système

Je suis pourtant assez aimable, il me semble, quand on me rencontre, et poli. Toutefois, dès que se profile la menace d’un système d’invitations régulières et réciproques, un affolement me saisit, je ne pense plus qu’à trouver des échappatoires, et j’en trouve, ne serait-ce que dans la force d’inertie.

L’amour, oui. Le flirt, le désir, le plaisir. L’amitié, très étroite, mais très rare. Quant aux relations sociales, c’est-à-dire les amis, au sens où la plupart des gens semblent entendre ce mot, ça n’a pas d’existence pour moi.

Renaud Camus, « samedi 3 avril 1993 », Graal-Plieux. Journal 1993, P.O.L., p. 83.

David Farreny, 2 août 2002
éternels

Antenne télévision en rouge et blanc se détache sur ciel pâle, en haut d’une colline où les arbres ont été rasés du sommet pelé. La ceinture des paraboles de réception, six haubans, et au sommet le court cylindre de l’émetteur, une lampe blanche clignote pour prévenir d’improbables avions égarés, un bâtiment bas au pied et les éternels grillages clos.

François Bon, Paysage fer, Verdier, p. 10.

David Farreny, 24 janv. 2003
semblable

Mais qu’attendre précisément du spectacle et du théâtre quand ils ne veulent plus tromper le public, ou le trahir, mais ne demandent qu’à se retrouver en phase avec lui, qu’à faire cause commune avec ses supposés désirs livides de fraternité, de solidarité, d’égalité, de parité et de transparence ? Qu’attendre, en somme, de son semblable ? Qu’attendre de ce qui ne cherche même plus à établir avec vous et lui la moindre querelle, et encore moins l’envenimer ? Qu’attendre de ce qui ne veut, ou ne peut, même plus être désiré ? Qu’attendre de ce qui ne cherche même plus à vous séduire ? Qu’attendre de ce qui vous ressemble tant que c’en est dégoûtant ?

Philippe Muray, Après l’histoire, Les Belles Lettres, p. 653.

David Farreny, 2 fév. 2008
regarde

Mardi – Quels fragments de paysage pourraient être transportés ailleurs, dans une ville inconnue, sans que la tricherie transparaisse ? Les immeubles et les trains ont ce matin des allures de puzzles et leurs pièces se retournent sous nos yeux. […]

Mercredi – Le bus peine à sortir de ma tête. Il fait si beau et je ne vois rien de ce que voient les voyageurs. Passons devant l’hôpital où un homme âgé, vêtu d’un pyjama à rayures, nous regarde debout du couloir, dans l’embrasure.

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 27.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
goût

Un goût vraiment à soi : mais c’est précisément ce qu’il y a de plus rare. Nous dirions en termes bathmologiques que le goût véritablement personnel implique un dépassement de son dépassement : il a considéré son contraire, ou son complémentaire, il l’a même investi, ne serait-ce qu’un moment, puis il en est revenu. […] Ne se montrent pleinement révélateurs, encore une fois, que les itinéraires. Ils ne sont en général que trop évidents. Mais les plus beaux demeurent mystérieux, quoique nullement indicibles, moins capricieux que nerveux, silencieux davantage que secrets, et presque toujours solitaires…

En faire la remarque, cependant, ce n’est pas tomber dans l’éloge d’un autodidactisme quelconque, serait-ce celui du goût. L’autodidacte, à vrai dire, est plus menacé que personne, au contraire, par l’emprise du stéréotype, dont il ne peut se défendre parce qu’il n’a pas les moyens de le reconnaître pour ce qu’il est. Suivre les chemins non frayés ne peut s’apprendre seul. La solitude, comme l’innocence ou le naturel, est une longue conquête, qui ne saurait s’entreprendre en solitaire.

Renaud Camus, « La période rose », Esthétique de la solitude, P.O.L., pp. 92-93.

David Farreny, 26 août 2009
répétition

La rêverie redonne aussi sa dignité à la notion, en général connotée négativement, de répétition – le sens de l’habitat, dont poètes et rêveurs sont les détenteurs privilégiés, ne se nourrit-il pas essentiellement, d’ailleurs, de rituels ? L’écrivain Serge Rezvani s’inscrit en faux : « Tout commence là où d’ordinaire on croit que cela s’arrête. » Habitant depuis plus de quarante ans la même petite maison nichée au creux d’un vallon enchanteur dans la forêt des Maures, aimant depuis plus de cinquante ans la même femme – la Danièle, ou « Lula », que ses livres célèbrent inlassablement –, il vante « les surprises de la répétition », écrivant : « Le cœur, les poumons, les viscères, la veille et le sommeil de notre cerveau, le désir et son assouvissement, la faim, la soif, ainsi que les rythmes de la marche… non, rien n’échappe à la répétition ! Et ce n’est que par la répétition et ses variations que nous pouvons juger de notre présence au réel. Même l’amitié se fortifie de la répétition et de ses jeux variés. Et bien sûr l’amour-passion dont le déploiement peut vous entraîner de surprise en surprise, ainsi qu’il est dit des “forêts enchantées” dont on ressort, après y avoir erré mille ans, sans avoir soi-même vieilli. »

Mona Chollet, La tyrannie de la réalité, Calmann-Lévy, p. 34.

Cécile Carret, 1er mai 2012
dispensés

Il y a des questions dont nous ne pourrions pas venir à bout si nous n’en étions dispensés par nature.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 456.

David Farreny, 8 nov. 2012
citrons

Mais, avant de partir, j’achetais au marchand de journaux l’un des quotidiens de Rome ou de Milan dont chaque page avait la taille d’une affiche et qu’on lisait en écartant les bras comme un Christ. Chaque mot imprimé avait son poids d’encre et de plomb. Sans couleur, sans publicité, la une ne présentait rien que d’intimidant. Cette austérité, au pays des citrons !

Thierry Laget, Provinces, L’Arbre vengeur, p. 101.

David Farreny, 20 juil. 2014
débarrasser

Le fou secouait la cloche pour la débarrasser de tout ce bruit.

Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 14 juin 2016
mains

Ah là là, il devient impossible de prendre le métro aux heures de pointe sans s’exposer aux mains courantes des jeunes femmes !

Éric Chevillard, « lundi 5 août 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 8 mars 2024
isolement

Quel crime faut-il commettre, déjà, pour être mis à l’isolement ?

Éric Chevillard, « mercredi 18 septembre 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 17 mars 2024

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