mais

Vitry-le-François, détail image un, bandeau de bois en avancée sur poteaux, portail en arrière pour charge camions et deux portes à voûte brique arrondie, l’inscription mi-effacée le mot parqueterie, au fond autres toits en triangle symétriques et la masse blanche d’un double silo en avant d’une fumée en panache.

Vitry-le-François, détail image deux, cheminée brique très fine très haute et en avant sur la droite une construction de brique sous double avancée, de part et d’autre du bâtiment étroit, pour mettre à l’abri camions d’un côté wagons de l’autre, et trace symétrique de deux gouttières pour évacuation d’eau de pluie se rejoignant dans un angle inverse à celui des deux avancées mais disparues.

François Bon, Paysage fer, Verdier, p. 57.

David Farreny, 24 janv. 2003
secret

Mais on ne peut pas être indiscret avec moi, sauf en m’imposant ses propres discours, sa propre musique, ses propres bruits. Je n’ai pas de secrets et je m’en félicite tous les jours. Je trouve que rien n’est ennuyeux comme les secrets. Je respecte ceux des autres, puisqu’ils sont aux autres. Mais je ne les estime pas.

Rien ne serait épouvantable, cela dit, comme une société où les secrets seraient interdits. Le mépris du secret est une règle morale, et personnelle, nullement un impératif social…

Renaud Camus, « jeudi 26 janvier 1995 », La salle des pierres. Journal 1995, Fayard, p. 60.

Élisabeth Mazeron, 5 sept. 2003
rêve

On a, sous les yeux, tracée de sa main, la carte en relief du lit de l’Atlantique, avec ses fosses descendant à plus de 6000 mètres, ses rampes vertigineuses, ses coteaux arides comme l’enfer qui eussent épouvanté le Dante, ses cirques d’effroi, ses Alpes inconnues, ses chaînes inimaginées et leurs contreforts, leurs crêtes, leurs pics, leurs croupes indomptées, leurs éperons, leurs falaises, leurs gorges terrifiques hantées par des monstres ignorés dont la seule vue ferait mourir ; enfin, çà et là, des pyramides ou de fabuleux piliers soutenant des îles enchantées pleines de lumière et de verdure, où des hommes joyeux ou privés de joie subsistent, sans se douter qu’ils sont, en réalité, sur l’extrême pointe d’une aiguille que la plus légère secousse plutonienne peut casser demain ; car les volcans se promènent en bas, dans les vallées immenses qui vont probablement d’un pôle à l’autre, sans parler des énormes dépressions transversales, méditerranéennes ou autres, mal connues encore.

Tout cela est, pour l’âme, l’occasion d’un trouble étrange. On se sent précaire et misérable infiniment. On voit que cette terre est un rêve, le rêve d’un rêve, et qu’il est absurde d’y compter.

Léon Bloy, Exégèse des lieux communs, Payot, pp. 394-395.

David Farreny, 29 oct. 2007
aussi

Dans une encyclopédie russe, je vois le portrait du Gaon lui-même : visage fanatique, yeux brûlants, bouche aux contours fermes, barbe flamboyante. Les visages des hommes sages accrochés au mur de la salle de lecture sont plus doux, plus chauds, mais ils pâlissent à côté de celui du Gaon. Tout comme ce qui est doux, sage, pâlit à côté de ce qui est violent. Aujourd’hui. Mais demain, ce qui est violent aussi aura disparu.

Alfred Döblin, « Voyage en Pologne », « Théodore Balmoral » n° 59-60, printemps-été 2009, pp. 31-32.

David Farreny, 17 nov. 2009
remplacions

Pendant des semaines, je n’ai mangé que des liserons d’eau, qui est aussi la nourriture des cochons. J’ai aussi été celui qui mange des épluchures.

Je me souviens avoir vu, sur d’autres images d’archives, des cochons se promener dans la Bibliothèque nationale de Phnom Penh, vidée par les Khmers rouges. Ils bousculaient des chaises et piétinaient des épluchures. Les cochons remplaçaient les livres. Et nous remplacions les cochons.

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 84.

Cécile Carret, 7 fév. 2012
alevins

Le représentant, un faux jovial à beaux traits de retable. S’excuse d’avance : « Y’aura peu de monde, c’est Pâques, la rentrée des classes. » Je ne lui en demandais pas tant. Malgré quoi les gosses remplissent la salle. Garçons de la Sainte-Trinité, filles de l’Annonciation, et tous les branleurs de la communale. Un parterre d’alevins frétillants qui ne tiennent pas en place.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 58.

Cécile Carret, 18 juin 2012
comme

Perdre la parole, c’était comment ? C’était comme parfois dans les rêves où on doit courir, fuir, ou, mieux encore, sauver quelqu’un, quelqu’un de très proche, le sortir de l’eau, du feu, de l’abîme, l’arracher à la bête, aux griffes du démon, et on ne bouge pas de place, lourd comme un sac de pierre.

Peter Handke, Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, Gallimard, p. 68.

Cécile Carret, 21 juil. 2013
gutta-percha

Il y a de la gutta-percha, de la gomme et du caoutchouc dans le kangourou, en fait de muscles et de tendons, et c’est ce K qui les lui injecte par saccades.

Le langage est performatif : le kangourou en est la preuve vivante. Sans doute avons-nous raté d’ailleurs une bonne occasion de rigolade, elles ne sont pas si nombreuses, et il est pour cela bien regrettable que l’idée ne nous soit pas venue de nommer plutôt kangourou l’hippopotame. Comme il eût été divertissant, en effet, de voir ce lourd pachyderme effectuer des bonds de trois mètres de haut et douze mètres de long ! Chose d’autant plus risible qu’il lui eût fallu pour cela s’arracher aux eaux où il s’immerge jusqu’aux narines ou aux berges boueuses où il paresse – que d’éclaboussures et de splach… !

Du burlesque pur.

Mais nous ne savons pas rire. Nous avons donné des noms aux êtres et aux choses de ce monde pour les asservir.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 131.

Cécile Carret, 25 fév. 2014
pion

Tourner la loi. Se prendre pour… Les filles disent « mon fiancé », elles s’imaginent grandes dames-XIXe siècle, du temps où il y avait des fiançailles. Elles disent « ton mec », c’est le fantasme provisoire crapule Carco. On dit « ton Jules », ça fait encore plus fortifs, du temps où il y avait une marge, c’est-à-dire une société. « Ton ex », ça signifierait qu’à un moment il a été actuel. Alors que de toute façon, dans tous les cas, ça n’a jamais été qu’un pion de rencontre sur un échiquier d’ennui et de brouillard. Développer.

Me souvenir des excellents clichés mis en scène dans Les Nuits de la pleine lune vu hier. Rapports de force à feu doux, liberté, vie commune tempérée, illusions d’exister.

Philippe Muray, « 6 janvier 1985 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 536.

David Farreny, 3 juin 2015

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