situer

Non, les mots ne sont pas faits pour désigner les choses. Ils sont là pour nous situer parmi les choses. Si on les voit comme des désignations, on montre qu’on a l’idée la plus pauvre du langage. La plus commune aussi. C’est le combat, mais depuis toujours, du poème contre le signe.

Henri Meschonnic, Célébration de la poésie, Verdier, p. 249.

David Farreny, 2 sept. 2002
apéritif

La pluie a commencé, pluie d’automne, sans sursis, définitive. Il pleut partout, sur Paris, sur la banlieue, sur la province. Il pleut dans les rues et dans les squares, sur les fiacres et sur les passants, sur la Seine qui n’en a pas besoin. Des trains quittent les gares et sifflent ; d’autres les remplacent. Des gens partent, des gens reviennent, des gens naissent et des gens meurent. Le nombre d’âmes restera le même. Et voici l’heure de l’apéritif.

Jean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert, La Table Ronde, p. 29.

David Farreny, 3 mars 2008
vie

Et on en resterait là. Du moins entreprendrais-je comme promis la rédaction de mon livre de souvenirs et de confidences. Saviez-vous par exemple que je me mouche toujours une dernière fois dans le mouchoir que je mets au sale, afin de garder propre plus longtemps le nouveau que j’empoche, afin d’économiser sa blancheur en quelque sorte ? C’est moi. C’est ainsi que je mords à belles dents dans la vie.

Éric Chevillard, Du hérisson, Minuit, p. 33.

David Farreny, 18 mai 2009
calao

On est parce qu’on porte un brin de paille. Quelqu’un nous l’a laissé quand ce fut l’heure de le porter. Et la réciproque est vraie : on porte un brin de paille, un étui pénien, l’ordre du grand calao parce qu’on est.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 46.

Élisabeth Mazeron, 7 juin 2010
membrane

Tous ses rapports avec le monde semblent se produire à travers quelque membrane. Cette membrane empêche toute forme de fertilisation. Métaphore intéressante, gros potentiel, mais il ne voit pas où cela peut le mener.

John Maxwell Coetzee, L’été de la vie, Seuil, p. 312.

David Farreny, 8 janv. 2011
chaleur

Nous avions coutume alors de fermer les volets et de lire à la lumière d’une lampe des feuilles jaunies et des papiers qui nous avaient accompagnés dans maints voyages. Nous reprenions aussi de vieilles lettres, et ouvrions, afin d’y puiser courage, les livres éprouvés, où des cœurs depuis bien des siècles tombés en poussière nous dispensent leur chaleur.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 88.

Cécile Carret, 27 août 2013
vieilles

Il y avait dans le paysage, jusque dans les années 70, une stabilité et une inertie toute séculaire. Les vieilles fermes au coin des routes. Les choses avaient une force placide, une pesanteur. Le sentiment du monde était écrasant.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 80.

Cécile Carret, 22 sept. 2013
durer

L’enfant est une inhibition active. Il empêche le réveil complet, c’est-à-dire la mort de l’espèce. Les théologiens n’osent pas le dire, mais ils voudraient ce réveil total, entraînant le Jugement logique. L’enfant fait durer. Il n’y a pas plus antithéologique que l’enfant. Il est là aussi pour cacher qu’il n’y a pas eu de rapport sexuel. Tout cela est très clair : si je suis avec une femme et que je n’ai pas eu d’enfants, c’est qu’il y a ou qu’il y a eu rapport sexuel. Si j’ai avec elle des enfants, on peut en douter. On peut se dire en tout cas qu’à un certain moment elle a estimé que ça suffisait comme ça. Elle a déclenché le processus de séparation par l’enfant. L’enfant est le divorce in vivo des parents.

Philippe Muray, « 10 avril 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 46.

David Farreny, 28 fév. 2016
cachette

C’est bien pourtant quand nous sommes en vie que nous aurions souvent l’usage d’une cachette sous la terre fermée par une porte de marbre.

Éric Chevillard, « mercredi 25 mai 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 25 mai 2016
infaillible

Si on avait une perception infaillible de ce qu’on est, on aurait tout juste encore le courage de se coucher mais certainement pas celui de se lever.

Emil Cioran, « Écartèlement », Œuvres, Gallimard, p. 994.

David Farreny, 7 mars 2024

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