autrement

Musique, merveille qui sûrement précéda le feu. On en avait autrement besoin.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 365.

David Farreny, 13 avr. 2002
contradictions

Chez la plupart des théoriciens, on trouve des textes réclamant ou soutenant, dans certains cas, l’opposé précisément de ce que ces auteurs sont fameux pour avoir réclamé et soutenu. Il ne s’agit pas de contradictions, mais de raffinements.

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette/P.O.L., p. 32.

David Farreny, 13 avr. 2002
rivière

96. On pourrait se représenter certaines propositions, empiriques de formes, comme solidifiées et fonctionnant comme des conduits pour les propositions empiriques fluides, non solidifiées ; et que cette relation se modifierait avec le temps, des propositions fluides se solidifiant et des propositions durcies se liquéfiant.

97. La mythologie peut se trouver à nouveau prise dans le courant, le lit où coulent les pensées peut se déplacer. Mais je distingue entre le flux de l’eau dans le lit de la rivière et le déplacement de ce dernier ; bien qu’il n’y ait pas entre les deux une division tranchée.

98. Mais si on venait nous dire : « La logique est donc elle aussi une science empirique », on aurait tort. Ce qui est juste, c’est ceci : la même proposition peut être traitée à un moment comme ce qui est à vérifier par l’expérience, à un autre moment comme une règle de la vérification.

99. Et même le bord de cette rivière est fait en partie d’un roc solide qui n’est sujet à aucune modification ou sinon à une modification imperceptible, et il est fait en partie d’un sable que le flot entraîne puis dépose ici et là.

Ludwig Wittgenstein, De la certitude, Gallimard, p. 49.

Guillaume Colnot, 20 mai 2003
inquiétant

Dans l’obscurité, on a plus de goût à être ce qu’on est. Le visage peut se détendre enfin, se permettre d’être inquiétant.

Jean Giono, D’Homère à Machiavel, Gallimard.

David Farreny, 2 juin 2005
a

Il se leva, fit un salut et chanta :

Quand on n’a pas ce que l’on aime

Il faut aimer ce que l’on a.

Il fit un salut et se rassit.

Witold Gombrowicz, Cosmos, Denoël, p. 167.

Cécile Carret, 11 déc. 2007
canapé

Quand la nuit fait rage. Fixe la plus proche, la plus scintillante — celle dont tu ignores le nom, parce que tu ignores beaucoup — enfonce de plus en plus fort ta vie dans un canapé à proximité d’une étoile.

Jean-Pierre Georges, Car né, La Bartavelle, p. 72.

David Farreny, 5 juil. 2009
sol

L’histoire n’est pas un sol pour le bonheur. Les temps du bonheur en sont les pages blanches.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, Vrin.

David Farreny, 20 janv. 2011
voyelles

Eesti a la grâce de sa double voyelle e, à mes yeux d’une blancheur quasi transparente, légèrement rehaussée par l’or pâle du s et du t, qui se prononcent doucement, comme dans l’ancien verbe français estre.

« Estes-vous estonienne ? » ai-je envie de demander à la première jeune fille blonde que je croiserai (mais on me rétorquera que je parle encore comme le père Ubu, lequel guette tout écrivain qui se prend trop au sérieux…).

Le redoublement des voyelles estoniennes, notamment dans les prénoms féminins, Jaanika, Triin, Tuuli, Kristiina, comme une promesse de bonheur sensuel, de vie heureuse, même.

Richard Millet, Eesti. Notes sur l’Estonie, Gallimard, p. 15.

David Farreny, 4 sept. 2012
tranquille

                            J’étais en train

                            de lire un livre

                            quand tout à coup

                            je vis ma vitre

emplir son œil absent d’oiseaux légers et ivres.

                            Oui, il neigeait.

                            La folle neige !

                            Elle tombait

                            tranquille et fraîche

dans le cœur tout troué comme un filet de pêche.

                            C’était si bon !

                            et j’étais ivre

                            de ces flocons

                            heureux de vivre

que ma main, oublieuse, laissa tomber le livre !

                            En ai-je vu

                            neiger la neige

                            dans le cœur nu !

                            Ah ! Dieu que n’ai-je

su garder dans mon cœur un peu de cette neige !

                            Toujours en train

                            de lire un livre !

                            Toujours en train

                            d’écrire un livre !

Et tout à coup la neige tranquille dans ma vitre !

Benjamin Fondane, « Au temps du poème », Le mal des fantômes, Verdier, p. 225.

David Farreny, 2 juil. 2013
arc

Mais comme il est arrivé aussi, dans les chaleurs du sud, qu’on manque de pierres parmi les sables, on a inventé la brique pour se construire d’abord des temples et des palais, des remparts et des ziggourats, puis tout naturellement des ponts. Le recours à cette brique permettant de nouveaux équilibres et supposant de nouveaux systèmes de construction, on a fini par imaginer l’arc, quelque sept mille années avant Gluck. L’arc est assurément ce qu’on a trouvé de mieux, ce qui allait tout changer, c’était une invention avec laquelle on était loin d’en avoir fini, il y en a quelques-unes comme ça dans le genre de la roue.

Jean Echenoz, « Génie civil », Caprice de la reine, Minuit, p. 59.

Cécile Carret, 26 avr. 2014
écarteler

Encore une morne journée dont on ne saura rien faire que s’écarteler entre la nostalgie et l’ambition.

Éric Chevillard, « mercredi 11 janvier 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 24 fév. 2024
abolie

Sitôt apparue abolie, la jolie passante est une étoile filante, la preuve en est encore, mon pauvre ami, que ton vœu ne se réalisera pas.

Éric Chevillard, « mercredi 13 septembre 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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