infime

On sent bien, à l’hystérie du public, lorsqu’un crime particulièrement épouvantable a été perpétré, qu’un enfant a été violé et assassiné, par exemple, ou bien, en sens inverse, à son indulgence, voire à son approbation, lorsqu’un propriétaire a tué un cambrioleur, on sent bien, alors, que la civilisation n’est qu’une lamelle d’une infime épaisseur, et que si quelques obstinés n’étaient pas là pour la protéger, les réactions naturelles de la majorité auraient tôt fait de la briser.

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette/P.O.L., p. 88.

David Farreny, 14 avr. 2002
tomber

Le sexe en tant qu’institution, en tant que concept général, le sexe en tant que problème, le sexe platitude, c’est tellement assommant que les mots me manquent pour en parler. Laissons tomber le sexe.

Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 31.

David Farreny, 14 avr. 2002
solution

Étrange mois d’août que celui qui s’achève. Le premier, depuis sept ans, que je n’aurai pas passé à écrire, et, de ce fait, reposant, pacifique, malgré le labeur d’esclave qui l’a rempli, sans l’ébranlement, les poisons mortels du travail de plume. Il y avait infiniment à faire mais c’étaient des choses précises, successives, qui ne réclamaient que du temps, les outils adéquats, une quantité déterminée d’énergie et pour lesquelles il existait a priori une solution.

Pierre Bergounioux, « mardi 29 août 1989 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 828.

David Farreny, 20 avr. 2006
botanique

Je reviens moi-même du midi où j’ai laissé Jacqueline et François V.R. achever août et l’été sur sa chute. Nous avons passé là des jours simplement heureux, confortant nos idées, prolongeant notre inquiétude tard dans les nuits qu’on aime tant qu’on se relève pour en presser les odeurs, les chants, les douceurs, la botanique.

Dominique de Roux, « lettre à Robert Vallery-Radot (28 août 1966) », Il faut partir, Fayard, p. 223.

David Farreny, 21 août 2008
aventure

Je vivais, sans chercher à lui échapper, la situation qui m’était faite. Et ce qui m’avait paru d’abord insoutenable s’imposait à présent comme une œuvre nécessaire qui ne concernait pas seulement les objets autour de moi mais ma vie spirituelle tout entière. Comme je l’avais pressenti devant la feuille blanche, j’avais à accepter sans réserve la vacuité fondamentale des êtres, et par-dessus tout, celle de mon être propre. J’avais à m’incorporer, jusqu’à la plus parfaite identification, cette blancheur nulle à l’orée de laquelle je me tenais toujours debout, silencieux — absent, profondément, aux quelques objets qui subsistaient encore. Un consentement infini montait en moi dans l’immobilité de mes sens et dans la suspension de toute activité de l’intellect. Je m’aventurais vers un oui de tout mon être à ce qui en était la radicale négation. Et pour lors, je n’étais rien de plus que cette aventure.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, p. 69.

Élisabeth Mazeron, 22 mars 2010
étendue

Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à ne rien faire. Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom ; et que méditer, parler, lire, et être tranquille, s’appelât travailler.

Jean de La Bruyère, « Les caractères ou les mœurs de ce siècle », Œuvres complètes (1), Henri Plon, p. 242.

Guillaume Colnot, 28 fév. 2013
sans

Et je voyais la jeunesse comme un fleuve, un libre confluent, un flot durablement commun dont j’avais été exclu, en même temps que tous les autres élèves, en entrant à l’internat. C’est un temps perdu qu’il n’était plus possible de rattraper. Il me manquait quelque chose, quelque chose de décisif pour la vie et qui me manquerait toujours. Comme bien d’autres de mes contemporains du village, j’avais un membre en moins ; mais il ne m’avait pas été arraché, comme un pied ou une main, il n’avait tout simplement pas pu se former, et ce n’était pas seulement une extrémité, comme on dit, mais un organe auquel rien ne pouvait suppléer. Mon infirmité était de ne plus pouvoir rien faire avec les autres : ni agir ni parler avec eux. C’était comme si je m’étais échoué, invalide, et que le courant qui n’avait apporté que moi se fût écoulé pour toujours. Je savais que j’avais besoin de la jeunesse, pour tout ce qui allait suivre ; l’avoir désormais manquée sans retour me rendait incapable de mouvement, provoquait même parfois, surtout dans la société des gens de mon âge, qui était pourtant celle qu’il me fallait, une crampe d’immobilisation intérieure très douloureuse qui me faisait jurer envers les responsables de ma paralysie – car ils existaient ! – une haine inexpiable.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 41.

Cécile Carret, 3 août 2013
cavernicole

Aveugle, nocturne, cavernicole, dotée d’un radar qui lui représente très précisément les obstacles, la chauve-souris tout au long de sa vie ne fait qu’éviter, esquiver, se dérober et disparaître – et même son cadavre ne sera jamais retrouvé. Or – vous pensez bien si je me suis renseigné –, elle ne prend ni apprenti ni stagiaire.

Éric Chevillard, « vendredi 7 février 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 16 fév. 2014
film

Les grands moments d’une vie, les beaux, les forts, tiendraient sur une alléchante bande-annonce. Mais il faut se taper tout le film.

Éric Chevillard, « jeudi 19 juillet 2018 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 27 fév. 2024

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