construire

Comprendre le sens d’un mot, c’est savoir quelles phrases il est possible de construire à partir de lui.

Jean Cohen, Structure du langage poétique, p. 105.

David Farreny, 20 mars 2002
plongeuse

Des cuisses, des cheveux, cette femme est plongeuse

Pierre Jean Jouve, Les noces, Gallimard, p. 66.

David Farreny, 22 mars 2002
rata

Partout les mêmes nuages, partout la même attente. Rien que le rata des jours, le maigre chapelet des heures. Dont seul l’esclavage parfois délivre… Rends grâce à ce qui te rebute, car tu n’as rien d’autre. Naissance et mort lente, voilà tout. Untel, né le 08-04-49, meurt depuis cinq décennies et n’a toujours pas fini, est néanmoins sur la bonne voie. Tout se termine dans douze mètres carrés, sur un lit à une place, avec une petite table et une fenêtre fermée sur la dernière image du monde. Ici un vieux mur et un tilleul remué par le vent dans un mouchoir bleu. Trois couleurs à vous couper le souffle, c’est le cas de le dire. Rien de plus naturel que de cesser de respirer, mais pas encore pour cette fois : ce n’est que partie remise. Personne n’a touché aux chocolats ; tout est sans : sans nom, sans vie, sans force, sans âme. Une vie sans, l’agonie ordinaire.

Jean-Pierre Georges, Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, p. 98.

Élisabeth Mazeron, 28 juin 2006
mystères

La bonté, la compassion, la fidélité, l’altruisme demeurent donc près de nous comme des mystères impénétrables, cependant contenus dans l’espace limité de l’enveloppe corporelle d’un chien.

Michel Houellebecq, La possibilité d’une île, Fayard, p. 79.

David Farreny, 11 mars 2008
écorner

Quelque chose, chez lui, interdisait peut-être qu’on s’[…]inquiétât sérieusement, ou bien c’était moi qui lâchais, qui décrochais, soudain, et […] je songeais à ces efforts que tous trois nous déployions, finalement, quand nous étions au fond des solitaires, qui s’efforçaient de l’être moins, sans doute, mais qui, se faisant, se contentaient d’écorner quelque contrat passé avec eux-mêmes.

Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 96.

Cécile Carret, 21 sept. 2008
auget

Devant l’étagère à livres. Je m’en sortis un dont la couverture illuminait à peu près convenablement ma face ; dos de cuir vert foncé avec étiquette vert clair : “J.A.E. Schmidt, Manuel de la langue française, 1855”. Je l’ouvris au hasard page 33 : “Auget = petit canal de planche où l’on enferme le saucisson de poudre” – je me pinçai la cuisse pour m’assurer de mon existence : saucisson de poudre ? ? ! ! (et de toute ma vie, cet “auget” je ne l’oublierai plus ; c’est une punition que d’avoir une mémoire en acier trempé !).

Arno Schmidt, « Un météore en été », Histoires, Tristram, p. 84.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
dispensés

Il y a des questions dont nous ne pourrions pas venir à bout si nous n’en étions dispensés par nature.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 456.

David Farreny, 8 nov. 2012
afflux

Car il y avait un si long temps que j’avais goût de ce poème, et ce fut tel sourire en moi de lui garder ma prévenance : tout envahi, tout investi, tout menacé du grand poème, comme d’un lait de madrépore ; à son afflux, docile, comme à la quête de minuit, dans un soulèvement très lent des grandes eaux du songe, quand les pulsations du large tirent avec douceur sur les aussières et sur les câbles.

Saint-John Perse, « Amers », Œuvres complètes, Gallimard, p. 263.

Guillaume Colnot, 3 avr. 2013
s’éternise

Il faut aimer les livres, ainsi que je le fais, naïvement, pour imaginer que l’âme s’éternise parmi nous grâce aux mots ; elle n’a jamais été que là, en eux, et quand ils se taisent, la voilà qui meurt à jamais.

Thierry Laget, Provinces, L’Arbre vengeur, p. 41.

David Farreny, 20 juil. 2014
missive

Mais à qui écrire ? Personne en vue. Et pas d’enveloppe, pas de papier à lettres. J’ai quand même expédié ma première missive, je l’ai pliée en petit bateau, j’ai collé le timbre dessus et j’ai écrit : « Au premier qui la ramassera. » Ne restait plus qu’à ouvrir le vasistas et à la jeter, comme dans une boîte aux lettres.

Voilà comment cela s’est passé. Avec mon coauteur, la vodka, nous nous sommes peu à peu pris de passion pour la chose épistolaire.

Sigismund Krzyzanowski, Rue Involontaire, Verdier, p. 14.

Cécile Carret, 6 mai 2024

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