pas

Je n’apprécie pas vraiment les gens. Et ceux que j’aime bien ne sont pas dignes de confiance. Je ne crois pas à la nature humaine, je ne lui voue pas une grande admiration. Je ne fais pas plus confiance à la société. La race humaine ne m’intéresse plus, je ne tiens pas à ce qu’on sauve le monde, je ne m’intéresse plus aux problèmes d’environnement, ça n’en vaut pas la peine. Les gens méritent de disparaître. Je serai content lorsque les tigres, les rhinocéros et les éléphants auront disparu, car ils ne pourront plus être persécutés. Tout ce que mérite la race humaine, c’est de partir en fumée.

Morrissey, propos recueillis par Christian Fevret, « Les Inrockuptibles », numéro 47, juillet 1993.

Guillaume Colnot, 16 sept. 2003
ombre

Que la fenêtre donnait sur la rue, si peu. Parce qu’au bout du couloir il y avait bien une porte, qui donnait sur la rue, et qui maintenant est l’entrée principale du cabinet médical. Mais nous on ne s’en servait pas, on passait par le jardin, et la cuisine. Dans le couloir il y avait quoi ? Je n’en sais plus rien. J’y verrais bien une machine à coudre Singer, ancien modèle à pédalier, avec son couvercle, mais peut-être j’invente. J’ai souvenir de cette ombre, je dois faire avec l’ombre.

François Bon, Mécanique, Verdier, pp. 36-37.

David Farreny, 5 sept. 2004
amplitude

Dans les blessures qu’elle nous inflige, la vie alterne entre le brutal et l’insidieux. Connaissez ces deux formes. Pratiquez-les. Acquérez-en une connaissance complète. Distinguez ce qui les sépare, et ce qui les unit. Beaucoup de contradictions, alors, seront résolues. Votre parole gagnera en force, et en amplitude.

Michel Houellebecq, Rester vivant, La Différence, p. 13.

Élisabeth Mazeron, 24 sept. 2004
dialoguer

— Mais pourquoi tu es agressif comme ça ? me répond-on. J’accumule les maladresses, je serais un fâcheux pédagogue. Je participe mal aux conversations de chez nous, surtout intellectuelles ou qui l’imitent (parce qu’en plus ça s’imite : la grenouille qui se fait crapaud, la peste qui devient vérole). Toute chose que je dis devant quelqu’un se met aussitôt en orbite autour de son nombril et, pour me répondre, c’est à cette gravitation que mon interlocuteur réagit. Il ne conçoit pas la chose que je nomme, serait-ce un pauvre hareng saur : il contemple seulement le paysage de lui-même que crée la nouvelle lune que j’ai lancée. Et, selon la lumière qu’elle donne à son nombril, il approuve, critique, retouche ou, le plus souvent, élimine : la lune tombe. Son nombril est triste, je ne sais pas dialoguer.

Tony Duvert, Journal d’un innocent, Minuit, p. 61.

Cécile Carret, 6 déc. 2008
longue

La fille est longue, très blanche de peau, éclatante, une lumière mate la nimbe toute quand elle paraît dans l’amphithéâtre rutilant de boiseries sombres et de fresques languides ; longue de jambes et de cheveux ; Claire eût dit longue de crinière ; elle a pensé aux chevaux massifs, croupes rondes encolures de velours pattes solides, crinières pâles partagées répandues épaisses, aux chevaux lourds rassemblés là-bas à l’automne derrière les clôtures de barbelés sur les plateaux ; les vaches ont déserté, quitté l’estive et les chevaux restent seuls en troupes fluides pour faire face aux hivers, aux nuits qui ne finissent pas, au bleu inouï, aux neiges réitérées.

Marie-Hélène Lafon, Les pays, Buchet-Chastel, p. 51.

David Farreny, 30 août 2013
certaine

Aime ton prochain comme toi-même : c’est-à-dire avec une certaine honte.

José Camón Aznar, Aphorismes du solitaire.

David Farreny, 6 janv. 2015
comprendre

Apprendre plein de choses (les coefficients stœchiométriques, la philosophie d’Alain Badiou) diminue d’abord l’angoisse (car on a l’impression de mieux comprendre le monde) puis l’augmente (car on réalise qu’on ne comprend rien, et peut-être pis encore, qu’il n’y a rien à comprendre).

Olivier Pivert, « Connaissance de Montcuq (et alentours) », Encyclopédie du Rien. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024
distance

Au fond, le politique ne m’intéresse que par misanthropie, dans une saine distance ou la contemplation fascinée de la bêtise humaine, et je ne me sens pas entièrement désigné par la définition fondatrice de la pensée politique occidentale — celle d’Aristote qui, dans sa Politique, dit que « l’homme est naturellement un animal politique, destiné à vivre en société ». Qu’on me permette de préférer ce qui suit, dans la même phrase : « Celui qui, par sa nature et non par l’effet de quelque circonstance, ne fait partie d’aucune cité est une créature dégradée ou supérieure à l’homme. » Soyons donc dégradés ou supérieurs, ou trouvons notre supériorité dans cette forme singulière de dégradation qu’est le fait de s’écarter de la dimension naturelle du politique, puisque l’État me garantit une liberté qui n’est en vérité qu’un champ de restrictions juridiques.

Richard Millet, « 5 », Désenchantement de la littérature, Gallimard.

David Farreny, 7 mai 2024

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