Poser de nouveaux problèmes, c’est le meilleur moyen de résoudre les anciens.
Witold Gombrowicz, Journal (2), Gallimard, p. 34.
Je comprends qu’adoptant une bonne mienne habitude, renverse-monde, mais très stabilisatrice, vous passez la moitié de votre vie au lit.
Henri Michaux, « lettre à Claude Cahun (avril 1952) », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. XXIX.
La bêtise, c’est ce qui parle trop fort.
Renaud Camus, « Voix basse », Syntaxe ou l’autre dans la langue, P.O.L., p. 206.
Ainsi la mort violente est un usage presque aussi nécessaire que la loi de la mort naturelle ; ce sont deux moyens de destruction et de renouvellement, dont l’un sert à entretenir la jeunesse perpétuelle de la Nature, et dont l’autre maintient l’ordre de ses productions, et que peut seul limiter le nombre dans les espèces. Tous deux sont des effets dépendants des causes générales ; chaque individu qui naît tombe de lui-même au bout d’un temps ; ou lorsqu’il est prématurément détruit par les autres, c’est qu’il était surabondant.
Buffon, « Une nature animale », Histoire naturelle, Gallimard, p. 61.
Recensement ininterrompu
reprenons
le toit l’arbre
le ciel le toit
l’arbre le ciel
tous mes possibles
rentrez vite
la vie vous mangerait
j’attends la neige
qui prouve le miracle
mais l’été est bref
comme un coït
et l’hiver ne chatoie
que dans un très vieux
livre imprimé
chez Mame
Jean-Pierre Georges, Passez nuages, Multiples, p. 25.
Quand on se connaît bien, si on ne se méprise pas totalement, c’est parce qu’on est trop las pour se livrer à des sentiments extrêmes.
Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 193.
La contradiction c’est que le monde est perpétuellement nécessaire comme obstacle à anéantir. Le violent est donc de mauvaise foi parce que, si loin qu’il pousse les destructions, il compte sur la richesse du monde pour les supporter et fournir perpétuellement de nouveaux destructibles.
Jean-Paul Sartre, Cahiers pour une morale, Gallimard, p. 183.
Il tenait en main un plat d’œufs mimosa qu’il a posé sur la table en me saluant. Je l’ai trouvé plus petit que d’habitude avec son plat. Comme il ne disait rien de spécial, et qu’il avait l’air de considérer que je faisais partie des meubles, j’ai dit que j’aimais bien les œufs mimosa. Attends, a-t-il dit, tu vas voir le lapin, et il est retourné vers la cuisine. J’ai cru un instant qu’il allait m’apporter le lapin pour me le montrer, mais ce n’était évidemment pas ça. Je suis resté encore un moment dans la salle à manger, les mains dans les poches, de l’air du promeneur tranquille, mais qui se trouve face à une bifurcation.
Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 138.
Religiosité contemporaine monstrueuse. Pourquoi ? Parce que plus personne, à moins d’être fou à lier, ne croit plus à la résurrection des corps ou à la vie éternelle. L’ennui, c’est que ce soit la seule croyance qui ait disparu. Tout le reste est intact, toute la religion est intacte. Or, c’était la seule croyance qui, parce qu’elle était réellement folle, justifiait la folie religieuse.
Philippe Muray, « 13 janvier 1991 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 409.