tout le monde a la science à chacun. mais que savoir du savoir et pour quoi faire ? pourquoi ne pas se suicider tout de suite, après tout ? je n’ai aucune réponse à la vie. toutes les vies sont des réponses, mais il n’y en a aucune de bonne. car il n’y a pas de question.
Charles Pennequin, « Il n’y a jamais eu d’avancée… », Pamphlet contre la mort, P.O.L., pp. 124-125.
J’ai gardé de cette expérience une défiance certainement aussi injuste que ma haine enfantine envers l’Oulipo, comme si les petites mécaniques savantes de ces écrivains ingénieurs et mathématiciens avaient la prétention de mettre la littérature en coupe réglée. Je ne peux admettre cette alliance contre-nature, elle me révulse. Trahison ! C’est remettre les clés de la ville à l’ennemi qui encercle nos murs. C’est appareiller de prothèses métalliques notre corps élastique, c’est canaliser le fleuve sauvage au moyen de logiques conçues pour déterminer la durée de remplissage des baignoires, c’est contraindre la pensée enfin et juguler sa féconde digression.
Il existe pourtant une ivresse des mathématiques, me dit-on, une extase, une beauté pure, absolue, affranchie des contingences. Un nombre d’or ! Certains tableaux noirs couverts de chiffres seraient des tableaux de maître.
C’est possible.
Mais ne me laissez jamais entrer dans ce musée avec une éponge humide !
Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 165.
Il s’était fait un certain système lequel eut par la suite une telle influence sur sa manière de penser que les spectateurs voyaient toujours son jugement précéder de quelques pas son sentiment, malgré qu’il crût qu’il était resté derrière.
Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 230.