curatif

L’art, l’art authentique, dont l’objet est près de la source même de l’art (c’est-à-dire dans les lieux nobles et déserts — et certainement pas dans le vallon surpeuplé des effusions sentimentales), a dégénéré en notre sein pour tomber à un niveau qui est hélas celui du lyrisme curatif. Et, bien que l’on comprenne la soif de chercher une voie publique pour soulager un désespoir personnel, il faut rappeler que la poésie reste étrangère à une telle aspiration ; les bras de l’Église ou ceux de la Seine ont plus de compétence en la matière.

Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 252.

David Farreny, 13 avr. 2002
bornes

Ainsi sait faire la mescaline (si toutefois vous ne lui êtes pas obtus et résistant) vous projetant loin du fini, qui partout se découd, se montre pour ce qu’il est : une oasis créée autour de votre corps et de son monde, à force de travail, de volonté, de santé, de volupté, une hernie de l’infini.

La mescaline refuse l’apaisement du fini que l’homme savant en l’art des bornes sait si bien trouver.

La mescaline, son mouvement tout de suite hors des bornes.

Infinivertie, elle détranquillise.

Et c’est atroce.

Henri Michaux, « L’infini turbulent », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 813.

David Farreny, 21 déc. 2003
chambre

Peut-être, dans le noir de la nuit, après une journée décomposante, cela dit « tranquillise-toi, tu as encore une chambre ».

Henri Michaux, « Façons d’endormi, façons d’éveillé », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 469.

David Farreny, 2 juin 2006
cages

Violemment agitées les cages, mais toujours des cages.

Henri Michaux, « Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1182.

David Farreny, 7 août 2006
performatif

Je-t-aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D’une certaine manière — paradoxe exorbitant du langage —, dire je-t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent qua sa profération : c’est un performatif).

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 176.

Élisabeth Mazeron, 19 déc. 2009
enfance

Mais la réforme qui me tenait le plus à cœur concernait l’enfance de l’homme, laquelle allait sous mon règne devenir facultative, sa durée en tout cas serait laissée à la libre appréciation de chacun : ceux pour qui elle s’annonçait pareille à une de ces longues nuits d’hiver dans les bois où les étoiles vont par paires et forment à pas de loup d’inquiétantes configurations sous les arbres en seraient quittes à jamais après quelques instants d’épreuve ; ceux au contraire qui auraient consacré le restant de leurs jours à pleurer les étés passés dans cette même forêt en compagnie de l’oncle qui connaissait le nom des oiseaux et des insectes et renseignait parfois le grimpereau brachydactyle – sous cette écorce, tu trouveras des larves de vrillette –, ceux-là ne sortiraient de leur merveilleuse enfance que pour crisper une main sur leur cœur et mourir.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 29.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
bordel

Ah, c’est que l’ennui guette vite, dans les descriptions, on ne va pas trop traîner là-dessus. Finalement, le roman, quand on y pense, aura été un formidable réservoir à phénomènes, avant de les voir foutre le camp l’un après l’autre. Les choses, les objets, les détails. Les couleurs à la surface. Rien qu’à regarder une liste d’autrefois, c’est tout un bazar fantastique qui vous remonte à la mémoire, une vraie quincaillerie oubliée. Tout un magasin d’accessoires, mannequin d’osier, peau de chagrin, étui de nacre, chartreuse d’ici ou de là, contrat de mariage, chat-qui-pelote, sept pignons, mousses du vieux presbytère et ainsi de suite. Mais où sont tombés ces rossignols ? Toutes ces choses inanimées qui avaient pourtant une âme, et encore plus forte que celle des acteurs de l’histoire. Mais où est-ce que ce bordel est passé ?

Philippe Muray, Postérité, Grasset, p. 95.

David Farreny, 5 déc. 2012
anciens

On se nourrit des anciens et des habiles modernes ; on les presse, on en tire le plus que l’on peut, on en renfle ses ouvrages ; et quand l’on est auteur, et que l’on croit marcher tout seul, on s’élève contre eux, on les maltraite, semblables à ces enfants drus et forts d’un bon lait qu’ils ont sucé, qui battent leur nourrice.

Jean de La Bruyère, « Les caractères ou les mœurs de ce siècle », Œuvres complètes (1), Henri Plon, p. 207.

Guillaume Colnot, 27 fév. 2013
monté

L’orgueilleux donne l’impression d’être toujours monté à cheval sur lui-même.

José Camón Aznar, Aphorismes du solitaire.

David Farreny, 6 janv. 2015
inopportunément

Non seulement un enfant non voulu quelquefois naît de tes accouplements mais, par la suite, il lui arrive encore de surgir inopportunément quand tu baises.

Éric Chevillard, « mardi 16 juin 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 16 juin 2015

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