microscopiques

Je dis que je ne veux rien faire

je m’en vante

que je ne veux pas aimer

travailler décider agir

qu’une vie de lierre de mousse

ou de lichen est mon idéal

quelle prétention que de pauvres

sottises qui contiennent sûrement

à des fins de plausibilité

les traces de microscopiques

parcelles de vérité

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 57.

Élisabeth Mazeron, 23 juin 2006
vaurien

De tous mes pensionnaires, le cancrelat est le plus inoffensif et le plus irritant. Le cancrelat est un vaurien. Il n’a aucune tenue dans ce monde ni dans l’autre. Plutôt qu’une créature c’est un brouillon. Depuis le pliocène il n’a rien fait pour s’améliorer. Ne parlons pas de sa couleur de tabac chiqué pour laquelle la nature ne s’était vraiment pas mise en frais. Mais ces évolutions erratiques, sans aucun projet décelable ! ce port de casque subalterne et furtif, cette couardise au moment du trépas !

Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion, Payot, p. 103.

Élisabeth Mazeron, 23 avr. 2008
merles

La mort est claire dans le ruisseau

et sauvage dans la lune

et claire

comme le soir venu l’étoile frémit

étrangère devant ma porte

la mort est claire

comme le miel en août

aussi claire est cette mort

et elle m’est fidèle

quand arrive l’hiver

oh Seigneur

envoie-moi une mort

que j’aie froid

et que la langue me vienne dans la mer

et près du feu

Seigneur

La mort dans la nuit attaque le tronc d’arbre

et le sommeil de quelques merles

dans les obscurités.

Thomas Bernhard, Sur la terre comme en enfer, La Différence, p. 63.

David Farreny, 26 juin 2012
adresse

Aucune illumination pour moi, enchaîné par moi-même, c’est-à-dire par la seule force qui puisse me libérer. Alors comment faire ? Se détruire en laissant une adresse où se retrouver. Quelle adresse ? Qui a mon adresse ? Qui saura tout ce que j’ai su ?

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 140.

Cécile Carret, 28 juin 2012
délivre

Des corrélations entre topos et macrotopos

Des éléments suprasegmentaux,

Délivre-nous, Seigneur.

[…]

Du vocoïde,

Du vocoïde nasal pur ou sans occlusion consonantique,

Du vocoïde bas et du semi-vocoïde homorganique,

Délivre-nous, Seigneur.

[…]

Du programme épistémologique dans l’œuvre,

De la dimension épistémologique et de la dimension dialogique,

Du substrat acoustique du culminateur,

Des systèmes générativement compatibles,

Délivre-nous, Seigneur.

[…]

Des apparitions de Chomsky, de Mehler, de Perchonock

De Saussure, Cassirer, Troubetzkoy, Althusser

De Zolkiewsky, Jacobson, Barthes, Derrida, Todorov

De Greimas, Fodor, Chao, Lacan et caterva

Délivre-nous, Seigneur.

Carlos Drummond de Andrade, Exorcisme.

David Farreny, 25 nov. 2014
cou

La conversion de malfaiteurs avant leur exécution peut être comparée à une espèce de gavage : on les engraisse spirituellement et, afin qu’ils ne rechutent plus, on leur coupe ensuite le cou.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 183.

David Farreny, 5 déc. 2014
vivre

« Je viens de relire en courant tout ce qui précède. Il me semble que je suis encore le maître des jours que j’ai inscrits, quoiqu’ils soient passés. Mais ceux que ce papier ne mentionne point, ils sont comme s’ils n’avaient point été. Dans quelles ténèbres suis-je plongé ? Faut-il qu’un misérable et fragile papier se trouve être, par ma faiblesse humaine, le seul monument d’existence qui me reste ? L’avenir est tout noir. Le passé qui n’est point resté l’est autant. » Delacroix.

Utilité du Journal.

Ce qui n’a pas été écrit n’a pas existé. Limbes.

Le plus terrifiant : ce que j’ai vécu mais n’est pas écrit risque d’exister pour les autres, qu’ils l’effacent en l’écrivant eux-mêmes ou, plus probablement, en l’oubliant.

Il ne s’agit donc pas d’empêcher la fuite du temps. Il s’agit d’empêcher les autres de me vivre (à la façon dont ils vivent tout : en salopant).

Philippe Muray, « 10 janvier 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 21.

David Farreny, 28 fév. 2024
devant

À l’instant où je mourrai, au terme de quatre-vingt-dix-sept années d’existence, naîtra un virevoltant et allègre éphémère qui aura la journée devant lui.

Éric Chevillard, « mercredi 23 janvier 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 1er mars 2024

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